Le monde des RH appelé à s’adapter aux nouvelles réalités de l’emploi

SOCIÉTÉ. Alors que les entreprises se voient constamment bousculées par de nouvelles tendances et des défis sans précédent, les professionnels des ressources humaines sont également appelés à s’adapter à ce marché de l’emploi en constante mouvance. C’est dans cette optique que la firme Raymond Chabot Grant Thornton a organisé récemment un Campus RH au Centre Notre-Dame de Granby qui a attiré plus d’une centaine de personnes pour discuter de sujets variés du monde des RH, tels que la charge de travail et la satisfaction des employés.

Après une période tumultueuse marquée par la pandémie mondiale, la surcharge de travail est devenue un sujet incontournable dans le monde des RH. Cette période de crise a également mis en lumière des mutations majeures dans le monde du travail, telles que le flexihoraire et le travail hybride, des modalités qui ont été adoptées de manière accélérée en réponse à la pandémie.

«La sortie de la pandémie a été un trauma social. On a vu une accélération de la fatigue, du stress et une détérioration de la santé psychologique, et on estime que cela va prendre cinq ans pour passer à travers cela», a déclaré la professeure-chercheuse France Saint-Hilaire, de la faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke

Selon la chercheuse, la rapidité avec laquelle ces changements ont été mis en place a laissé peu de temps pour une réorganisation adéquate du travail et de l’apprentissage de ces nouvelles formes de collaboration. Pour Mme Saint-Hilaire, aujourd’hui, la surcharge de travail ne se limite pas seulement au nombre d’heures passées au bureau ou au nombre de dossiers traités. «Parfois, vous pouvez faire un nombre d’heures ‘raisonnable’ au travail, mais parce que vous vivez de l’intensité, vous allez être toujours épuisé en faisant vos tâches, et cela aura le même effet que si vous aviez travaillé 60 heures dans votre semaine », a affirmé celle qui occupe également le poste de Vice-doyenne adjointe à la santé durable à la faculté de médecine de l’UdeS.

D’après elle, le contexte dans lequel l’employé vit son travail est souvent marqué par des interruptions exigeantes sur le plan cognitif, et par la division de l’attention, ce qui fait en sorte qu’un individu est davantage fatigué et a plus de difficulté à être concentré. Mais d’après la spécialiste, la surcharge de travail est un problème complexe qui nécessite une réflexion approfondie et une collaboration entre toutes les parties. «Toutes ces conditions sont importantes à tenir compte lorsqu’on organise le travail, et on n’est pas habitué de le faire, en tant qu’employeur et gestionnaire. Et en tant qu’employé, on doit également se poser les questions et se demander si on a des journées optimales au travail.»

Un marché en mutation

Les réflexions de Laurence Beauchamp-Dugré, directrice du service-conseil en ressources humaines chez Raymond Chabot Grant Thornton, vont dans le même sens. Elle considère la collaboration comme un élément clé dans l’élaboration d’un plan RH solide. Cependant, d’autres défis subsistent. «Le but est de réfléchir sur les tendances et savoir ensuite comment rebondir en entreprise et mettre en place des choses concrètes. Oui, il y a une pénurie de main-d’œuvre, mais il y a d’autres défis que l’on vit, notamment avec la fidélisation de nos employés», a mentionné Mme Beauchamp-Dugré.

Selon les spécialistes RH interrogés, un autre élément important pour relever ces défis réside dans l’intégration accrue de la fonction RH au sein des entreprises, afin de mieux répondre aux besoins changeants du marché du travail. «Le plus grand défi des ressources humaines, c’est elles-mêmes. Le modèle selon lequel on fait nos ressources humaines devra peut-être être revu. Dans beaucoup d’organisations, on travaille en silo, que ce soit pour la rémunération, le développement organisationnel, les conditions de travail, etc., et on a tendance à ne pas intégrer les différentes fonctions RH», a expliqué la professeure-chercheuse, France Saint-Hilaire.

Pour Laurence Beauchamp-Dugré, la fonction RH doit également s’adapter à d’autres réalités émergentes, telles que l’intelligence artificielle, les nouvelles méthodes de travail et la transformation des emplois.

La récente révision de la Loi sur la santé et la sécurité au travail au Québec oblige maintenant les employeurs à évaluer les risques psychosociaux et à mettre en place des mesures de prévention et de protection pour leurs employés. Pour accompagner ce changement, La CNESST a par ailleurs embauché 18 conseillers en santé psychologique pour travailler aux côtés des employeurs.