Pas de tournoi de pêche en mai
ÉVÉNEMENT. Pour la première fois en 45 ans, l’Association des chasseurs et pêcheurs de l’Estrie (ACPE) ne tiendra pas son populaire tournoi de pêche aux abords de la rivière Yamaska, faute de membres sur son conseil d’administration.
«C’est une décision qui n’a pas été facile à prendre parce que le tournoi de pêche est quand même un bel événement qui a amené beaucoup de monde aux alentours, a confié le président de l’organisme, Serge Cintas, en entrevue téléphonique. C’est une décision administrative qui fait qu’on n’est pas assez pour gérer un tournoi. On a essayé l’année dernière et on a vu ce que ça a fait. On ne peut pas prendre en main un tournoi à cinq personnes, c’est impossible.»
Par le passé, une dizaine de personnes étaient présentes pour gérer le tournoi, ce qui facilitait les opérations.
«C’était plus facile, a indiqué M. Cintas. Ça nous permettait d’envoyer des patrouilles dans toutes les zones pour vérifier que tout le monde avait son permis. L’année passée, on était trois. C’était un carnage complet.»
L’expérience du dernier tournoi de pêche restera gravée dans la mémoire des organisateurs, mais pas pour les bonnes raisons. L’ACPE déplore, entre autres, le comportement de plusieurs participants.
«La journée du tournoi, ça a été un carnage quand on est revenus à 6h du matin pour remettre des poissons dans le parc Fisher, a relaté Serge Cintas. Tout le bord de la rivière était rouge de sang. Les gens pêchaient là pour se nourrir; ils se garrochaient. On avait du mal à contrôler le quota. Les gens ont tenu pour acquis que les truites qu’on met dans la rivière leur appartiennent et que c’est un droit. La rivière est contrôlée. La culture n’est pas encore ancrée dans la tête des gens.»
Changer la mentalité
Le quota des pêcheurs est passé de dix à cinq poissons dans la rivière Yamaska. L’entente avec la mairie stipule que l’endroit promeut la pêche sportive et non la pêche pour se nourrir. Une culture qui n’est pas encore ancrée chez tous les adeptes.
«Pour garder un écosystème dans la rivière, ça prend des poissons, a insisté M. Cintas. C’est la base de l’écosystème. On ne peut pas vider tous les poissons. On veut vraiment la pêche sportive. Oui, tu peux en prendre un ou deux [pour manger], mais il ne faut pas en abuser.»
L’ACPE gère les huit kilomètres de rivière qu’on retrouve sur le territoire de Granby. Certains prennent cependant le lieu comme un droit acquis, ne se procurent pas la carte du regroupement, et oublient la notion de tournoi.
«Ce n’est pas spécialement ici, à Granby, mais au Québec, la notion de tournoi ne rentre pas dans la tête, a commenté le président de l’ACPE. Un tournoi, c’est quelque chose de privé, c’est quelque chose où tu dois payer un droit d’entrée. L’année dernière, quand on a fait notre tournoi, on avait 183 inscriptions et quand tu as plus de 300 personnes au bord de la rivière pour pêcher, tout le reste, ce sont des gens qui savent qu’on a mis du poisson et qui viennent pour se nourrir.»
Serge Cintas ne se gêne pas non plus pour dire que l’Association en avait aussi assez des quelques comportements désagréables lors de l’événement, même si le non-retour du tournoi est d’abord et avant tout pour une raison administrative.
«Le tout ensemble, ça nous a écœurés et on a dit non, cette année, on n’est pas assez, a-t-il expliqué. On ne peut pas se débattre à cinq pour un tournoi et gérer tous ces problèmes-là. Tranquillement, on va essayer de changer la mentalité. Le simple fait de mettre des règlements sur la rivière, on a du chialage. Les gens nous achalent, j’ai des téléphones; je suis sur le point d’enlever mon téléphone sur le site parce qu’on est harcelés. C’est plate d’en arriver là, mais ce n’est ni plus ni moins une leçon qu’on donne à la population.»
Recruter pour continuer
Le président de l’ACPE ne cache pas que l’organisation éprouve des difficultés de recrutement, comme l’ensemble des associations à but non lucratif d’ailleurs.
«Ce n’est pas une question de financement ou quoi que ce soit, on n’est plus capable à cinq, a-t-il insisté. On a vu ça l’année dernière et on s’est tiré une balle dans le pied.»
«On va essayer de recruter du monde dans le CA, a-t-il ajouté. Pour bien faire, il faudrait qu’on soit dix ou douze personnes. On vit présentement ce que vivent toutes associations à but non lucratif, c’est-à-dire le manque de main-d’œuvre. Il faut trouver des gens qui veulent donner de leur temps libre. C’est notre plaisir, on veut partager notre passion. C’est facile de critiquer, mais les gens ne veulent pas s’impliquer.»
Récemment, l’ACPE s’est penché sur la possibilité de mettre fin au regroupement si la relève n’était pas là.
«J’ai eu une discussion [à savoir] si on tombe à trois, on fait quoi? On annule le club? On en est rendu là, affirme Serge Cintas. Qu’est-ce qu’on fait? Est-ce qu’on va plus loin? On va continuer, on va avancer. Si l’année prochaine on est encore cinq, le tournoi n’existera pas encore. Taper la tête contre un mur tout le temps ça fatigue. C’est plus facile passer un message à des jeunes qu’à des adultes butés. Si on n’existe plus, vous ne pêcherez plus. Le peu de temps qu’on a pour nous, on le donne aux gens. Ils ne sont pas reconnaissants de ça.»