Maison Alice-Desmarais: faire face à la musique avec peu

SOCIÉTÉ. Avec un taux d’occupation frisant les 90 %, la Maison Alice-Desmarais, qui tend la main aux femmes victimes de violence conjugale, conjugue avec une multitude de facteurs au quotidien pour mener à bien sa mission, dont la pénurie de main-d’œuvre. Bien qu’elle applaudisse les investissements annoncés dans le dernier budget provincial en matière d’aide aux personnes vulnérables, l’organisation trépigne d’impatience de voir la couleur de ce nouvel argent.

Dans son dernier exercice financier, le gouvernement Legault s’est engagé à investir 181 M$ d’ici 2024-2025 pour bonifier son «Plan d’action gouvernemental en matière de violence conjugale» déjà en place depuis 2018. De ce montant, une somme de 120 M$ servira à consolider les services des maisons d’hébergement.

Pour la directrice générale de la Maison Alice-Desmarais, Carmen Paquin, cet engagement de Québec à l’endroit des maisons d’hébergement se veut un bon pas dans la bonne direction.

«On n’a pas tous les détails encore parce que les délégués du gouvernement et les associations provinciales doivent se rencontrer pour discuter des modalités. C’est 181 M$, mais en violence conjugale et non pas pour les maisons hébergement. Par contre, il n’y a rien de confirmé que c’est récurrent.  Après cinq ans, qu’est-ce qu’il se passe? Je n’en ai aucune idée.» «Oui, on salue la décision d’augmenter le financement, mais pour le moment, j’ai une certaine réserve.»

Est-que l’argent promis par le gouvernement Legault ira aux ressources de première ligne (hébergement d’urgence) comme la Maison Alice-Desmarais ou aux organismes d’aide de deuxième ligne (hébergement en logements supervisés)? Carmen Paquin a bien hâte de le savoir.

Rappelons que la Maison Alice-Desmarais dispose de quinze chambres pouvant accueillir femmes et enfants pour un séjour moyen d’une quarantaine de jours.

«Mais la durée moyenne d’un séjour augmente depuis les dernières années. On le remarque et ça s’explique parce qu’au niveau du logement social, c’est plus difficile», explique Mme Paquin.

Selon la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes,15 000 demandes d’hébergement n’ont pu être traitées en raison d’une absence de places ou de contraintes budgétaires en 2019.

Le recrutement

Gestion de la ligne d’écoute (24h, 7 jours, 12 mois par année), services externes (rencontres individuelles, rencontres de groupe, accompagnement), administration de la ressource. Carmen Paquin et son équipe d’une vingtaine d’intervenantes (temps plein et partiel) font des petits miracles pour se maintenir à flot. En relation d’aide comme dans bien d’autres secteurs, le défi de la main-d’œuvre fait partie de la réalité de la gestionnaire de la Maison Alice-Desmarais.

«Avant de développer des services, il faut que j’aie tout mon monde», mentionne Mme Paquin. «Ici, c’est de la gymnastique 24 heures par jour, sept jours sur sept.»

Et à cette réalité s’ajoute le combat salarial inégal entre le milieu communautaire et le secteur public.

«Nous, nos conditions maximales n’accotent pas le minimum du réseau (de la santé). J’ai plein de filles qui sont sur appel ici, mais qui travaillent à temps plein dans le réseau. Et dans les deux dernières années, je l’ai vécu le phénomène des filles formées chez Alice-Desmarais qui sont parties les unes après les autres, soit au CIUSSS ou dans le réseau scolaire. Je suis un peu essouflée de recruter», avoue Carmen Paquin.