Le modèle consumériste appelé à s’adapter, selon des experts

ACTUALITÉS. Depuis la réouverture des marchés et la relance complète de l’économie, certains impératifs que les commerçants pouvaient contourner auparavant sont maintenant bien ancrés et assimilés dans le secteur des biens et services. Si les a priori de tous laissaient croire que les entrepreneurs pâtirent de l’arrêt de leurs activités, plusieurs seront surpris du portrait réel. Certes, fermer un commerce pour un temps indéterminé n’est pas une formule gagnante en affaires. Cependant, il s’avère que la réalité est plus complexe et que les raisons du déclin de certaines entreprises sont multifactorielles. 

Sollicitée pour obtenir ses observations à propos du profil économique qui se dessine devant nous, la conseillère en développement commercial chez Commerce et Tourisme région de Granby (CTGR), Ysabelle Duchesne, est d’avis qu’effectivement, les services octroyés ne seront peut-être plus comme nous sommes habitués de les recevoir comme société, mais que la difficulté des gens d’affaires n’a pas pour cause première la pandémie directement. Il serait davantage dû à des problématiques qui étaient déjà suspendues au-dessus des commerçants telle une épée de Damoclès. La pandémie aurait plutôt exacerbé ces derniers, devançant peut-être une situation déjà inévitable.

« Les problèmes »résiduels« à la pandémie sont plus multifactoriels que simplement dus à la pandémie. Pour cette dernière, je dirais que, bien que certains ont été durement touchés, la plupart des impacts inhérents à la crise de la COVID ont, somme toute, bien cicatrisé. Pour la relance, on voit davantage de problématiques déjà présentes avant, mais exacerbées par la situation actuelle. Les deux principaux secteurs névralgiques sont l’approvisionnement et, évidemment, la main-d’œuvre. Pour ce qui est de l’approvisionnement, si par le passé un commerçant pouvait passer une commande et la recevoir le lendemain, aujourd’hui, la compagnie qui assure la livraison va plutôt s’assurer de remplir sa remorque avant de partir de Montréal pour livrer à Granby. Une résultante qui est directement liée à la flambée du prix de l’essence, entre autres. » 

Pour la main d’œuvre, Mme Duchesne mentionne que la situation est la même que l’on voit poindre depuis des années, pandémie ou non. 

Conséquences intrinsèquement liées à tous les paliers

Le Granby Express a eu la chance de s’entretenir avec le vice-président Achat québécois et développement économique d’Investissement Québec, Stéphane Drouin. Cet entretien a permis de relever l’aspect subsidiaire des conséquences soulevées d’un point de vue local et d’en comprendre l’arborescence qui s’étend au provincial, et même, à l’international. Les explications de M. Drouin:

« Il y a eu l’avant, le pendant et l’après-pandémie. On commençait déjà à percevoir la fragilité de s’approvisionner en Asie, dès qu’un événement politique, climatique ou autres perturbations arrivaient, c’était toute la chaîne qui était perturbée. Ainsi, la pandémie est venue exacerber ce qu’on envisageait déjà. Pour l’après, les conjonctures font en sorte qu’on voit un changement au niveau de l’achat local et un certain intérêt vers des fournisseurs plus près des commerçants. Cependant, on ne peut pas négliger les prix intéressants qu’offre le marché asiatique, donc plusieurs joueurs de l’industrie vont continuer avec leur fournisseur d’outre-mer, mais vont chercher la sécurité en trouvant une option locale, un »en cas que« , si je peux dire. En fin de compte, ça revient toujours à la sécurité. Tout le monde veut opter pour la meilleure voie, mais de façon à protéger ses intérêts. »

L’exception qui confirme la règle

Comme l’humain n’est pas ce bloc monolithique dont bon nombre d’experts aimeraient pouvoir prédire les faits et gestes, mais bien une créature dotée d’un esprit aux pensées pluralistes. Il y a une tendance qui semble se dessiner dans un secteur, faisant office de «rebelle» aux changements qui peuvent s’observer ailleurs.

Le secteur des portefeuilles individuels, c’est-à-dire, les placements que tout un chacun font pour se doter d’un « coussin ». Si par le passé les conditions du marché appelaient à prendre des risques, il apparaît que dans les conditions actuelles, les personnes optent pour un retour vers des valeurs sûres. Le conseiller en placements associés à la Banque de Montréal (BMO), Dominic Saint-Jean, explique cette contradiction qui une fois éclairée, sonne plus cohérente avec les conditions mentionnées plus haut:

« Depuis le début de l’année, le marché boursier canadien est propice aux investissements. Dans ces conjonctures économiques, les entreprises bénéficient de taux d’intérêt historiquement bas. Dans de telles circonstances, il est profitable pour ces dernières d’emprunter pour développer leurs aménagements, ou encore, développer d’autres secteurs, car il devient facile de créer plus de profits que les coûts engendrés par le prêt octroyé. De plus, avec la pandémie, la situation économique actuelle, bien sûr, mais aussi avec la situation en Ukraine, pays riche en matières agricoles. Le Canada offre donc de belles opportunités pour les investisseurs, car il a lui aussi une réserve matières premières plus qu’abondantes. De plus, l’Europe, qui s’est mise en position de dépendance envers le gaz russe, cherche maintenant à s’en détourner. Sous cet angle, le Canada devient, encore une fois, une perspective très intéressante. »  

Alors, même pour leurs économies, les gens vont davantage vers le « local », simplement qu’en matière d’investissements, c’est une tendance moins mondialiste que ce dont il était possible d’observer auparavant. Pour conclure, tous s’entendent pour dire qu’un changement s’opère, cependant, comme Ysabelle Duchesne l’a mentionné lors de son entretien avec le Granby Express. « Il faudra être patient avec nos commerçants, car plusieurs impératifs sortent de leur contrôle et comme société, nous devrons nous habituer à attendre après certains produits, ce dont nous ne sommes pas habitués.