Un voyage qui ouvre sur le monde

PROTECTION. La technicienne en santé animale du Zoo de Granby, Valérie Michel, a toujours eu le goût de l’aventure. Sa troisième mission au Cameroun – et probablement sa dernière- tire bientôt à sa fin, mais elle gardera d’innombrables souvenirs de ce voyage «qui ouvre les yeux sur un autre mode de vie et qui nous permet d’apprécier, encore plus, tout ce que nous avons chez nous».

Depuis le mois de mai, Valérie Michel  poursuit la mission du Zoo de Granby, À la défense des éléphants et des gorilles, qui consiste à mettre sur pied un plan stratégique pour mieux connaître et protéger les 350 éléphants et 700 gorilles du Parc national de Campo Ma’an, situé au sud du Cameroun. Une campagne de collecte de fonds est d’ailleurs en cours afin d’amasser 200 000 $.

Lors de ses deux premiers séjours, Valérie Michel  a d’abord fait du repérage (2016) pour par la suite mettre à exécution le projet (2018) en parcourant plus de 500 km à moto avec son collègue Isaac Blaise Djoko (étudiant de l’Université de Concordia)pour interroger chacun des villages et connaître notamment les problèmes qu’ils rencontrent avec les éléphants.

«Ça a été un travail de plusieurs semaines, fait remarquer la principale intéressée dans un entretien via courriel. Il faut aussi comprendre que les routes ne sont pas facilement praticables. Traverser des mares de boue qui nous arrivent aux genoux et couper à la machette des arbres tombés sur la route sont des choses quasi quotidiennes. »

Au cours des dernières semaines, la technicienne en santé animale du Zoo de Granby a surtout travaillé au niveau du doctorat sur les mitigations des conflits entre les humains et les éléphants. La méthode qui a été retenue est l’utilisation des abeilles, dont le Zoo a fait construire un total de 16 ruches, placées en bordure de champs chez différents riverains du Parc.

«Nous avons passé des jours et des nuits à provoquer les abeilles et à enregistrer leurs réactions dans le but de prédire leur [comportement] face à des éléphants, commente Mme Michel. Cette année, j’ai aussi eu la chance de retourner faire le suivi de santé des gorilles et de la faune du Parc. Plusieurs campagnes de sensibilisation et d’éducation ont également été au programme.»

La mission dans laquelle est impliquée Valérie Michel est «le plus gros et le plus ambitieux projet de conservation du Zoo de Granby». Celui-ci se fait en collaboration avec l’Université Concordia, le Fonds Mondial pour la nature (WWF), le ministère de la Forêt et de la Faune du Cameroun ainsi que la Fondation pour l’environnement et le développement du même endroit.

Le Zoo de Granby a par ailleurs financé la construction d’un laboratoire pour la détection de zoonoses –maladies qui se transmettent entre l’animal et l’humain – dans le Parc national de Campo Ma’an. Valérie Michel a donc eu la chance de marcher avec les gorilles pour récolter des échantillons et les tester au laboratoire.

Si l’adaptation au Cameroun s’est faite graduellement, Mme Michel confie que «tout se déroule bien et j’oserais même dire que c’est de plus en plus facile chaque jour, ce qui rend l’expérience toujours plus agréable». «Ça prend un certain temps pour s’habituer aux rudiments du village, mais une fois cette période surmontée, il ne reste qu’à apprécier et faire avancer les projets», ajoute-t-elle.

«Toujours beaucoup d’imprévus»

Les journées de Valérie Michel sont remplies d’imprévus: «c’est inévitable», admet celle qui doit beaucoup marcher ou faire beaucoup de route en moto pour se rendre à destination.

«Si je dois aller marcher avec les gorilles, on peut couvrir parfois jusqu’à 12 km par jour, note celle qui reviendra au pays en septembre. Ces journées-là, j’habite dans un camp en forêt avec des provisions non périssables, de l’eau de rivière à boire ainsi que pour me laver. Si on doit travailler sur l’étude des éléphants, généralement, on va aller dans les villages (jusqu’à deux heures de route parfois) pour installer des caméras qui détecteront leur présence ou encore pour travailler sur nos ruches, lesquelles demandent beaucoup de travail.»

«Nous devons les protéger contre les termites, défricher la végétation autour (qui pousse à une vitesse hallucinante en zone de forêt tropicale) et faire fondre de la cire à l’intérieur pour tenter d’attirer les abeilles, poursuit-elle. Et ensuite vient l’étude des colonies d’abeilles, qui consiste à les provoquer pour voir leur réaction. Le soir venu, on se lave à la chaudière, dans le noir la plupart du temps, et on se couche tôt, épuisés autant par nos occupations que par la chaleur.»

Les anecdotes sont nombreuses dans le calepin de Valérie Michel: pluie diluvienne, charge de gorilles ou rencontre avec un braconnier. Malgré tout, elle affirme que «ça crée de beaux souvenirs».

La lutte contre le braconnage ou la  mise en pratique du plan de protection des animaux sont des activités délicates et dangereuses dans lesquelles Mme Michel ne peut s’impliquer directement.

«Passer jusqu’à 10 jours en brousse pour interpeller des braconniers n’est pas une mince affaire, reconnaît-elle C’est un travail d’envergure et plusieurs partenaires sont impliqués et y mettent chacun du sien. Certains vont financer les missions des écogardes alors que le Zoo de Granby apporte un soutien au niveau du matériel. Depuis quelques années, nous avons déjà acheté deux motos, réparé deux véhicules, acheté des boussoles, etc. Tout cela dans le but de faciliter le travail des écogardes, que je peux apprécier tous les jours.»

«Un voyage qui ouvre les yeux»

Depuis le début de son aventure au Cameroun, Valérie Michel s’est attachée aux gens avec lesquels elle travaille quotidiennement.

«Une fois que la barrière linguistique est tombée, tout va bien, souligne-t-elle. Ça prend aussi un certain temps à installer la confiance puisqu’on parle souvent de braconnage et que c’est un sujet sensible. Je me suis attachée à beaucoup de gens avec qui nous travaillons presque au quotidien ici. Je me suis toujours sentie bien accueillie.»

La présence au Cameroun de Valérie Michel a changé d’une certaine façon son approche professionnelle. «Avec les visiteurs du Zoo, je me sens maintenant mieux équipée pour parler de ce que les gens vivent ici et de la réalité de la conservation sur le terrain. Mais avec les animaux, à part d’être encore plus conscientisée du fait que j’ai beaucoup de chance de travailler avec des espèces en voie de disparition au quotidien, [rien n’a changé].»

Si elle avait à conseiller cette aventure à d’autres personnes, Valérie Michel n’hésiterait pas une seconde à le faire puisque c’est une façon de s’ouvrir sur un autre monde.

«Il était évident que je ne voulais pas manquer l’occasion de m’impliquer, et ce, en plus, pour mon travail, commente-t-elle. Mes missions ici m’ont permis de voir beaucoup de choses et m’ont mise face à plusieurs situations dans lesquelles j’ai dû faire preuve de beaucoup d’empathie. C’est ce qui m’aura le plus marqué de tout mon temps ici.»

D’ici son retour au pays dans quelques semaines, la technicienne en santé animale du Zoo de Granby souhaite avoir du temps pour finir tous les projets qui ont été entrepris depuis son arrivée et remercier chaque personne qui a permis que ce projet se réalise.