En pleine nuit, une sirène…

SÉCURITÉ PUBLIQUE. Alors que les citoyens sont dans les bras de Morphée, cinq membres de la brigade du Service des incendies de Granby veillent à leur sécurité, sans savoir de quoi sera fait leur quart de travail. Le GranbyExpress s’est joint à eux pour une nuit à la caserne… là où l’on ne dort que sur une seule oreille!

Le capitaine Guy Ouellette, en poste dans la nuit du 11 au 12 janvier, m’accueille à 18h tapant pour le début du quart. Il me désigne un lit simple au fond du dortoir des pompiers, où je dépose mes effets personnels, ne sachant pas trop à quoi m’attendre.

M. Ouellette réunit rapidement son équipe: comme c’est toujours le cas, il est accompagné, parmi les 71 sapeurs granbyens, d’un lieutenant, de deux opérateurs et d’un fontainier. «Si tu penses bien dormir ici, tu vas être déçue», me lance-t-il en riant après avoir détaillé à ses hommes les tâches à effectuer pendant leur quart.

Travailler la nuit ne diffère en rien à ce titre: les employés ont de quoi s’occuper entre leurs interventions. Inventaires, inspections des véhicules, nettoyage de l’équipement ainsi que décontamination  et remontage des habits de combat ne sont là que quelques-unes des tâches qui peuvent leur être assignées. L’idée est évidemment de faire en sorte que les effectifs soient en tout temps prêts à être déployés.

Leurs occupations varient d’un jour à l’autre et d’un quart à l’autre. «C’est une surprise à chaque jour. Et ça, c’est sans compter les appels incendie. On ne sait jamais à quel moment on va en recevoir un», rappelle l’opérateur Claude Pelletier, l’un de mes collègues d’un soir. Vers 18h30, le quintet se rassemble à la cuisine pour le souper. Les hommes, issus de générations bien distinctes, se racontent des anecdotes et ne manquent pas une seule occasion de se taquiner.

Comme lors du début de chaque quart de travail, une réunion des pompiers en poste est organisée afin, notamment, de discuter des tâches à effectuer en caserne.

À 22 ans, William Dubé est le plus jeune en poste en ce vendredi soir; il a deux ans d’expérience. Le doyen, le capitaine Ouellette, cumule 17 ans de service. «Par contre, il n’y a pas d’âge au feu, lance M. Pelletier, parce que la sécurité de l’un dépend des actions posées par l’autre».

J’en profite pour échanger avec mon équipe temporaire. On m’avoue que la période de veille (on ne parle pas de dodo, dans une caserne), est souvent un facteur de stress lorsque vécue pour la toute première fois. Si elle remonte à juillet 2004, Claude Pelletier ne l’a pas oubliée. «Je n’ai pas dormi de la nuit. J’étais couché, les yeux ouverts et je tenais ma couverture. J’avais peur que la cloche ne me réveille pas alors qu’en fait… c’est impossible!».

La facilité à fermer l’œil vient avec l’expérience, assure-t-il. «Moi, je suis un peu plus nerveux, parce que c’est moi qui dois répondre de tout», admet pour sa part son capitaine. À l’exception des cadres, les pompiers du Service des incendies de Granby œuvrent tous à temps partiel en fonction de leurs disponibilités respectives. La majorité d’entre eux possède une autre carrière en parallèle.

Alors que les sapeurs s’affairent à leurs affectations quotidiennes, on me fait faire le tour du propriétaire, des bureaux administratifs aux vestiaires des pompiers (et de celui des pompières, car il y en a deux en fonction), en passant par les différents lieux où est entretenu l’équipement. On visite, aussi, un entrepôt où s’entassent les habits de combat. Pas question de laisser la journaliste à la caserne: on me fait essayer celui que je devrai enfiler si l’alarme retentit. L’équipe me fait heureusement grâce de l’équipement qui l’accompagne. «Ça peut peser jusqu’à 103.5 lb», me précise William Dubé, tout sourire.

Voici les cinq membres de la brigade qui ont accompagné le GranbyExpress dans la nuit du 11 au 12 janvier dernier. De gauche à droite: William Dubé, Claude Levert, Éric Langevin, Claude Pelletier et Guy Ouellette.

Le capitaine Ouellette me désigne ensuite le siège, à l’arrière du camion 215, où je devrai prendre place sans traîner en cas de besoin. «Il faut que ça roule. En dedans de deux minutes, on est supposés être sortis. C’est aussi vite que ça», prévient-il. Je questionne le lieutenant en devoir quant aux chances qu’un appel soit logé lors de ma nuit de reportage. «Il y a des nuits où il n’y en a pas et d’autres où on va en avoir trois ou quatre», résume Claude Levert. Ne reste plus qu’à voir ce que la nuit nous réserve…

En moins de 120 secondes  

À 22h, l’équipe dispose d’un temps libre avant la période de veille, qui débute vers 23h. Comme c’est vendredi soir, les hommes s’attardent devant la télévision de la salle de repos. Balboa se bat en pleine rue contre Tommy Gunn tandis qu’Adrienne s’époumone. Personne ne verra toutefois la fin de Rocky V, puisqu’un son strident envahit la caserne vers 23h27. J’entends à peine l’adresse dictée par la centrale, concentrée à  exécuter le peu qui m’est demandé.

Une première alarme incendie a été déclenchée vers 23h27; les cinq pompiers et les deux camions ont été dépêchés sur la rue Saint-Jacques

Après m’être battue avec mes bretelles puis le zipper de ma veste, je me réfugie aux côtés du fontainier. Le camion conduit par Claude Pelletier s’élance dans la nuit glaciale; le 412, un camion échelle, suit tout juste à l’arrière. À mes côtés, le jeune pompier Dubé me demande si tout va bien. Pour seule réponse, je ris nerveusement.

Les troupes, qui ne savent jamais à quoi s’attendre, se rendent rapidement à l’adresse d’un établissement licencié de la rue Saint-Jacques, où une alarme incendie a été déclenchée. Des pompiers munis d’appareils respiratoires y pénètrent pour procéder aux vérifications d’usage. «Ils ne prennent pas de chance. […] Ils quittent toujours le camion avec l’équipement nécessaire», m’explique M. Pelletier, chargé de demeurer près du véhicule pour relayer, au besoin, du matériel supplémentaire à ses confrères.

Constatant que de la fumée synthétique a déclenché le système, les deux camions et leurs passagers rentrent au bercail peu après. De retour dans le véhicule, j’ai les doigts gelés et une envie de pipi pressante: je réalise la pertinence du conseil que m’avait donné précédemment l’un de mes collègues, soit de ne jamais attendre lorsque le besoin se fait sentir.

Bonne… veille!

Il est passé 00h30 quand les pompiers prennent la route du dortoir, et les officiers, celle de leur bureau, où un lit est aménagé à leur intention. Craignant un autre appel, je m’endors tout habillée dans mon sac de couchage. Il est environ 5h21 lorsque les lumières s’allument, le tout assorti d’une sonnerie susceptible de réveiller un mort.

La même procédure reprend à la vitesse de l’éclair. Une fois tout le monde à leur bord, les deux camions traversent la ville, en direction de la rue Drummond, pour une deuxième alarme incendie; près d’une dizaine de personnes ont déjà évacué le bloc-appartement qui en fait l’objet.

Un lit du dortoir des pompiers a été assigné à la journaliste en devoir.

Comme aucune fumée n’est perceptible, les vérifications d’usage reprennent, tandis que je discute de mon réveil brutal avec l’opérateur Pelletier. «L’euphorie que ça apporte, quand la cloche sonne, on l’a encore quinze ans plus tard, me glisse-t-il, tout sourire. C’est une montée d’adrénaline chaque fois».

Comme il s’avère qu’une personne aurait volontairement tiré sur la station manuelle, la brigade retourne à la caserne. Le levé étant prévu à 6h, il n’est plus question de retourner au lit. À 7h, la relève de jour est déjà arrivée. Les pompiers et la journaliste sont libérés: c’est le moment, pour eux, de vaquer à leurs occupations quotidiennes… et pour elle, d’aller dormir, avec pour seule alarme, cette fois…. celle du réveille-matin!

En 2018, quelque 1035 appels ont été logés au Service des incendies de Granby.

Le GranbyExpress tient à remercier le Service des incendies de Granby pour son accueil chaleureux, plus précisément  son directeur Simon Boutin et les cinq membres de la brigade en poste lors de la réalisation de ce reportage: Guy Ouellette, Claude Levert, Claude Pelletier, Éric Langevin et William Dubé.