Granby: les élus adoptent leur hausse salariale dans la cacophonie et l’opposition

MUNICIPAL. Le conseil municipal de Granby persiste et signe. Il a adopté à la majorité, lundi soir, à travers les huées et dans une ambiance complètement cacophonique, un rattrapage salarial de 17,5 % pour ses conseillers et de 15 % pour son maire, Pascal Bonin.

Plus de 200 citoyens se sont entassés dans la salle du conseil de l’hôtel de ville en vue de cette séance fortement attendue. Si ceux-ci espéraient visiblement que les membres du conseil changent leur fusil d’épaule, c’est plutôt le scénario du 5 février, moment où avait été donné l’avis de motion, qui s’est répété.

Demandant le vote sur la question, le conseiller du district deux, Jean-Luc Nappert, a encore une fois fait cavalier seul. Constatant être de nouveau l’unique élu à s’être objecté au rattrapage salarial, il a exprimé vivre «une grande déception». «J’ose espérer que le prochain conseil municipal se penchera sur l’ensemble du traitement des élus, puisque l’on est juge et partie. […] Je pense aux allocations de dépenses et aux allocations de transition», a-t-il fait savoir avant que ne déferlent les applaudissements de l’assistance.

Le conseiller a réitéré son intention de faire don du montant que représente son augmentation de salaire à différents organismes œuvrant en Haute-Yamaska ; rappelons qu’il compte aussi mettre une croix sur son allocation de transition.

Vive opposition

Parmi les premières personnes à prendre la parole lors de la période de questions initiale, Jacynthe Deslauriers a brandi la pétition comprenant près de 1900 signatures qu’elle a lancée sur le Web le 17 février. Une version manuscrite contiendrait aussi au-dessus de 200 noms supplémentaires. L’instigatrice avait d’ailleurs invité les citoyens à se joindre à elle lors de cette rencontre afin d’exprimer leur désaccord.

Estimant que le pourcentage de l’augmentation devrait être revu à la baisse, elle juge que l’argumentation du conseil pour justifier son augmentation salariale est insuffisante. «Je trouvais ça un petit peu simpliste de faire un tableau de comparaisons et de seulement prendre (en compte) le nombre de résidents», a-t-elle expliqué au micro, faisant ainsi référence au fait  que la proposition avancée par les élus résulte d’une analyse des salaires offerts par onze villes aux populations comparables.

Faisant valoir que ledit tableau, rendu public sur le site Web de la Ville, n’avait fait l’objet que de 114 clics, le maire s’est lancé dans l’explication exhaustive de ce dernier, demeurant impassible devant le vacarme et les vociférations. «C’est une bonne stratégie, M. Bonin, je vous félicite», lui a lancé Mme Deslauriers, défendant que l’élu dilapidait volontairement les 30 minutes réglementaires dédiées à la période de questions.

Le président du conseil de quartier numéro deux, Richard Dubé, a quant à lui décrié l’existence d’un «fossé» creusé entre les citoyens et les élus, ainsi que le fait que ces derniers ne sont pas «toujours conscients de la réalité économique» de leur municipalité. «Dans notre monde, le revenu moyen des ménages est l’un des plus bas au Québec. La majorité des citoyens gagnent entre 35 000 $ et 45 000$ par année. Par contre, vous, vous voulez être parmi les plus riches», leur a-t-il lancé. Il a conclu sa tirade en leur demandant s’il leur restait une «parcelle de conscience sociale pour (se) rallier à M. Nappert».

Luc Perron, qui a tenté de mettre la main sur le siège de conseiller numéro neuf aux dernières municipales, est de ceux qui ont patienté en file afin de pouvoir prendre la parole. «Je vous sens déracinés de ce que j’appellerais  la situation économique de  la communauté granbyenne», a défendu le citoyen, qui suggérait une hausse de 1,9 %.

En guise de réponse, le maire de Granby, Pascal Bonin, a expliqué qu’il en coûterait un sou, par élu et par contribuable, afin de couvrir les frais du rattrapage salarial de 2018, totalisant 75 837 $.

Le premier magistrat a plus tard ajouté, en réponse à une question, que jamais il ne donnera «son OK» à ce que le dossier du traitement des élus soit réexaminé, et ce, aussi longtemps qu’il sera à la tête de la Ville. «On l’a vécu une fois, on a compris le message», a mentionné Pascal Bonin.

Notons que la nouvelle réglementation a été adoptée immédiatement après la première période de questions, en tout début de séance. Une grande partie de cette dernière s’est ainsi déroulée dans une atmosphère d’animosité, alors que les commentaires  et les insultes fusaient de toutes parts en provenance de la foule. Le sujet a également monopolisé la deuxième période de questions, à la toute fin.

«Une assemblée à 0,11 $»

Revenant sur l’impact financier qu’aura l’augmentation salariale sur le portefeuille des contribuables, M. Bonin a qualifié, à sa sortie, la réunion «d’assemblée à 0,11 $». «Il faut réaliser que les gens qui sont partis de chez eux, qui ont mis du gaz dans leur char […]pour s’en venir à l’hôtel de ville, ça leur a coûté plus cher que l’augmentation annuelle de l’ensemble du conseil», a-t-il rétorqué aux journalistes.

En mêlée de presse, l’élu a également indiqué vouloir «passer à autre chose» et qu’il ne servait à rien de «discuter avec quelqu’un qui ne veut pas nous écouter». Il faisait ainsi allusion aux interventions de l’assistance, dont certaines  faites au moment où il tentait de féliciter une troupe de danse locale, T.EENAGERS, pour sa participation à l’émission Danser pour gagner. «À un moment donné, ça devient un peu ridicule», a-t-il déploré, ajoutant néanmoins qu’une telle salle ne l’ébranlait pas.

En vertu de la nouvelle réglementation adoptée lundi soir, la rémunération totale des conseillers passera de 34 402 $ à 40 423$ et celle du premier magistrat, de 104 160$ à 119 784 $. Cette décision s’applique de façon rétroactive au début de l’année 2018. Notons qu’une indexation annuelle de base de 2 % sera aussi applicable dès 2019.