Possible vente de l’église Saint-Eugène: encore loin de la coupe aux lèvres

MUNICIPAL. Présentement offerte sur le marché de la revente, l’église Saint-Eugène serait au cœur des pourparlers entre la fabrique et la Ville de Granby, selon nos informations. La signature de l’acte notarié n’est pas pour demain la veille puisque les deux parties n’ont pas la même vision sur les coûts de restauration du bâtiment religieux accessible au public depuis 1941.

«Pour l’instant, nous sommes en discussion avec la Ville de Granby, mais aucune décision n’est officielle. Pendant le processus, nous avons décidé de garder le dossier entre nous, mais il est certain que nous sommes dans une perspective d’aller chercher le plus de bénéfices possible pour notre mission. Alors, nous ne sommes pas dans le même mode que pour l’église Notre-Dame, où il était question d’un don significatif de 1 $, mais il est impossible de confirmer un montant pour l’instant », a déclaré le curé de la paroisse Danik Savaria.

De surcroît, lors d’une consultation populaire s’étant tenue en juin dernier, un proche de l’évêque avançait des travaux sur la façade du bâtiment évalués à 1,2 M$.

Interpelée sur la question, la mairesse de Granby, Julie Bourdon, a confirmé suivre le dossier de l’église -Saint-Eugène. Les échanges entre la Ville et la Fabrique en seraient toutefois au stade embryonnaire, a précisé l’élue.

Quant à l’état de santé du lieu de culte, la Ville n’est pas du même avis que la Fabrique Saint-Eugène. Selon une évaluation réalisée par des ingénieurs municipaux, il faudrait investir plusieurs millions de dollars pour mettre le bâtiment aux normes actuelles.

«Aucune décision n’a été prise concernant le dossier. La Ville a fait ses propres évaluations et pour se mettre aux normes, le bâtiment nécessiterait des dépenses d’environ 10 M$. Reste à savoir si la Municipalité peut gagner à acquérir un quatrième bâtiment religieux», a déclaré la mairesse Bourdon.

Selon le rôle d’évaluation foncière en vigueur pour les années 2022 à 2024, l’immeuble religieux est évalué à 4 174 000 $. Lors de l’évaluation précédente, l’estimation était de 3 839 000 $.

Le déclin d’une paroisse

C’est en 2014 que les conditions de la paroisse vont prendre une tangente qui la conduira à sa situation actuelle. Nonobstant la tradition cléricale qui a manifestement cessé le saut des générations aux « boomers », le fait est que les paroisses ne peuvent plus compter sur les dons des paroissiens. Ainsi, le lieu de culte est déficitaire de 50 000 $ par année depuis maintenant huit ans.

Selon des documents consultés par le GranbyExpress, le diocèse de -Saint-Hyacinthe avait connaissance de la valeur, réelle et potentielle, de son bien, et même, connaissait les dispositions à prendre pour obtenir les subventions susmentionnées. Contrairement à ce qu’un proche de l’évêque affirmait en juin dernier, l’église Saint-Eugène serait éligible à des subventions non négligeables, se chiffrant entre 60 et 80 % de la facture totale des travaux. De plus, selon les critères du Conseil du patrimoine religieux du Québec, l’église de la rue -Laval Sud serait admissible à de telles aides financières.

Aussi, selon la Base de données patrimoniale de la Ville de Granby, sur une note basée sur trois critères, soit la valeur historique et symbolique, la valeur d’architecture et la valeur de paysage, l’édifice aurait obtenu une valeur patrimoniale globale de « BAA », sur une valeur maximale de « AAA ». La seule partie qui semble faire ombrage au tableau serait la relative jeunesse du bâtiment (1941).

Pour la valeur architecturale, il est possible de lire dans l’évaluation, «l’édifice présente une valeur d’authenticité élevée en raison de la préservation de la majorité de ses composantes architecturales». Quant à la valeur de paysage globale, le même document décrit l’église ainsi: «L’édifice présente une valeur exceptionnelle dans la trame urbaine de par son implantation soignée sur sa parcelle et son insertion harmonieuse au site ». Autant de données qui font de l’église Saint-Eugène un bâtiment classé « à valeur patrimoniale supérieure », deuxième palier juste sous la classification « exceptionnelle».

Pourtant, lorsque questionné sur le processus de vente de l’édifice, le curé de la paroisse, Danik -Savaria n’a fait aucune mention de ces informations et a maintenu la ligne directrice qui veut que l’Église n’ait d’autre option que la vente.

Joyau patrimonial ou non ?

Est-ce que l’église -Saint-Eugène est un joyau patrimonial ou non? Elle serait la seule église construite en pierre de granite dans la région. Ledit bâtiment possède aussi deux vitraux uniques fabriqués par le vitrailliste Guido Nincheri. Ce dernier a fait ses « armes » à l’École des Beaux-Arts de -Florence, le même institut qui a vu Michel-Ange et Léonard de Vinci étudier entre ses murs. M. Nincheri avait, par ailleurs, la réputation d’induire quelques détails uniques dans ses œuvres, ce qui leur donne une -plus-value.

Dans le vitrail Le Baptême de Jésus, entre autres, il est possible de voir le visage de Mgr Telesphore Dubuc, curé de la paroisse de 1941 à 1967, ainsi que celui du Dr Huot, fidèle donateur de l’église. Pour ces deux vitraux, l’autre étant la représentation du pape Eugène. La valeur marchande des vitraux serait aujourd’hui évaluée à 180 000 $. Une citoyenne impliquée, Louise Garneau, a aussi mis en ligne une pétition, qui a récolté environ 1500 signatures, afin de préserver le patrimoine du lieu de culte. Reste maintenant à établir à combien se chiffre un joyau et ce que la communauté peut en tirer.