Dénombrement en itinérance : prudence, dit le GASP
SOCIÉTÉ. Dans la nuit du 24 au 25 avril prochain, un dénombrement des personnes sans-abri aura lieu pour la toute première dans toutes les régions du Québec en simultané. Or, il importe de prendre avec un grain de sel les résultats qui émaneront de l’initiative Tout le monde compte, estime le Comité itinérance Haute-Yamaska, rattaché au Groupe actions solutions pauvreté (GASP).
Le coordonnateur de l’instance invite ainsi les citoyens à faire preuve de vigilance dans l’analyse des données qui résulteront de la démarche gouvernementale pancanadienne. Si le regroupement juge que les chiffres permettront de démontrer une évolution de l’itinérance dans le temps, ce dernier qualifie aussi l’opération d’imparfaite, puisqu’elle ne mettra en lumière que l’itinérance chronique, c’est-à-dire très visible.
En ce sens, le GASP estime que les données risquent de ne pas traduire la réalité de la Haute-Yamaska, ni le phénomène dans son ensemble. «Ce sera une photo qui va être imprécise, mais qui risque, d’un autre côté, de beaucoup marquer les perceptions et d’orienter les interventions vers l’itinérance plus visible et plus vers les grands centres urbains», estime le coordonnateur, Nicolas Luppens. Ce dernier explique qu’en Haute-Yamaska, l’enjeu se veut davantage ponctuel.
M. Luppens craint d’ailleurs que les résultats du dénombrement opéré dans la rue, les refuges et les lieux d’hébergement temporaire guident indûment les interventions en itinérance à l’échelle provinciale et qu’un financement plus important dédié à l’itinérance chronique en découle.
Alors que le fédéral procédera au dénombrement, le provincial, lui, bonifiera ces chiffres en dressant un portrait qualitatif de l’itinérance au Québec. Or, cette analyse ne devrait être rendue publique qu’en 2020. M. Luppens aurait souhaité que les deux documents soient dévoilés au même moment. «Ça aurait évité que ça créé une marque dans l’imaginaire collectif pendant deux ans», explique-t-il.
Un mauvais amalgame?
Le coordonnateur craint également que des amalgames soient faits entre le financement demandé par le GASP et le chiffre qui sera dévoilé à la suite du recensement. «Si on dénombrait 100 sans-abri en Haute-Yamaska et qu’on comparait ce chiffre avec nos besoins prioritaires en itinérance évalués à 1,4 million par année, cela pourrait donner l’impression qu’il en coûterait 14 000 $ annuellement par personne itinérante. C’est le genre de piège à éviter», fait-il valoir, ajoutant que cette somme supplémentaire permettrait d’agir auprès de bien plus de personnes, notamment en prévention.
Précisons que les travailleuses de rue d’Impact Haute-Yamaska, bien que ciblées pour sillonner les rues et procéder au dénombrement, ont choisi de ne pas y prendre part. Ces professionnelles estiment que proposer un questionnaire gouvernemental aux personnes auprès desquelles elles œuvrent pourrait risquer de briser le lien de confiance établi, en plus de contribuer à les stigmatiser davantage.
L’initiative se déroulera simultanément dans 61 municipalités québécoises.