Une sablière-gravière qui importune

MUNICIPAL. Des résidents du rang Bergeron Ouest et des rues Chaput et Marion, à Granby, en ont plus qu’assez des opérations menées par les propriétaires de la Ferme Shenandoah qui exploitent légalement une sablière-gravière en zone agricole depuis une dizaine d’années. Le mois dernier, une pétition signée par 45 citoyens du secteur visant à dénoncer les activités à cet endroit a été déposée aux élus.

Le dossier de cette sablière-gravière remonte à 2010 alors que la Ferme Shenandoah s’adresse à la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) pour obtenir une autorisation afin d’utiliser une superficie d’environ quatre hectares (environ 37 000 mètres carrés) à une fin autre que l’agriculture. 

«Il s’agit plus précisément de procéder à l’enlèvement de buttes et de monticules de roc par la création de pierres concassées destinées à la vente à des entreprises d’excavation de la région, dans le but ultime de permettre une meilleure utilisation des lieux à des fins agricoles, notamment pour le pâturage des animaux de ferme», peut-on lire dans le jugement de la CPTAQ du 7 septembre 2010. 

Face à cette requête, les commissaires de la CPTAQ conviennent d’accorder l’autorisation pour une période de quatre ans à la Ferme Shenandoah puisque celle-ci bénéficie du soutien de la Ville de Granby et de la MRC de La Haute-Yamaska qui ont approuvé le projet par voie de résolution. En 2014, l’entreprise verra par la suite sa demande initiale prolongée de quatre ans.

Or, ce qui a fait sursauter les citoyens qui résident non loin de la sablière-gravière, c’est lorsqu’ils ont appris que l’entreprise agricole avait obtenu de la CPTAQ un allongement de cinq ans en 2019 alors qu’elle exigeait un délai supplémentaire de deux ans. Pour Guy Chabot, cette décision fut la goutte de trop.

«Une carrière, ce n’est pas permis en milieu agricole et on n’en peut plus d’entendre les bruits de camion (claquement des panneaux). On ne veut pas d’une carrière à côté de chez nous», affirme le résident. 

Horripilé, entre autres, par le va-et-vient des camions, un couple du secteur, qui désire garde l’anonymat de peur de faire l’objet de représailles, a porté plainte par le passé au ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) concernant les activités à cette carrière. Ces derniers prétendent que le site servirait de dépôt de terre et de roches provenant des chantiers routiers des environs.  Leur requête est demeurée vaine à ce jour et le site fonctionne toujours, se désole la dame rencontrée par le GranbyExpress,

«Moi, je suis tannée de travailler là-dessus. Ça nous donne quoi de se battre? Pourquoi ce projet prévu pour quatre ans s’étire sur 12 ans?», s’interroge-t-elle.

«Oubliez ça des marches sur Bergeron avec autant de camions. On vient juste de refaire la rue…qui va payer pour la réparer après les passages des camions? On est juste des citoyens qui sont bien tannés», ajoute le conjoint de la dame.

Contacté par le GranbyExpress, le copropriétaire de la Ferme Shenandoah, Daniel Dextradeur, n’a pas voulu trop s’étendre sur le sujet. «Pour une raison que je ne peux expliquer, certains de mes voisins tiennent des propos diffamatoires à mon égard. Je peux vous assurer que les activités qui ont lieu en ce moment sont en conformité avec la réglementation applicable. Je vous laisse le soin de faire vos vérifications auprès de la municipalité, notamment. Encore une fois, il ne faut pas verser dans la diffamation en affirmant faussement que je ne respecte pas la réglementation, simplement parce que mes activités déplaisent à certains», s’est limité à dire l’homme d’affaires dans un échange de courriels.

Tout est en règle

Bien que la sablière-gravière du rang Bergeron dérange le voisinage, celle-ci est en règle», a fait savoir le MELCC à l’auteur de ses lignes. Selon le porte-parole du Ministère, Daniel Messier, deux plaintes ont été enregistrées en 2017 et en 2018 et aucune d’entre elles n’a mené à l’émission de constats d’infraction.

«Lors de ces deux inspections, aucun manquement à la règlementation applicable n’a été constaté», a indiqué M. Messier dans un échange de courriels. Des vérifications pourraient avoir lieu prochainement pour valider la conformité du site, a-t-il ajouté.

Du côté de la CPTAQ, on confirme n’avoir reçu aucun signalement concernant le dossier de la Ferme Shenandoah. «

La cohabitation

Une entreprise conforme, selon la réglementation du MELCC, un dossier sans tache à la CPTAQ, une affaire qui n’est pas de juridiction municipale. Pour la conseillère du district 4, Geneviève Rheault, la seule porte de sortie pour les deux parties prenantes reste la cohabitation.

«J’ai rencontré le regroupement de citoyens à deux occasions et je suis également en contact avec le propriétaire du site (…). J’ai fait mes recherches et le constat que j’en fais, c’est qu’on est vraiment dans un exercice de médiation citoyenne», laisse entendre la conseillère municipale. «On est allé sur le site pour voir ce qui se faisait et on a fait tout ce qu’on pouvait. Au bout de tout ça, j’ai le même message pour les deux parties: moi, je ne travaille pas sur le passé. Ce qui s’est fait dans les dix dernières années, ça ne m’appartient pas au sens où ç’a mis de l’huile sur le feu. Il y a des choses qui se sont faites et qui ne se font plus.»

À la lueur des informations recueillies, Geneviève Rheault espère être en mesure de réunir prochainement les deux clans afin de dénouer l’impasse. «Ce qui étire la sauce pour les citoyens, c’est de ne pas savoir quand ça va finir. Je comprends qu’ils soient excédés. Mon souhait, c’est que tout le monde s’assoit à la même table et se parle.»