Entr’elles lance un cri du cœur

SOCIÉTÉ. Peu de ressources pour les femmes en situation d’itinérance à Granby. C’est le constat qu’a tiré le Centre de femmes Entr’elles qui a été contraint de refuser 25 demandes d’hébergement depuis avril.

Le Centre accompagne les femmes et brise l’isolement qu’elles peuvent vivre en offrant divers services, allant de l’écoute à du service parajuridique. Un service d’hébergement en temps de crise y est également offert. Seulement quatre lits sont disponibles.

Le Centre de femmes demande qu’un plan d’action local soit entrepris pour enrayer le phénomène d’itinérance en Haute-Yamaska. Un phénomène réel et qui s’accentue, mentionne Sophia Cotton, coordonnatrice de l’organisme. «Il faut qu’on prenne ça au sérieux. L’itinérance chez les femmes sur le territoire est bien réelle».

À titre comparatif, 14 femmes à la recherche d’un logis ont cogné chez Entr’elles en 2009 et 2010. En 2014 et 2015, 43 femmes s’y sont rendues pour avoir un toit.

Témoin direct du phénomène, le Centre a décidé d’entreprendre une recherche de terrain à ce sujet. Cinq femmes vivant ou ayant vécu des périodes d’itinérance, de sans-abrisme ou d’instabilité de logement ont accepté de raconter leur vécu.   

Les résultats mettent en lumière la réalité des femmes sur le territoire.

Depuis avril, 61% des femmes hébergées au centre étaient sans domicile fixe. Parmi celles-ci, 35% résidaient à Granby depuis au moins un an. Dans la majorité des cas, la situation d’itinérance résultait d’une rupture amoureuse.

Comme les femmes ont régulièrement des troubles sociaux, tel que des problèmes de santé mentale, leur famille les délaisse.

Chez Entr’elles, on ne peut accepter certaines femmes souvent trop intoxiquées et parce que le risque de désorganisation de la femme pourrait nuire à la sécurité des autres usagères. «On n’a pas la chance de les prendre, faute de ressources humaines et financières», résume Stéphanie Archambault, intervenante au Centre de femmes.

«Depuis deux ans, on trouve des moyens créatifs pour les accueillir. Ça ne nous fait pas plaisir d’en refuser. C’est vraiment désolant», poursuit Mme Cotton.

Certaines femmes sont donc forcées de retourner à la rue.

«On est en période d’abandon de femmes. La situation se dégrade. La situation m’inquiète», relate Rollande Daudelin, bénévole qui a mené l’étude et femme connue à Granby pour avoir dirigé pendant maintes années les communications et les programmes de santé publique du CSSS de la Haute-Yamaska.

Échange de services

Il y a trois grands types d’itinérance. À Granby, bien souvent il s’agit d’itinérance cachée. Autrement dit, les femmes ne se retrouvent pas sous des cages d’escaliers ou dans des immeubles désaffectés. Pour éviter la rue, elles demandent à des membres de la famille, des amis ou d’autres personnes de les héberger temporairement.

En échange d’un logis, des femmes doivent se prostituer. « On a été témoin d’échange de services. Bien souvent, ça se termine ainsi. Ça arrive de façon fréquente pour les femmes qui vivent sans domicile fixe», rapporte l’intervenante.

«L’itinérance a changé des parcours de femmes marquées par des agressions sexuelles, physiques et psychologiques. Elles masquent leurs difficultés, elles se cachent et elles évitent la rue, les endroits publics et les ressources institutionnelles», révèle l’étude.