Choisir entre repas et médicament: Jeunesse au Soleil sonne l’alarme

MONTRÉAL — L’organisme montréalais Jeunesse au Soleil tire la sonnette d’alarme, alors que la haute inflation oblige plusieurs ménages à faire des choix difficiles comme abandonner leurs médicaments.

«Nous sommes à la fin de l’hiver et les factures de chauffage qui rentrent sont nécessairement plus serrées à cause de l’inflation, a expliqué le directeur des services d’urgence de l’organisme, Eric Kingsley. On le voit à l’épicerie, l’argent, il va moins loin, le budget familial, il n’a pas autant d’impact. Les personnes n’ont plus autant de marge de manœuvre pour ajouter une dépense comme un médicament».

Jeunesse au Soleil rappelle que seulement depuis le début de l’année, «plus de 10 000 personnes ont eu recours à l’aide» qu’il dispense, que ce soit pour manger, acheter des médicaments, se chauffer, se vêtir ou répondre à d’autres nécessités. Parmi elles, 16 % disposaient pourtant d’un revenu d’emploi, le double de ce que l’on voyait à la même période l’année dernière.

Selon l’indice du prix à la consommation de Statistique Canada, le prix des aliments a grimpé de 6,3 % dans les 12 derniers mois au Québec. Le coût de l’essence a monté de 36 %, le logement de 4,9 % et les dépenses courantes de 4,1 %. La dernière mesure a été prise en février.

Des Montréalais n’arrivant pas à se procurer leurs médicaments, Jeunesse au Soleil en voit «quasiment chaque jour», a indiqué M. Kingsley.  «Même si c’est un ou deux par jour, à la fin de l’année, ça finit par être 450 personnes qu’on a aidées.»

Le programme d’aide permet de payer des médicaments sur une base ponctuelle. Pour ceux qui doivent utiliser une ordonnance pendant plusieurs mois, l’organisme les dirige vers sa banque alimentaire, qui permet de faire des économies qui peuvent ensuite être utilisées à la pharmacie.

Les gens qui ont besoin de ce soutien n’ont souvent «pas encore accès à une assurance privée», et sont sans emploi, a expliqué M. Kingsley. Ce sont souvent «des personnes plus âgées qui ne travaillent plus, qui sont sur l’assurance publique de l’État».

Repas ou pilule?

Le pharmacien Aleck Brodeur, propriétaire d’un Familiprix à Montréal-Est, est aux premières loges de cette crise.

«Des fois, c’est « soit je mange, sois je prends mes pilules », j’ai des patients qui me disent ça, a-t-il témoigné en entrevue téléphonique. Des fois, c’est une question de 5 à 10 $.»

Les conséquences de ce choix peuvent être dangereuses pour certaines personnes, alors que «ça les amène à l’hôpital, ça fait des hospitalisations assez graves, ça surmène le système de santé», a-t-il fait valoir.

«J’ai déjà eu un patient, il ne voulait pas prendre ses médicaments parce qu’il n’avait pas d’argent. Il a fait un AVC et il s’est retrouvé partiellement paralysé d’un bras», s’est-il rappelé. À d’autres occasions, il a dû «négocier» avec le patient pour déterminer lequel de ses médicaments serait le moins dommageable à arrêter de prendre.

«C’est une réalité de plus en plus fréquente» en pharmacie, surtout depuis les six derniers mois, a soutenu M. Brodeur.

Il encourage les patients à parler à leur pharmacien pour trouver des solutions de mitigation, par exemple pour se faire prescrire certains médicaments en vente libre afin qu’ils soient admissibles à l’assurance.

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Si vous êtes à Montréal et éprouvez des difficultés financières, vous pouvez contacter Jeunesse au Soleil au 514 842-6822 ou à services@jeunesseausoleil.com.

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Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Meta et La Presse Canadienne pour les nouvelles.