Événement annulé: l’organisation Harvest Ministries International poursuit Québec

QUÉBEC — L’organisation chrétienne «Harvest Ministries International» met sa menace à exécution et poursuit le gouvernement du Québec pour avoir annulé un événement, qualifié d’«antiavortement», qui devait avoir lieu au Centre des congrès de Québec, qui appartient à l’État.

L’organisation de Kelowna, en Colombie-Britannique, a déposé une demande introductive d’instance en Cour supérieure. Elle qualifie l’intervention du gouvernement d’«assaut liberticide» et réclame une compensation de plus de 200 000 $.

Le 2 juin dernier, la ministre du Tourisme, Caroline Proulx, responsable de la Société du Centre des congrès de Québec, a forcé l’annulation du «Rallye Foi, Feu et Liberté» qui devait s’y tenir du 23 juin au 2 juillet. La ministre Proulx estimait que l’événement allait à l’encontre des «principes fondamentaux du Québec».

Le premier ministre François Legault avait appuyé sa décision en affirmant qu’on ne devait pas permettre «à des groupes antiavortement de pouvoir faire de grands spectacles dans des organismes publics».

L’intervention du gouvernement avait d’abord été applaudie, mais elle avait ensuite fait sourciller les partis d’opposition, qui avaient aussitôt exigé des balises claires pour encadrer l’annulation d’événements.

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) avait également rappelé «l’importance fondamentale de la liberté d’expression et de la liberté d’opinion».

Dans sa demande d’instance en Cour supérieure, Harvest Ministries International, qui admet défendre des «convictions politiques pro-vie», plaide que son rassemblement à Québec n’était pas un événement antiavortement. 

«Aucun item au programme ne concernait cette thématique particulière», peut-on lire dans la requête. De toute façon, «la présente action en justice» concerne plutôt «les droits (…) de ses fidèles de vivre leur foi, de s’exprimer politiquement et de se réunir pacifiquement sans entraves étatiques», ajoute-t-on.

Dans un communiqué, le pasteur Art Lucier soutient que ce rassemblement se voulait «un événement chrétien de réconciliation entre les peuples fondateurs de la fédération canadienne».

Pertes financières 

Harvest Ministries International explique avoir cherché ensuite un local de substitution et contacté pas moins de 43 établissements, en vain. La raison du refus allait du manque de disponibilité aux craintes de «controverse».

Le groupe religieux réclame donc 25 000 $ à titre de dommages-intérêts pour le «préjudice moral» subi et 137 647 $ pour les pertes matérielles liées à l’annulation de l’événement. L’organisation religieuse soutient que ces rassemblements constituent sa principale source de revenus.

Harvest demande également 50 000 $ à titre de dommages punitifs pour «violations injustifiées» de ses droits, notamment aux libertés de religion, d’expression, d’opinion et de réunion pacifique.

De l’avis du groupe, il s’agit d’«un cas d’arbitraire pur, fondé sur les convictions intimes de personnes à qui l’on a confié, temporairement, les leviers du pouvoir».

La ministre Proulx, la Société du Centre des congrès de Québec et le Procureur général du Québec sont visés par la poursuite. Contacté mercredi, le cabinet de la ministre Proulx s’est refusé à tout commentaire.

Selon Olivier Séguin, avocat de Harvest et directeur francophone du Centre juridique pour les libertés constitutionnelles, qui a déposé la demande, les décisions de la ministre et du Centre des congrès «ne reposent sur aucune règle de droit». 

«Les motifs invoqués par les défendeurs sont si éloignés du principe de la primauté du droit qu’ils confinent à l’irrationnel», plaide l’avocat.