«Hausse alarmante» de 24,9% des cas de VIH au Canada, rapporte la CANFAR

MONTRÉAL — L’épidémie du VIH connaît une recrudescence au Canada alors qu’une «hausse alarmante» de 24,9 % des cas a été signalée à travers le pays en 2022, selon la Fondation canadienne pour la recherche sur le sida (CANFAR). 

L’Agence de la santé publique du Canada fait état de 1833 nouveaux cas déclarés du VIH en 2022. Les hommes âgés de 30 à 39 ans sont la catégorie avec les plus hauts taux. 

La Saskatchewan et le Manitoba sont les provinces les plus touchées avec respectivement 19,0 et 13,0 cas pour 100 000 habitants. «Cette hausse des nouveaux cas n’avait pas été observée depuis plus d’une décennie», indique la CANFAR dans un communiqué. 

Le Québec dépasse légèrement la moyenne nationale qui s’élève à 4,7 cas par 100 000 habitants avec un taux de 4,9. 

Rappelons que si elles reçoivent un traitement et des soins adéquats, les personnes vivant avec le VIH peuvent vivre longtemps et en bonne santé.

La CANFAR croit qu’il est possible de mettre fin à l’épidémie nationale du VIH au Canada d’ici la fin de 2025. Pour y arriver, la fondation propose dans son plus récent plan stratégique d’améliorer l’accès au dépistage et aux soins du VIH. 

Le contexte de la pandémie de COVID-19, qui a mis beaucoup de pression sur le système de santé, a changé l’accès au dépistage dans plusieurs régions du Canada, a expliqué en entrevue Alex Filiatrault, PDG de la Fondation canadienne pour la recherche sur le sida. Selon lui, cela a possiblement eu un impact sur les résultats de 2022, isolant davantage des communautés qui ont déjà des difficultés d’accès au système de santé. 

Même s’il est loin derrière la Saskatchewan et le Manitoba, le Québec se retrouve au troisième rang des provinces avec le plus haut taux de cas par 100 000 habitants. «La situation est complexe, surtout dans les centres urbains, que ce soit au Québec ou ailleurs au Canada, a commenté M. Filiatrault. On pense qu’il y a un bon accès au dépistage, mais ce n’est pas toujours le cas.» 

Par exemple, au Canada, il est possible de recevoir une trousse de dépistage à la maison, mais si le public ne sait pas que cela existe et comment y accéder, cet outil est inutile. 

 La PrEP devrait être accessible à tous 

La «Pre-Exposure Prophylaxis», communément appelée PrEP, est un excellent outil de prévention, mais son accès demeure difficile au Canada. Aux États-Unis, le Centers for Disease Control and Prevention a indiqué que la PrEP a démontré une réduction de 92 % du risque de contracter le VIH chez les hommes ayant un risque élevé de le contracter, lorsque prise chaque jour. 

«Chaque province a un système de santé particulier. (…) La PrEP est un outil de prévention qui est prouvé, qui est excellent pour limiter la transmission, a affirmé M. Filiatrault. Le défi est que de province en province, le financement de cet outil est considérable. Dès que le coût n’est pas couvert à 100 %, et si vous n’avez pas les assurances médicales nécessaires pour aider (à payer) la différence, vous vous retrouvez dans une situation où il faut encore ajouter un fardeau financier sur votre santé tous les mois. Ce n’est pas évident pour tout le monde de se le permettre.»

Selon l’organisme montréalais RÉZO, le coût mensuel de la PrEP en continu (une pilule par jour) varie entre 907 $ et 995 $, sans assurance publique ou privée. Lorsque couvert par le Régime de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), le coût mensuel de la PrEP s’élevait à 95,31 $ en 2021. 

«C’est prouvé que les communautés qui ont accès à la PrEP, ça aide énormément. C’est un outil extrêmement efficace et qui peut aider à moyen terme à toutes nouvelles préventions», a affirmé M. Filiatrault, ajoutant qu’il faut «collaborer avec les différents niveaux de gouvernement afin d’arriver à un point où cet outil est accessible à tous».

Des groupes plus touchés

Le VIH peut toucher n’importe qui, peu importe son âge, son sexe, son orientation sexuelle ou son ethnicité. Toutefois, certaines populations sont touchées de manière disproportionnée. 

Dans son plan stratégique, la CANFAR souligne l’importance «de financer la recherche axée sur les problèmes de santé et de bien-être auxquels sont confrontés les peuples autochtones, les personnes africaines, caribéennes et noires, les femmes racialisées et les personnes qui utilisent des substances et s’injectent des drogues, en plus de maintenir les investissements dans la recherche scientifique en général».

«Ces groupes sont ceux qui ont toujours eu de la difficulté à avoir un accès facile au système de la santé. (…) Le manque d’accès a des conséquences sur la santé de ces communautés que nous avons identifiées et ciblées pour permettre d’avoir un plus grand accès au dépistage», a expliqué M. Filiatrault. 

Il a rappelé que les investissements dans la recherche et la science ont par le passé beaucoup aidé à améliorer la vie des gens qui vivent avec le VIH, mais que ce niveau de succès n’a pas été atteint pour prévenir les nouveaux cas. 

Pouravoir accès au dépistage, il faut que les outils soient promus par des campagnes de sensibilisation, par des organismes et des agences locales. C’est l’une des propositions de la CANFAR pour mettre fin à l’épidémie de VIH au pays. 

Il n’existe pas de vaccin contre le VIH, mais plusieurs moyens existent pour éviter de transmettre ou contracter ce virus.

«Nous savons que les outils que nous avons en ce moment au Canada, qui sont approuvés, pourraient avoir un impact énorme sur la réduction de nouveaux cas de VIH. Si on ne donne pas accès à ces outils, on ne pourra pas avoir un impact», a déclaré M. Filiatrault. 

L’objectif est de réussir à rejoindre les individus concernés et leur donner l’information pour qu’ils puissent prendre des décisions sur leur santé. 

On estime qu’environ un Canadien sur 10 vivant avec le VIH ignore son statut et ne peut donc pas bénéficier d’un traitement antirétroviral. Des campagnes locales, provinciales et nationales sont essentielles pour stopper l’épidémie. 

Le contenu en santé de La Presse Canadienne obtient du financement grâce à un partenariat avec l’Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est l’unique responsable des choix éditoriaux.