Balado doublé en France: la grande patrone de CBC convoquée en comité parlementaire

OTTAWA — Les grands patrons de CBC/Radio-Canada et de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ont été tour à tour convoqués devant un comité parlementaire mercredi pour s’expliquer sur des controverses linguistiques.

Les élus qui siègent au comité permanent des langues officielles ne digèrent pas que le diffuseur public ait confié l’adaptation française d’une émission balado à un studio français pour éviter l’accent québécois et que de hauts gradés occupent des postes bilingues alors qu’ils sont incapables de communiquer en français.

«Cette histoire est totalement, mais totalement inacceptable», a soupiré le député conservateur Bernard Généreux en présentant en début de soirée sa motion concernant «la saga CBC Podcasts» qui a été adoptée à l’unanimité.

Selon lui, l’accent québécois, comme ceux d’ailleurs dans la francophonie canadienne, «n’a pas à justifier sa place» pour sa compréhension.

«Si on n’est pas capable d’être fier de notre langue au Canada, on a un sérieux problème», a-t-il lâché.

Dans les derniers jours, la présidente-directrice générale de CBC/Radio-Canada, Catherine Tait, a présenté «sincèrement» ses excuses et assuré que des mesures sont prises «afin de corriger la situation et, surtout, éviter que cela ne se reproduise dans l’avenir».

«C’était une erreur, point à la ligne», écrivait-elle vendredi dans une lettre destinée à la présidente de l’Union des artistes au sujet de la décision de confier le doublage du balado «Alone: A Love Sroty» à une entreprise parisienne en visant «un rayonnement international».

Elle annonçait aussi que la version française a été retirée et que le doublage serait confié à une entreprise québécoise.

En plus de Mme Tait, les parlementaires enverront des cartons d’invitation à un responsable de CBC Podcasts, à un de ses collègues au marketing ainsi qu’au ministre des Langues officielles, Randy Boissonnault.

Les libéraux, qui sont minoritaires au comité comme en Chambre, ont d’ailleurs tenté, en vain, d’éviter que le ministre soit lui aussi convoqué.

Le ministre passe «zéro» temps sur le cas de CBC parce que ce n’est pas de sa responsabilité, a plaidé le député franco-ontarien Francis Drouin, qui a noté au passage qu’il aurait «un méchant problème» si le gouvernement prenait des décisions pour le diffuseur, une organisation «apolitique».

Le porte-parole conservateur en matière de Langues officielles, Joël Godin, lui a répliqué que c’est le travail des oppositions de poser des questions.

«Et les personnes qui représentent le gouvernement, c’est les ministres, a-t-il dit. Je pense que c’est important que le ministre des Langues officielles, qui est l’officier qui doit faire respecter la loi (…) soit interrogé sur ce sujet-là.»

Lorsque Marc Serré, le secrétaire parlementaire de M. Boissonnault, a souligné que les élus auront l’«opportunité» de poser des questions au ministre lors d’une comparution la semaine prochaine, la porte-parole du Nouveau Parti démocratique en matière de Langues officielles, Niki Ashton, lui a répondu que «oui, il vient chez nous, mais sur d’autres choses».

Les unilingues de la GRC

Le même comité a adopté quelques minutes plus tôt, et également à l’unanimité, une motion du Bloc québécois convoquant le commissaire de la GRC, Michael Duheme, au plus tard le 8 novembre pour «discuter du plan» de l’organisation «pour se conformer à la Loi sur les langues officielles et respecter le français».

Radio-Canada révélait au début octobre que des responsables travaillant au quartier général de la police fédérale à Ottawa occupent des postes bilingues alors qu’ils ne maîtrisent pas le français et, qu’en plus, ils ne suivent aucun cours pour corriger la situation.

«C’est une violation flagrante de la Loi sur les langues officielles faite par la police fédérale. Et c’est loin d’être la première fois. (…) Il y a vraiment une dégradation», a lancé le porte-parole bloquiste en matière de Langues officielles, Mario Beaulieu, en présentant sa motion.

Les élus ont aussi décidé d’inviter le ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc. Et, là encore, cela a causé des remous.

«Il semble y avoir un genre de « pattern » ici. À chaque motion qu’on a, on invite le ministre. (…) Je pense que ce n’est pas réaliste», a envoyé le libéral Marc Serré qui ne cachait pas son agacement.

Le bloquiste Mario Beaulieu lui a répondu que «si le ministre a à répondre de ça, il va peut-être mettre une pression pour qu’il y ait du changement».

Dans un courriel transmis à La Presse Canadienne, la GRC affirme que «la majorité» des cadres supérieurs ont «des compétentes» en français et en anglais.

L’organisation écrit qu’elle «reconnaît» que la Loi sur les langues officielles «doit être respectée» et qu’elle «entend faire tous les efforts nécessaires en ce sens».

Le service de police ajoute que les membres de l’état-major supérieur sont nommés pour «répondre aux besoins opérationnels» et qu’ils ont des «compétences (…) hautement spécialisées» qui sont essentielles pour assurer la sécurité du public.