Expérience de mort imminente: une nouvelle étude soulève des questions

MONTRÉAL — Même s’il ne donnait plus aucun signe d’activité, le cerveau de patients en arrêt cardiaque s’est subitement «réveillé» jusqu’à une heure après le début des manœuvres de réanimation, rapporte une nouvelle étude.

L’activité qui est réapparue dans le cerveau correspondait à celle que l’on associe normalement avec la conscience, précisent les auteurs dans les pages du journal médical Resuscitation.

La conscience, écrivent les auteurs de l’étude, pourrait donc être «présente malgré une conscience cliniquement indétectable (notamment) sous anesthésie (…) et chez les patients supposés être dans un état végétatif persistant».

Les auteurs de la nouvelle recherche ont étudié 567 patients en arrêt cardiaque entre mai 2017 et mars 2020. Des données concernant l’oxygénation du cerveau et l’activité de l’organe ont pu être recueillies auprès de 53 d’entre eux. Le cerveau de la plupart de ces patients ne montrait aucun signe d’activité lors d’un électroencéphalogramme (leur cerveau avait «flatliné», pour utiliser un terme anglais qui n’a pas de traduction évidente en français).

Mais dans environ 40 % des cas, une activité cérébrale normale ou presque normale est réapparue pendant les manœuvres de réanimation cardiorespiratoire, parfois jusqu’à soixante minutes après qu’elles aient été entreprises.

Vingt-huit survivants ont été interrogés par les chercheurs. Près de 40 % d’entre eux gardaient un souvenir vague de l’événement, sans plus, et 20 % ont semblé se souvenir de leur mort ― mais ce sont là des récits qu’on doit prendre avec un grain de sel, a prévenu le professeur Florin Amzica, du département de neurosciences de l’Université de Montréal.

On a ainsi constaté au fil du temps que les gens à qui l’on demande, par exemple, de relater leur plus ancien souvenir d’enfance raconteront souvent, et en toute honnêteté, non pas un souvenir qu’ils ont réellement en mémoire, mais plutôt quelque chose qui leur a été rapporté.

On n’a donc aucune garantie que les gens qui racontent une expérience de mort imminente ne sont pas plutôt en train de répéter quelque chose qu’ils ont lu ou entendu quelque part.

«Ils ont vécu une expérience extrêmement traumatisante psychiquement, mais aussi physiquement, physiologiquement, sur le cerveau, a-t-il dit. Et après on leur demande, qu’est-ce que vous avez ressenti? Il y a nulle part une assurance que ce qu’ils racontent n’est pas une chose dont ils ont eu connaissance auparavant et qu’ils s’imaginent qu’ils ont vécu pendant ces moments-là.»

Oxygénation du cerveau

Le but des manœuvres de réanimation, a rappelé le docteur Sam Shemie, un expert du CUSM dont l’équipe a récemment publié de nouvelles lignes directrices pour préciser le concept de mort cérébrale, est d’alimenter les organes en oxygène après un arrêt cardiaque, et particulièrement le cerveau.

Donc, a-t-il dit, «si vous voyez le cerveau comme un organe qui dépend de la livraison d’oxygène», et si les manœuvres de réanimation sont efficaces, «c’est certain que nous allons avoir des patients qui vont avoir une conscience pendant la réanimation et qui pourront avoir des souvenirs après».

Un patient dont le cerveau est suffisamment bien oxygéné pendant les manœuvres de réanimation pourra donc en garder un souvenir, a-t-il souligné.

Cette expérience a eu un impact énorme sur certains patients qui, disent les auteurs de l’étude, en sont ressortis avec «un sentiment de conscience accrue, avec une lucidité paradoxale – un examen significatif, volontaire et une réévaluation morale des pensées, des intentions et des actions envers les autres, des perceptions de la mort et d’une réalité différente et ineffable».

«C’est très attrayant d’interpréter les résultats (de la nouvelle étude) comme ayant eu un effet spirituel ou religieux, a dit le docteur Shemie. Mais d’un point de vue scientifique, le fonctionnement du cerveau dépend du niveau de livraison et de circulation de l’oxygène.»

Les fluctuations dans le fonctionnement du cerveau peuvent s’exprimer de différentes façons, a-t-il ajouté, qu’il s’agisse d’hallucinations, de délusions ou d’interprétations déformées de la réalité.

L’étude est loin d’être parfaite d’un point de vue scientifique, a dit le professeur Amzica, même si les chercheurs ont fait de leur mieux dans les circonstances. On peut difficilement leur reprocher, par exemple, d’avoir interrogé seulement les patients qui ont survécu (ce qui est inévitable) et la même étude serait impossible à réaliser chez des animaux.

Un électroencéphalogramme plat ne veut pas non plus dire qu’il ne se passe rien dans le cerveau, rappelle-t-il, puisque l’appareil mesure uniquement l’activité qui se produit en surface (dans le cortex) et non en profondeur.

Le professeur Amzica et ses collègues avaient d’ailleurs révélé, dans une étude publiée il y a dix ans, l’existence d’une activité jusqu’à ce moment inconnue dans un cerveau plongé dans un coma très profond.