Intronisation de Jacques Doucet: le maître entre au Temple du baseball canadien

MONTRÉAL — La pandémie ne pourra plus repousser l’inévitable: après avoir été admis en 2020, Jacques Doucet fera officiellement son entrée au Temple de la renommée du baseball canadien samedi. Un honneur qui aurait dû survenir plus tôt selon plusieurs.

«Il est à peu près temps qu’il soit intronisé! Malheureusement, ce n’est pas encore Cooperstown, mais au moins son impact sur le baseball au Canada est souligné, a déclaré Denis Casavant, qui a travaillé avec Doucet à la fin des années 1980. Tous ceux qui font ça maintenant, on a tous été influencés par lui, comme les descripteurs au hockey ont été influencés par René Lecavalier et Richard Garneau. Tout le monde connaît la voix de Jacques Doucet, tout le monde l’a déjà écoutée une fois dans sa vie.

«Quand je suis arrivé à CKAC, je quittais CKCH à Hull pour faire le baseball des Expos avec Jacques et Rodger (Brulotte) comme réalisateur et pour donner les résultats à l’étranger. J’avais 21 ans; Jacques a été mon mentor. Chaque fois qu’on arrivait dans une ville, je n’y étais jamais allé. C’est lui qui m’amenait au stade, qui me montrait où trouver la galerie de presse. (…) Je compare toujours ça à une formation: j’ai fait mon cégep à CKCH et j’ai fait quatre ans d’université en travaillant avec Jacques et Rodger à CKAC, jusqu’à ce que je quitte pour RDS, en septembre 1989.»

Rodger Brulotte et Doucet travaillent encore de concert, sur les ondes de TVA Sports. L’analyste ne tarit pas d’éloges quand vient le temps de parler du travail du descripteur.

«Jacques Doucet, ce n’est pas compliqué, en plus d’être la voix des Expos, il était la voix de l’espoir, l’hirondelle du printemps! Quand le camp d’entraînement commençait et que Jacques entrait en ondes, ça voulait dire que l’hiver était fini, a raconté Brulotte. 

«Il faut aussi penser à son français impeccable: il parlait la langue de Molière comme seul René Lecavalier pouvait le faire, mais d’une façon que tout le monde peut comprendre.»

Et Doucet ne se faisait pas prier pour enseigner le métier.

«Je me rappelle sa grande patience à mes débuts avec lui: comment m’expliquer la façon de décrire un match sans m’offusquer, sans me brasser, souligne Brulotte. Il me disait: ‘Rodger, essaie donc telle chose, de dire ça comme ça’. Il m’a toujours, toujours guidé.»

«Pendant les matchs, je le voyais prendre un stylo et un bout de papier. Je me demandais tout de suite ce que j’avais pu dire de pas correct!, se souvient Marc Griffin, qui agit toujours comme analyste au Réseau des Sports. Après chaque match, il revenait sur ses notes: ‘Attention Marc, tu as dit tel mot, telle expression; je te suggère de dire ça ou ça’. J’ai été à une très grande école pendant ces quatre années.»

C’est sans l’ombre d’un doute son plus grand legs.

«L’une des choses dont je suis le plus fier, c’est que de tous les gens qui font du baseball en français au Québec, à un certain moment, ils ont travaillé avec moi, a admis Doucet. Tous ces gens-là reconnaissent que j’ai en quelque sorte été leur professeur. Mon héritage, c’est que l’on continue de perpétuer le baseball en français.»

Méthodique

Jacques Doucet a été la voix du baseball des Expos à compter de 1969, première saison de la formation montréalaise dans le Baseball majeur. Après avoir assuré la description d’environ un match par semaine, celui qui couvrait les activités du club pour le quotidien La Presse a fait le saut à temps plein derrière le micro en 1972 jusqu’au départ du club, en 2004.

Sa constance en ondes n’avait d’égal que la constance de sa préparation.

«Je dirais méthodique: il arrivait toujours à la même heure, sortait toujours la même sorte de stylos de la même couleur, le même nombre de bonbons. Méthodique comme ça, c’est rare. Il était doté d’une superbe voix, mais c’est surtout son travail acharné qui m’a impressionné», souligne Alain Chantelois, qui a travaillé près de 10 ans avec lui.

«Quand on faisait les matchs ensemble, on a passé des heures à discuter, à se faire des plans de match, à décider ce qui serait bon pour notre reportage ou pas, ajoute Claude Raymond, qui a été à ses côtés dès 1972 et pendant une dizaine d’années. Sur la route, on écoutait les reportages télé et radio des autres clubs pour trouver de l’information entre deux petits verres de scotch! J’ai appris avec lui, comme je crois qu’il a appris avec moi. C’était facile de travailler avec lui.»

«Le baseball, ils ont beau dire n’importe quoi, c’est un sport de radio. Et il n’y avait personne qui était meilleur que Jacques pour te faire visualiser l’action», renchérit Chantelois.

Une fois les Expos partis, Doucet a décrit les matchs des Capitales de Québec, avant de retrouver le Baseball majeur à TVA Sports.

En 2003, il a reçu le prix Jack-Graney du Temple canadien, remis annuellement à un membre des médias qui contribue de façon significative au développement du baseball au Canada par son travail. 

«Ce n’était pas une intronisation, note Doucet. Chaque fois que j’allais donner une conférence ou qu’on m’invitait pour une allocution quelque part et qu’on me présentait comme membre du Temple de la renommée du baseball canadien, j’étais obligé de faire la correction.»

Plus maintenant.

Doucet a aussi été admis au Temple de la renommée de Baseball Québec en 2002 et à celui des Expos en 2003. En 2017, il a été reçu au Panthéon des sports du Québec à titre de bâtisseur.

L’Assemblée nationale du Québec lui a remis sa médaille d’honneur en 2011. Il considère cette médaille et son admission officielle au Temple canadien comme les deux plus grands honneurs qui lui ont été faits.

Des ennuis de santé — il souffre d’anémie et il a dû prendre une pause professionnelle jusqu’à la fin de juin — l’empêcheront de prendre part à la cérémonie. Mais il n’a plus besoin d’attendre: ce samedi, le maître entre au Temple.