Étudiants étrangers: Ottawa averti sur un trop grand nombre d’heures en emploi

OTTAWA — Des fonctionnaires fédéraux ont averti que de permettre aux étudiants internationaux de travailler plus de 20 heures par semaine pourrait les détourner de leurs études et compromettre l’objectif des programmes de travailleurs étrangers temporaires.

Cette mise en garde est apparue dans des documents préparés en 2022 pour l’ancien ministre de l’Immigration, Sean Fraser, alors que le gouvernement du Canada envisageait de lever la restriction sur le nombre d’heures que les étudiants internationaux pouvaient travailler hors campus. Cette politique a finalement été mise en œuvre par le gouvernement libéral.

La Presse Canadienne a obtenu les documents internes grâce à une demande d’accès à l’information.

La suppression du plafond pourrait contribuer à atténuer les pénuries de main-d’œuvre, a concédé un mémorandum destiné au ministre, mais cela pourrait également avoir d’autres conséquences imprévues.

«Même si une augmentation temporaire du nombre d’heures que les étudiants internationaux peuvent travailler hors campus pourrait aider à remédier à ces pénuries, elle pourrait détourner l’attention de l’objectif académique principal des étudiants internationaux et mettre davantage l’accent sur le travail », indique la note.

Le programme d’étudiants internationaux du Canada a été étroitement scruté au cours des derniers mois dans le cadre d’une critique plus large des politiques d’immigration libérales qui ont alimenté une croissance démographique rapide et contribué à la crise du logement au Canada. Cet examen minutieux a conduit le gouvernement à introduire un plafond sur les permis d’études au cours des deux prochaines années.

Plus de 900 000 étudiants étrangers ont obtenu un visa pour étudier au Canada l’année dernière, soit plus de trois fois le nombre d’il y a 10 ans.

Les critiques ont remis en question l’augmentation spectaculaire des inscriptions d’étudiants internationaux dans des établissements postsecondaires douteux et ont fait part de leurs inquiétudes quant au fait que le programme constitue une porte ouverte vers la résidence permanente.

La note indique que supprimer la limite pour le travail hors campus serait en contraste frappant avec les programmes de travailleurs étrangers temporaires, qui exigent que les employeurs prouvent qu’ils ont besoin d’un travailleur migrant et qu’aucun Canadien ou résident permanent n’est disponible pour faire le travail.

Le ministre Fraser a finalement annoncé en octobre 2022 que le gouvernement fédéral lèverait la restriction jusqu’à la fin de 2023 pour atténuer les pénuries de main-d’œuvre à travers le pays. La dérogation ne s’appliquait qu’aux étudiants qui étaient déjà au Canada ou à ceux qui avaient déjà fait une demande, afin de ne pas inciter les ressortissants étrangers à obtenir un permis d’études uniquement pour travailler au Canada.

En décembre, le ministre de l’Immigration, Marc Miller, a prolongé cette politique jusqu’au 30 avril 2024 et a lancé l’idée de fixer le plafond à 30 heures par semaine par la suite. 

Dans une entrevue avec La Presse Canadienne lundi, le ministre Miller a expliqué qu’il avait prolongé la dérogation parce qu’il ne voulait pas interférer avec les modalités de travail des étudiants au milieu d’une année universitaire. « Ce que je ne voulais vraiment pas faire, c’est avoir un impact sur les étudiants de l’année en cours qui ont fait leurs calculs financiers sur la manière dont ils pourront subvenir à leurs besoins et comment ils pourront payer les frais de scolarité, le loyer et la nourriture », a-t-il précisé.

Des sources ministérielles montrent, selon le ministre, que plus de 80 % des étudiants internationaux travaillent actuellement plus de 20 heures par semaine. Renoncer au nombre d’heures que les étudiants internationaux pouvaient travailler était la bonne décision étant donné les pénuries de main-d’œuvre auxquelles le Canada était confronté, mais cette politique n’a jamais été censée être permanente, a-t-il signalé.

Les postes vacants ont grimpé à plus d’un million au deuxième trimestre 2022, mais ont régulièrement diminué depuis lors à mesure que l’économie ralentit. Le ministre Miller envisage maintenant d’apporter une modification permanente au plafond qui le fixerait entre 20 et 40 heures par semaine. « Il n’est pas crédible que quelqu’un puisse travailler 40 heures et suivre un programme approprié ».

L’objectif, a-t-il rappelé, est de proposer un plafond qui donne aux étudiants la possibilité d’acquérir une bonne expérience de travail et les aide à payer leurs factures, sans pour autant nuire à leurs études. « Alors, à quoi ressemble un nombre d’heures raisonnable pour quelqu’un qui étudie ici, sachant qu’il paie trois à quatre fois, parfois cinq fois le prix d’un étudiant national? Je pense que cela fait plus de 20 heures, » à son avis.