Transport: un Granbyen visionnaire se bute au gouvernement

TECHNOLOGIE. Un Granbyen innovant, Dardan Isufi, pourrait, avec son collègue Raphaël Gaudreault du Saguenay, révolutionner l’économie collaborative grâce à Eva, une alternative au géant américain Uber. Le problème? L’actuel projet pilote du provincial portant sur le covoiturage empêcherait, selon eux, l’émergence de toute concurrence.

À l’automne 2017, Uber menace de se retirer du marché québécois. Les deux jeunes entrepreneurs, deux amis proches, voient ainsi une opportunité se poindre à l’horizon. Débutée sous la forme d’un projet étudiant, leur initiative, qui propose une offre de services similaire à celle de l’application étatsunienne, suscite de l’intérêt. La coopérative de transport est officiellement lancée en décembre 2017.

Tout est désormais fin prêt pour qu’Eva aille à la rencontre des utilisateurs et des conducteurs. «Si demain on avait le feu vert (du gouvernement), après-demain on lancerait l’offre de services à Montréal», explique Dardan Isufi, chef d’orchestre opérationnel d’Eva. Mais voilà: le duo ne l’obtient pas, tant et si bien qu’il songe désormais à démarrer ses opérations en sol ontarien.

Si le ministère des Transports (MTQ) a fait savoir son ouverture à ce que d’autres joueurs se joignent au créneau dominé par Uber, les partenaires d’affaires déplorent n’avoir jamais eu de réponse à la suite du dépôt de leur demande, en janvier dernier. «On les relance aux deux ou trois semaines, mais on n’a jamais de nouvelles. Le ministère dit qu’il est ouvert, mais neuf mois plus tard, il n’y a rien qui ressort», déplore le Granbyen.

Pourtant, les deux comparses défendent avoir en main une offre non seulement intéressante, mais également innovante. «On propose une alternative québécoise qui est socialement responsable et qui est technologiquement ultra développée […], précise M. Isufi. On est la première application de ride sharing fonctionnelle sur la block chain dans le monde».

La part qu’empochera Eva à chaque course réalisée a été fixée à 15 %, contre 25 % pour Uber. Alors que la multinationale délocalise ses profits à l’extérieur de la province, sa concurrente potentielle, elle, a des visées entièrement locales, plaide l’étudiant. «Ces 15 % sont réinvestis dans la coopérative, qui est enregistrée localement,  va opérer localement […] et payer les salariés. Le reste des profits engendrés seront redistribués sous forme de ristournes aux membres. Ils pourraient aussi décider de les investir dans un événement», explique l’entrepreneur.

Dardan Isufi partage d’ailleurs les conclusions tirées par le Groupe de travail sur l’économie collaborative à l’effet que l’actuel arrêté ministériel, adopté en 2016 et renouvelé pour un an en septembre 2017, freine l’implémentation d’entreprises étrangères, mais aussi, du même coup, l’enracinement d’initiatives locales telles que la leur.

De plus, des éléments du projet-pilote déconstruisent littéralement le concept d’économie collaboratrice, défend Dardan Isufi. Il fait ainsi référence à l’obligation pour les nouveaux conducteurs de compléter une formation de 35 heures et de celle de détenir un permis de conduire de classe 4C, que doivent posséder les chauffeurs de taxi ou de limousine.

Appel aux élus

Si les deux jeunes hommes derrière Eva multiplient les présences dans les médias actuellement, c’est qu’ils désirent profiter du début de campagne électorale en province; ils lancent ainsi une perche vers les différents partis, espérant que ceux-ci prendront position dans le dossier.

«On veut aussi que le parti au pouvoir et que le ministre (André) Fortin (NDLR: ministre des Transports) commencent à réfléchir sérieusement à la problématique. On n’est pas les seuls à la pointer du doigt», souligne le cofondateur, qui déplore que l’innovation sociale et technologique soit en ce moment «bloquée» au Québec.

Si la coopérative de transport québécoise obtient l’aval du provincial, elle compte éventuellement, après Montréal, s’implanter dans les centres urbains de 60 000 habitants et plus, dont Granby. Les liaisons interurbaines sont également dans sa mire. La coopérative est actuellement en voie de s’enregistrer en Ontario et a également les yeux tournés vers l’Algérie et les États-Unis.