Collecte de données sur la mobilité: le Comité de l’éthique demande la transparence

OTTAWA — Un comité de la Chambre des communes recommande que le gouvernement fédéral prévienne les Canadiens s’il recueille des données sur leurs déplacements — et qu’il permette aux citoyens de se retirer de cette collecte.

Ce sont là quelques-unes des recommandations formulées par le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique, qui avait commencé en janvier à se pencher sur la question de la collecte et de l’utilisation des données sur la mobilité des Canadiens.

On venait d’apprendre alors que l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) avait utilisé des données sur la mobilité des Canadiens pendant la pandémie pour évaluer les tendances des déplacements des populations.

La Santé publique a utilisé les données des tours cellulaires pour suivre 33 millions d’appareils mobiles, afin d’évaluer les tendances de déplacements pendant les confinements. L’agence a ensuite lancé un appel d’offres, en décembre, pour continuer à suivre les données de localisation cellulaire jusqu’au 31 mai 2023.

Le comité des Communes estime que le gouvernement devrait informer «sur une base continue» les Canadiens de ces programmes — «et qu’il le fasse d’une manière qui expose clairement la nature et le but de la collecte de données».

Le comité recommande également des modifications aux lois sur la protection des renseignements personnels et la confidentialité, afin que les informations anonymisées et les données agrégées soient considérées comme des «informations personnelles», donc soumises à la protection de la vie privée.

L’ASPC n’a pas immédiatement répondu aux questions, mercredi. L’agence avait précédemment souligné que les données de localisation des tours de téléphonie cellulaire seraient dépourvues d’identifiants personnels. L’ASPC assurait aussi qu’elle avait demandé les conseils d’experts en matière de confidentialité et d’éthique, y compris le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada.

Pour sa part, le commissaire à la protection de la vie privée, Daniel Therrien, a déclaré mercredi dans un communiqué qu’il accueillait «très favorablement le rapport du Comité». Il ajoute par ailleurs que le gouvernement «n’a pas agi de manière à donner l’assurance aux Canadiens que son utilisation de données sur la mobilité se ferait dans le respect de leur vie privée».

«Cela montre bien que le décalage entre les lois actuelles sur la protection des renseignements personnels et les progrès technologiques modernes est si grand que même les utilisations socialement bénéfiques des données sont considérées comme suspectes parce que les Canadiens ne sont pas convaincus que les lois les protégeront», estime M. Therrien.

Le secteur privé aussi

Mais les changements proposés par le comité vont au-delà des activités du gouvernement. Le comité affirme que le Canada doit réglementer les activités du secteur privé en matière de collecte, d’utilisation, de partage, de stockage et de destruction des données sur la mobilité des Canadiens. Le comité recommande aussi que le gouvernement s’assure que les entreprises privées ont obtenu «un consentement valable» de leurs clients pour la collecte de ces données.

Or, M. Therrien estime qu’il n’est «ni pratique ni réaliste» de s’attendre à ce que les personnes donnent leur consentement pour toutes les utilisations de leurs données. Selon le commissaire, les lois canadiennes devraient donner aux organisations plus de latitude pour utiliser les données personnelles sans consentement «à des fins d’innovation responsable et pour le bien commun».

Par contre, «cela devrait se faire dans un cadre juridique qui reconnaît la vie privée comme un droit de la personne et comme un élément essentiel à l’exercice d’autres droits fondamentaux», insiste M. Therrien. Cette utilisation des données personnelles sans consentement devrait faire l’objet d’une surveillance indépendante par le Commissariat, pour assurer une transparence et une responsabilité, dit-il

«Dans ce cas‑ci, bien que le gouvernement ait informé le Commissariat de son intention d’utiliser des données sur la mobilité, il a finalement refusé notre offre d’examiner les moyens utilisés pour dépersonnaliser ces données et la façon dont les principes de protection des renseignements personnels étaient appliqués.

«L’organisme de réglementation devrait être en mesure d’insister pour mener une vérification proactive, au besoin, pour assurer la confiance du public.»

Les recommandations du comité d’éthique comprennent un certain nombre de mesures d’éducation du public et de transparence, et demandent au gouvernement de définir ce qui constitue un «intérêt commercial légitime» et un «bien public» dans la collecte, le stockage, l’utilisation, le transfert et la vente de données privées. Le comité souhaite également que le commissaire soit habilité à enquêter sur les infractions et à faire appliquer la loi.

Le gouvernement fédéral n’a pas immédiatement répondu aux questions visant à savoir s’il acceptait les recommandations et s’il envisageait de renforcer les pouvoirs du Commissariat à la protection de la vie privée.