Hausse du prix du lait: un bon début pour les producteurs

ÉCONOMIE. La récente annonce d’une montée des prix du lait de 2,60 $ par 100 litres constitue une excellente nouvelle pour les producteurs laitiers du Québec. Toutefois, les bénéfices sont encore loin d’amortir les coûts de production, témoignent des agriculteurs de Granby.

Le copropriétaire de la ferme Mailloux et fils, Nicolas Mailloux, ainsi que Robert Beaudry, de la Ferme Beaudry, sont somme toute satisfaits de la nouvelle. «On a manqué de profits dans les dernières années, mais là on va se rajuster», relate M. Beaudry. «On vient d’avoir un signal positif avec la hausse. Mais ça fait trois ans qu’on se plaint pour que ça se rétablisse», nuance quant à lui M. Mailloux.

Les coûts de production des agriculteurs ont littéralement explosé durant la dernière année, confirme François Boulais, deuxième vice-président des Producteurs de lait de la Montérégie-Est. Le prix de la nourriture pour animaux a augmenté de 14 % et celui du carburant, de 16 %. «Je consomme 100 000 litres de diesel par année. C’est déjà un coût de production de 16 000 $ qui s’ajoute à ma facture annuelle», remarque Nicolas Mailloux. De plus, la sécheresse qui a frappé cet été a fait grimper le prix des denrées.

«C’est normal que tout augmente. C’est juste que moi, ma paye en bout de ligne, elle descend car le fossé s’agrandit entre les revenus et les coûts de production», raconte M. Mailloux. «Il n’y a pas grand-chose qu’on peut faire pour couper les dépenses sur une ferme, alors on retarde des investissements, par exemple des améliorations de terrain», ajoute M. Beaudry.

Nicolas Mailloux est photographié devant sa ferme avec l’une des vaches en tarissement, c’est-à-dire la période de repos pendant laquelle la vache ne produit plus de lait.

Les gains supplémentaires des producteurs ne couvriront pas totalement les frais, toujours grandissants. Selon Robert Beaudry, la situation est surtout difficile pour les nouvelles fermes laitières: «Quand tu démarres une entreprise et que tu as de hauts taux d’endettement, il ne te reste pas beaucoup de solde résiduel à la fin de l’année».

Selon les calculs de 2017, il y a un déficit de 7 $ par 100 litres, soit un écart de 4,65 $, précise M. Boulais. «Si on avait eu le même prix qu’en 2014, qui était de 0,74 $ par litre, on serait satisfaits. Mais il s’est passé l’effet inverse, il y a eu une chute depuis quatre ans. Alors, c’est sûr qu’on est heureux d’avoir la hausse, mais ça ne couvre pas encore les coûts de production. Ce n’est pas assez», reproche M. Mailloux.

En mode solutions

Le seuil de rentabilité est évalué à 0,78 $ le litre pour l’année 2018. Il faudrait donc une deuxième hausse pour l’atteindre, selon le copropriétaire de la ferme Mailloux et fils, qui abrite deux cents vaches. Celui-ci pense que l’augmentation ne devrait pas être transmise aux consommateurs. Elle devrait plutôt, à son avis, être refilée aux transformateurs et aux distributeurs qui, dit-il, bénéficient de bonnes marges de profits.

«Ce qui était fâchant dans les dernières années, c’est que notre prix à la ferme n’a pas cessé de baisser et on entend que Saputo fait des profits records», déplore-t-il. «Ce qui se passe, c’est qu’on travaille plus pour essayer de garder la même paye qu’on avait avant», poursuit le producteur agricole.

Plus de contraintes 

Nicolas Mailloux explique que la valeur mondiale du lait est très basse à cause des surplus. Selon lui, il faudrait mondialement réduire la production de lait, en décalage avec la demande. «(Le système de gestion de l’offre) nous permet de ne pas atteindre un prix plancher aussi bas que les américains», précise quant à lui M. Beaudry, également administrateur pour les Producteurs de lait de la Montérégie-Est.

Les agriculteurs d’ici ne possèdent toutefois pas les mêmes contraintes que ceux des autres pays. «Au Québec, on a les normes environnementales les plus sévères au monde. Il faut aussi avoir des bâtiments adaptés pour l’hiver. En comparaison, les États-Unis peuvent piquer leurs vaches avec des hormones et ils n’ont pas vraiment d’hiver à gérer. Le prix mondial est en partie basé là-dessus, mais on n’a pas le même coût de production du tout», éclaircit Nicolas Mailloux. Celui-ci plaide que le lait canadien est l’un des meilleurs au monde.

À qui la facture? 

En principe, l’augmentation des prix du lait ne devrait pas affecter celui de la pinte de lait. Tout dépendra si le transformateur décide d’absorber l’addition ou plutôt de la refiler à l’épicier ou au client, explique François Boulais. Dans tous les cas, si la facture revient aux citoyens, la hausse du prix de la pinte de lait sera minime, selon lui.

Le prix du lait est habituellement indexé une fois par année. Cependant, lorsque l’écart entre le revenu et les coûts de production des agriculteurs atteint un niveau trop élevé, on invoque des circonstances exceptionnelles afin de ramener un certain équilibre. C’est le cas pour la hausse annoncée par la Commission canadienne du lait, en vigueur le 1er septembre prochain.