Épicerie et logement: les libéraux et le NPD s’entendent pour écourter le débat

OTTAWA — Le gouvernement libéral pourra finalement compter sur l’appui du Nouveau Parti démocratique (NPD) pour un bâillon afin d’écourter le temps de débat sur son projet de loi phare de l’automne, C-56, qui touche l’abordabilité du logement et de l’épicerie.

Une source néo-démocrate bien au fait des discussions a confirmé à La Presse Canadienne avoir eu l’assurance qu’en échange les libéraux acceptent d’amender leur document législatif en y ajoutant des éléments tirés d’un projet de loi similaire parrainé par le chef du NPD, Jagmeet Singh.

La leader du gouvernement à la Chambre, Karina Gould, prévoit inscrire au feuilleton, jeudi soir, un avis de motion qui donnera un aperçu des termes de l’entente, a révélé cette source.

La «super motion», comme elle est parfois appelée dans le jargon, définira le temps alloué au débat avant que le texte ne soit envoyé en comité et des éléments permettant que les amendements qui seront ajoutés ne dépassent pas la portée du projet de loi, évitant ainsi qu’ils soient plus tard rejetés.

Le débat aura lieu lundi, mais la motion sera votée plus tard dans la semaine.

Les libéraux cherchaient depuis des semaines un partenaire de danse pour les appuyer dans leurs efforts pour presser le pas et court-circuiter l’obstruction parlementaire qu’ils imputent aux conservateurs de Pierre Poilievre.

Des pourparlers avaient lieu avec les néo-démocrates et les bloquistes. Les deux partis d’opposition tentaient de marchander leur appui à la motion.

Les bloquistes réclamaient, selon une source libérale, le report de la date limite pour le remboursement des prêts du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes qui a été créé durant la pandémie de COVID-19.

Le porte-parole néo-démocrate en matière de finances, Daniel Blaikie, a indiqué en entrevue que bien que tous soient conscients que le gouvernement peut toujours «travailler avec un autre partenaire», les tractations auxquelles il a participé n’étaient «pas un échange de menaces».

Quatre «victoires»

Dans les rangs néo-démocrates, on se réjouit d’avoir remporté quatre «victoires» pour améliorer ce projet de loi qui n’allait «pas suffisamment loin».

Dans ses grandes lignes, le projet de loi C-56, qui est parrainé par la ministre des Finances, Chrystia Freeland, vise actuellement à éliminer la TPS sur la construction de nouveaux logements locatifs et à donner plus de mordant au Bureau de la concurrence du Canada.

La version amendée du projet de loi augmentera les pénalités en cas d’infraction lorsqu’un prix excessif est pratiqué, soit lorsque le prix est nettement supérieur au prix concurrentiel en raison de la présence d’un acteur qui abuse de sa position dominante.

M. Blaikie a affirmé que les pénalités doivent être véritablement dissuasives, en particulier en cas de récidive, afin que les entreprises ne considèrent pas qu’elles font partie du coût d’être en affaires.

Il sera aussi plus facile pour le Bureau de la concurrence de s’attaquer à des comportements anticoncurrentiels de gros joueurs contre de plus petits.

Troisièmement, le Bureau de la concurrence pourra désormais contraindre des entreprises à lui fournir des renseignements, y compris lorsqu’il mène proactivement une enquête.

Finalement, l’élimination de la TPS pour les nouveaux logements sera étendue aux coopératives. «Le modèle de coopératives de logements crée des opportunités pour le logement plus abordable», a résumé M. Blaikie.

Une autre motion?

Les libéraux et le NPD n’ont pas convenu d’une motion pour accélérer les débats en comité, mais des discussions sur le sujet pourraient éventuellement avoir lieu au besoin, a-t-on fait savoir.

«Ça presse quand même», a lancé Daniel Blaikie en entrevue, soulignant au passage que des entreprises attendent que le rabais de TPS soit en vigueur pour débuter la construction de nouveaux logements. 

Il ne s’objecte pas à ce que cela prenne «quelques semaines» pour que les parties négocient des amendements conduisant à un meilleur projet de loi.

«Mais à ma connaissance les conservateurs n’ont pas de propositions qu’ils veulent voir adopter pour s’assurer que le projet de loi avance, a-t-il lancé. C’est juste une obstruction sans objectif autre que l’obstruction elle-même.»

Dans une déclaration transmise en soirée, Katherine Cuplinskas, une porte-parole au bureau de la ministre des Finances, écrit que «le gouvernement fédéral a présenté le projet de loi C-56 (…) pour construire plus de logements et pour stabiliser les prix des produits alimentaires. Il s’agit de priorités importantes pour les Canadiennes et les Canadiens et pour notre gouvernement, et nous travaillons rapidement pour faire adopter ce projet de loi à la Chambre des communes.»

Les conservateurs et les bloquistes n’avaient pas répondu à une demande de commentaire au moment de publier.

– Avec la collaboration d’Émilie Bergeron