Bizutage dans le hockey junior: la LHJMQ promet un «code du vestiaire»

MONTRÉAL — La Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ) s’engage à adopter dès la saison 2023-2024 un «code du vestiaire» afin d’éviter les initiations dégradantes et de briser la culture du silence au sein de ses équipes.

C’est ce qu’a annoncé Gilles Courteau, le commissaire de l’organisation, devant la commission parlementaire portant sur les violences commises dans le hockey junior et possiblement dans d’autres sports, mercredi, à l’Assemblée nationale.

Bien que des mesures ont été déployées dans les dernières années, du travail reste à faire pour enrayer les comportements inappropriés et opérer un changement de culture, ont reconnu les représentants de la LHJMQ. 

«Malgré tous les efforts que nous faisons, il y a un moment où la porte du vestiaire se ferme. Dorénavant, la LHJMQ veut installer une fenêtre», a affirmé M. Courteau. 

Le futur code naîtra notamment de consultations entreprises dans les prochaines semaines auprès de chacune des équipes, des joueurs (vétérans comme recrues) et du personnel de la ligue. 

«Il se voudra une référence des comportements attendus par l’ensemble des joueurs et membres du personnel qui fréquenteront quotidiennement le vestiaire. Toute personne qui entre dans le vestiaire devra s’engager à respecter le code», a expliqué M. Courteau.  

Celui-ci a précisé plus tard en point de presse que la nouvelle politique pourrait comporter des sanctions allant jusqu’à l’expulsion selon la gravité des gestes.

M. Courteau a indiqué que les initiations de recrues sont déjà interdites en vertu du code éthique de la ligue. «Si on a vent avant que l’initiation ou la situation se produit, oui (on va l’annuler)», a déclaré le commissaire, en réponse à une question du caquiste Samuel Poulin qui demandait si la LHJMQ est actuellement en mesure de stopper ce type d’activité.

En parallèle, un comité élabore un plan d’action et un programme de prévention sur les comportements inappropriés. 

Dans son mémoire déposé aux parlementaires, la LHJMQ mentionne aussi vouloir s’attaquer à la masculinité toxique et au processus de dénonciation au cours des prochains mois. 

Aucune plainte officielle

Les audiences devant la Commission de la culture et de l’éducation découlent des révélations la semaine dernière concernant des initiations violentes dans le milieu du hockey junior, incluant des violences sexuelles, des actes de discrimination et d’autres formes d’abus.

Selon ce qui a été entendu en Cour supérieure de l’Ontario, de jeunes joueurs ont été torturés, séquestrés de force, rasés, dénudés, drogués, intoxiqués, agressés physiquement et sexuellement et forcés de boire de l’urine, notamment.

La LHJMQ a mentionné mercredi n’avoir reçu aucune plainte officielle en lien avec des initiations. M. Courteau a voulu souligner d’entrée de jeu qu’après vérification, aucune de ses 18 équipes n’a été impliquée dans les faits évoqués dans le jugement et mis en lumière par Radio-Canada. 

Si la LHJMQ passe maintenant à l’offensive avec un «code du vestiaire», c’est qu’«il y a déjà des sons de cloche qu’il y avait quelque chose qui se passait qui n’était pas correcte», a estimé la ministre responsable du Sport, Isabelle Charest, en mêlée de presse. 

«Peut-être que ceci explique cela», a-t-elle déclaré. 

L’instigateur de la commission, le solidaire Vincent Marissal, souhaite aller davantage au fond des choses et demande de prolonger les travaux des audiences pour notamment entendre d’anciens joueurs. 

«Ce qu’on apprend depuis ce matin me confirme qu’on ne peut pas se contenter de fermer les micros à la fin de la journée et passer à un autre appel. Je sens qu’on ne touche qu’à la pointe de l’iceberg aujourd’hui : il faut continuer de creuser pour s’assurer de mettre ces pratiques derrière nous pour de bon», a-t-il soutenu dans une déclaration écrite. 

Les membres de la commission doivent se réunir jeudi matin pour décider de la suite. 

Formation obligatoire

Des représentants de Hockey Québec et du Réseau du sport étudiant du Québec (RSEQ) ont aussi comparu. Ils ont notamment plaidé pour accorder davantage de pouvoirs et de ressources à l’Officier des plaintes, un mécanisme de signalements d’abus, de harcèlement, de négligence ou de violence en contexte sportif, mis en oeuvre en février 2021. 

Le président de la Ligue canadienne de hockey (LCH), Dan MacKenzie, a, de son côté, annoncé la mise sur pied à compter de la saison prochaine d’une formation obligatoire sur le respect et les mauvais comportements pour les joueurs des ligues dans son giron, soit celles de l’Ontario et de l’Ouest ainsi que la LHJMQ. 

M. MacKenzie a souligné que les règles entourant les initiations relèvent de chacune des ligues régionales, mais la LCH s’assure de donner les outils nécessaires pour prévenir les actes répréhensibles. 

Selon lui, la façon de mettre fin aux violences est de garantir aux joueurs un mécanisme de dénonciation où leurs plaintes sont prises au sérieux. 

L’exemple de McGill

En fin de journée, les parlementaires se sont tournés vers l’Université McGill, qui a fait part de son expérience après avoir connu des actes de bizutage commis dans certaines de ses équipes sportives en 2005 et 2017. 

Fabrice Labeau, premier vice-principal exécutif adjoint, études et vie étudiante de McGill, a énuméré les actions mises en place pour éviter d’autres dérapages depuis ces événements. 

Le professeur a notamment fait part que l’institution montréalaise indique clairement dans sa politique ce qu’elle considère comme des activités encouragées et celles prohibées avec une liste d’exemples. Les entraîneurs doivent aussi être mis au courant des événements informels des équipes avant qu’ils aient lieu. 

La veille de la commission, l’Université McGill s’est retrouvée dans la tourmente pour son refus de comparaître après avoir initialement accepté l’invitation de l’Assemblée nationale. L’établissement invoquait que les événements qu’elle a eu à traiter datent de plusieurs années, et que le délai entre l’invitation et la comparution était très court.

L’établissement anglophone a finalement révisé sa position sous la pression des partis d’opposition qui soutenaient que son témoignage pouvait apporter des pistes de solution.