Manifestation à la frontière albertaine: la population était en colère

Plusieurs citoyens ont reproché à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) de ne pas en avoir fait assez au poste-frontière canado-américain de Coutts, en Alberta, lorsque des manifestations ont éclaté au sujet des politiques contre la pandémie COVID-19. 

Et d’autres ont affirmé que ce même corps de police en faisait trop et trahissait le pays. 

Près de 260 pages de courriels détaillant les plaintes déposées auprès de l’organisme de surveillance de la GRC démontrent que de nombreuses personnes étaient en colère contre la réaction de la police aux manifestations de camionneurs qui ont bloqué le principal poste-frontière de l’Alberta pendant plus de deux semaines au début de l’année 2022.   

«La GRC n’est devenue rien d’autre que des hommes de main politiques qui « font simplement leur travail » et qui regarderont la démocratie s’effondrer devant eux au nom de la « santé publique »», peut-on lire dans une plainte adressée à la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC en février 2022.

Des documents partiellement expurgés, obtenus en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, contiennent un grand nombre des plaintes reçues par la commission au cours des manifestations qui ont eu lieu dans cette communauté d’environ 245 personnes. La commission est un organisme indépendant responsable de recevoir les plaintes relatives à la conduite des membres de la GRC, d’enquêter et de rendre compte de ses conclusions.

«Pourquoi la GRC ne fait-elle rien? Arrêtez-les. Saisissez leurs véhicules. Ce sont des terroristes économiques», peut-on lire dans une autre plainte concernant les manifestants.

Peu de plaintes traitées

La commission a reçu 131 plaintes concernant les manifestations entre janvier et fin février 2022, a-t-elle indiqué dans un courriel. Seules sept plaintes ont été traitées, dont deux ont été classées par la suite. Il a été conclu que l’une d’entre elles n’impliquait pas la GRC et que l’autre était une «tierce partie», ce qui signifie que l’incident n’impliquait pas la personne ayant déposé la plainte. 

Les plaintes qui ont fait l’objet d’une enquête comprenaient des allégations d’usage inapproprié de la force et d’attitude inappropriée, a déclaré la commission. 

La plupart des plaintes reçues par la commission au cours des mois de manifestations ne relevaient pas de son mandat et ont été rejetées. Certaines mettaient en cause des services de police autres que la GRC et beaucoup concernaient des choses que la personne avait vues sur les médias sociaux, et non des incidents dont elle avait été personnellement témoin ou dans lesquels elle avait été impliquée.

De nombreuses plaintes concernaient une vidéo YouTube près de la manifestation sur l’autoroute de Coutts, dans laquelle une personne affirme que la GRC a endommagé des excavatrices.

«Je suis fermement convaincu qu’il y a eu une intrusion avec intention malveillante, sabotage préventif de matériel/destruction de biens et que ce n’est pas ainsi que notre police devrait se comporter», a déploré l’un des plaignants.

D’autres plaintes relatives à l’incident comparent le Canada à des régimes communistes et qualifient le pays d’orwellien. 

«L’État qui se livre à des actes de sabotage est-il le genre de pays que vous souhaitez pour vos concitoyens? Pour vos enfants et petits-enfants?» peut-on lire dans une autre plainte.

«La faute de la GRC»

De nombreuses plaintes contiennent des réflexions sur la politique et des conseils sur la manière dont la police aurait dû réagir. 

«Si vous ne trouvez pas d’entreprise de remorquage, achetez-en trois ou quatre vous-mêmes et payez-les avec l’argent des véhicules saisis», souligne une personne dans une plainte datant du 8 février 2022. 

«Je sais qu’ils sont effrayants et Blancs, ce qui complique les choses pour vous. Mais l’Alberta a adopté la loi 1 et si vous ne procédez pas à des arrestations et ne mettez pas fin à cette situation, alors c’est la faute de la GRC», a indiqué un autre d’entre eux.

Cette loi, adoptée par le gouvernement conservateur uni en 2021, donne à la police et aux procureurs davantage d’outils pour protéger les chemins de fer, les autoroutes et les oléoducs contre les intrus et les personnes qui s’ingèrent dans les activités et la construction, ou qui causent des dommages.

L’une des plaintes, qui était accompagnée d’un faux numéro de téléphone et d’une fausse boîte postale, concernait un agent de la GRC qui ne portait pas de masque et s’était approché d’une personne. On a appris par la suite que le policier en question ne travaillait pas dans la région à ce moment-là. 

Les médias sociaux et l’enquête ont également permis de découvrir que la personne qui avait déposé la plainte était très probablement l’un des manifestants au poste-frontière de l’Alberta. 

Les plaintes, même si elles ont été rejetées, ont tout de même été largement transmises au commissaire de la GRC. 

Des impacts sur la communauté

Les manifestations au poste-frontière de Coutts, dans le centre-ville d’Ottawa et ailleurs, ont finalement pris fin lorsque le gouvernement libéral a invoqué la Loi sur les situations d’urgence, une décision qu’une enquête publique a par la suite jugée justifiée. 

Mais les manifestations avaient déjà eu un impact important, notamment sur l’opinion envers les services de police. Le rapport final de l’enquête contenait 56 recommandations, dont 27 visaient à améliorer les activités de la police.

«Je ne peux même pas exprimer avec des mots à quel point mon opinion de la police s’est effondrée au cours des deux dernières semaines, mais je sais que je ne suis pas le seul», a déclaré l’un des plaignants.

L’affaire a également eu un effet important sur la communauté frontalière. Le maire Jim Willett a déclaré à l’enquête publique en novembre dernier que toute cette épreuve avait divisé Coutts.  

«Nous avons encore des voisins qui ne se parlent plus à cause des manifestations», a-t-il relaté.