Ouverture des commerces le dimanche: un débat que l’on croyait clos refait surface
AFFAIRES. Pénurie de main-d’œuvre, temps de qualité en famille, libre marché, jeu de l’offre et de la demande, influence de la compétition. La question d’ouvrir les commerces le dimanche suscite encore des débats dans la société. Alors que de grandes associations prêchent pour le maintien ou non des activités commerciales lors de la septième journée de la semaine, des petits commerçants d’ici font le choix de faire relâche.
Déjà fermée tous les dimanches de juillet à septembre, la Maison Montcalm, de Granby, s’ajoute depuis peu à la liste des commerçants désormais en pause dominicale.
«Ça faisait bien longtemps qu’on se posait la question. La pandémie a répondu à notre question», affirme d’emblée Marianne Lebeau, copropriétaire de la fleuristerie de la rue York.
«À part les grosses journées comme Pâques et la fête des Mères, nos dimanches n’étaient pas les plus payants définitivement. À cela, il fallait gérer la problématique de trouver des employés. Donc, c’était souvent moi ou ma mère qui faisions les dimanches (…). Il y a une crainte qui demeure: est-ce la bonne chose à faire? Mais finalement, on s’est choisi sans même regarder ce que les autres faisaient.»
Chez Orange Coco la vie en vrac, tout le personnel de l’épicerie spécialisée du centre-ville sera en congé tous les dimanches à compter du 1er juin prochain. Une décision qui s’est imposée d’elle-même après l’épisode de la COVID-19 des dernières semaines, soutient Catherine Girard, copropriétaire du commerce.
«On était brûlé de travailler 7 jours sur 7 et ça commençait à nous rentrer dedans comme propriétaires», raconte-t-elle.
Après avoir regardé les deux côtés de la médaille, Mme Girard et sa partenaire, Isabelle Guilmain, ont convenu de fermer le dimanche et de rouvrir le lundi pour passer plus de temps en famille.
«C’est un choix personnel plus qu’un choix d’entreprise. Je pense qu’en emboîtant le pas, ça va peut-être en inciter d’autres à le faire», mentionne Catherine Girard.
Pour et contre
Décrétée par Québec en mars dernier pour permettre aux travailleurs essentiels du secteur commercial de reprendre leur souffle, la fermeture des commerces les dimanches d’avril avait été accueillie avec satisfaction à l’Association québécoise de la quincaillerie et des matériaux de construction (AQMAT). S’il n’en tenait qu’à ce regroupement, le dimanche sur pause devrait être une obligation comme avant l’adoption de la Loi sur les heures et les jours d’admission en 1992.
Selon un sondage réalisé le mois dernier par l’AQMAT auprès de ses membres, 76 % des gestionnaires de quincailleries et de centres de rénovation ont manifesté le souhait de voir cet enjeu être débattu durant le congrès de l’Association en novembre prochain.
«Fermer les commerces le dimanche, c’est notre prochaine bataille. Est-ce qu’on va la gagner? Je ne le sais pas. Mais ce que je sais, c’est que ça prend une réflexion et ça prend des efforts.» «Est-ce qu’on est obligé de suivre ce beat-là? Est-ce correct d’adopter le modèle one size fit all? Je pense qu’il est possible de fonctionner autrement», explique Richard Darveau, président et chef de la direction de l’AQMAT.
Pour le patron de l’AQMAT, le modèle d’ouvrir les commerces à toute heure du jour et de la semaine n’a pas sa raison d’être dans le Québec d’aujourd’hui.
«Si vous parlez à des marchands et à des quincailliers, ils vont vous le dire qu’ils ont besoin de faire autre chose que d’être toujours dans les transactions commerciales», laisse entendre M. Darveau.
Au Conseil québécois du commerce de détail (CQCD) et à la Chambre de commerce Haute-Yamaska (CCHY), on va cependant à contresens du discours tenu par l’AQMAT.
«Quand on regarde du côté du secteur de l’alimentation (en période de pandémie), les marchands voulaient ouvrir (le dimanche) parce que ça s’en venait difficile de gérer l’achalandage de plus en plus grand vers la fin de la semaine; le samedi particulièrement avec les longues files d’attente. Ça va permettre d’étirer l’achalandage sur une journée de plus», indique le président-directeur général du CQCD, Stéphane Drouin.
Ce dernier n’est d’ailleurs pas surpris de voir les quincailliers monter au front dans le dossier des commerces ouverts le dimanche.
«Dans l’opinion publique, on a beaucoup entendu les gens qui étaient déçus, mais on n’a pas entendu les gens qui étaient contents de la réouverture des commerces. D’un point de vue commercial, les commerçants présentement sont en mode survie. Chaque dollar de vente est important et pour certains commerçants, 5 %, 10 % de ventes supplémentaires font toute la différence», fait observer Stéphane Drouin, du CQCD.
Selon la directrice générale de la CCHY, Claude Surprenant, le milieu commercial s’est ajusté pour répondre aux pratiques de magasinage des consommateurs.
«C’est une question de liberté de choix. Si la réouverture des commerces a été annoncée, c’est qu’il y a une demande. Je n’ai jamais vu autant de monde dans les centres de jardinage et le jardinage n’est qu’un exemple. L’économie actuelle n’est plus celle d’il y a 20 ans. On ne peut plus avoir la même vision.»