Un employé ne peut refuser de travailler s’il a peur de la COVID-19

RESSOURCES HUMAINES. Au gré des annonces permettant le déconfinement graduel, de nombreuses questions liées au retour au travail du personnel surgissent, notamment celle liée à la crainte de contracter la COVID-19. Or, cette peur n’est pas un motif raisonnable pour rester à la maison si l’employeur prend toutes les mesures nécessaires pour protéger son personnel.

«Si un employé doit retourner au travail, mais qu’il a des craintes de contracter la COVID-19, ce n’est pas un motif de ne pas y aller. L’employé doit refuser seulement s’il y a des motifs raisonnables. Par exemple, si l’employeur n’offre pas de mesures de protection, là il peut y aller d’un droit de refus parce que ce n’est pas sécuritaire. Mais la seule peur n’est pas suffisante», expose Me Marc-Alexandre Girard, avocat associé chez Dunton Rainville.

L’avocat spécialisé en droit du travail ajoute qu’«à partir du moment où une entreprise peut rouvrir, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger ses travailleurs. C’est prévu à la Loi sur la santé et la sécurité du travail

Ces mesures vont varier en fonction du milieu. Me Girard cite en exemple la mise en place de stations de désinfection, le port du masque et la distanciation physique. La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) a d’ailleurs publié un guide des bonnes pratiques à ce sujet en prévision de la relance économique.

Et la PCU?

Un employé peut-il refuser de retourner au travail pour continuer à percevoir la Prestation canadienne d’urgence (PCU)? «La PCU a été mise en place pour compenser la perte du travail liée à la COVID-19. À moins que l’employé ait des raisons valables, il doit retourner au travail», mentionne Me Girard.

Question de faire les choses dans les règles de l’art, le rappel au travail devrait être fait par écrit. Il est recommandé d’envoyer une lettre officielle aux employés pour les informer qu’ils sont attendus à telle date afin d’éviter toute ambiguïté. «Il faut clairement informer les employés qu’à défaut de se présenter, ils s’exposent à des conséquences et de clairement les définir», poursuit Me Girard.

Symptômes?

Dans le cas où un employé présente des symptômes de fièvre ou de toux, par exemple, l’employeur doit lui interdire l’accès sur les lieux de travail. «C’est son devoir de lui dire de rester chez lui ou s’il est déjà présent, de le retourner à la maison. L’employeur pourrait exiger un certificat médical pour le retour au travail afin de certifier que l’employé n’est plus contagieux ou qu’il n’a plus de symptômes», enchaîne Me Marc-Alexandre Girard.

Dans le cas où ce sont les enfants du travailleur qui sont malades, Me Girard rappelle que la Loi sur les normes du travail prévoit certains congés pour obligations familiales. «Les employés ont droit à dix jours par année, dont deux sont rémunérés. Après les dix jours, si l’enfant est encore légèrement malade, qu’est-ce qu’on fait? C’est plus difficile de demander l’aide des grands-parents dans la situation actuelle. Et c’est dangereux pour l’employeur que l’employé revienne si l’enfant est encore malade», indique l’avocat.

Tolérance

Dans la présente situation, Me Girard appelle les employeurs à la tolérance. «Il y a certaines zones grises actuellement. On n’a jamais vécu quelque chose comme ça», dit-il.

En cas de doute et avant d’appliquer des sanctions, Me Girard recommande de consulter un professionnel. «Chaque cas est différent. Il faut regarder les faits propres à chaque dossier et à chaque employé. Les conséquences juridiques peuvent être importantes. Le préventif coûte moins cher que le curatif», poursuit Me Girard.

Ainsi, la gradation des sanctions, qui s’applique normalement, doit également être pratiquée dans le cadre de la COVID-19. Ces mesures disciplinaires sont variables, allant d’un avis verbal, à un avis écrit, à une suspension et même à un congédiement. La même logique doit être appliquée pour un employé qui refuse de se conformer aux nouvelles règles sanitaires.