Un producteur de champignons de Granby vise le sommet
AGRICULTURE. Le Granbyen Jean-François Lessard s’intéresse depuis plusieurs années aux champignons et à tout ce qui touche la culture forestière. Il se consacre maintenant à temps plein à la production de shiitakes, de pleurotes et de strophaires, entre autres. Son objectif: faire de Granby le plus grand producteur de champignons au Québec.
Le projet de Jean-François Lessard consiste principalement à faire pousser des champignons gastronomiques sur des matières résiduelles souvent délaissées en milieu forestier ou agricole. Formé d’abord comme gestionnaire de projets, le Granbyen dédie maintenant tout son temps à la production.
«Ce que je veux faire, c’est vraiment des platebandes sous couvert forestier contrôlé pour pouvoir créer un milieu idéal pour la culture de champignons gastronomiques, explique le principal intéressé. J’ai vraiment la ferme intention de faire de Granby le plus gros producteur de champignons gastronomiques au Québec.»
La production de champignons est bien différente de celle d’un autre légume, notamment en ce qui a trait à la consommation d’énergie.
«Le champignon va aller chercher toute son énergie avant de fructifier tandis que le maïs, par exemple, va aller chercher son énergie au fur et à mesure avec le soleil, explique celui qui collabore déjà avec deux restaurants. Le champignon va aller chercher le carbone dans le bois; il va l’accumuler comme une batterie et quand il va avoir consommé tout ce qu’il pense avoir besoin, il va être prêt à aller ailleurs.»
Quand il est devenu propriétaire de son terrain il y a quelques années, Jean-François Lessard a tenté plusieurs expériences avant de savoir que la production de champignons deviendrait sa spécialité.
«Mon objectif était de faire une forêt nourricière, note M. Lessard. J’ai fait plusieurs expériences avec différentes génétiques et espèces pour voir ce que j’arriverais à bien naturaliser dans la forêt. J’ai découvert que j’avais vraiment bien réussi à intégrer les champignons. De fil en aiguille, c’est devenu mon dada.»
Une espèce bénéfique
Quand il a réalisé que la production de champignons était bénéfique à plusieurs niveaux, Jean-François Lessard a décidé d’augmenter son inventaire de mycélium de strophaire pour pouvoir l’implanter dès cette année. «J’espère pouvoir avoir une belle production de champignons à l’automne», note-t-il.
Au Québec, selon M. Lessard, environ cinq personnes seulement cultivent le mycélium de strophaire, qu’il qualifie de champignon québécois «qu’on connaît très peu».
«La majorité [des producteurs] est en mode expérimental; il n’y a pas encore de grosses exploitations, fait-il remarquer. Ce champignon est vraiment très fort et on peut le cultiver sous couvert forestier. C’est ce que j’aime et en plus, je le vois comme un potentiel.»
Au lieu de seulement vendre ses champignons en produit frais, Jean-François Lessard aimerait pouvoir les offrir à ses clients en mycélium pour qu’ils puissent les intégrer à leurs arbres «pour avoir un meilleur taux de succès lors de l’implantation.»
Ainsi, le producteur granbyen souhaite intégrer le royaume fongique en même temps que celui des végétaux tout en se démarquant dans la gastronomie. «Pour l’instant, je me concentre vraiment sur la restauration. Après ça, je me vois vraiment fournir le mycélium aux autres producteurs. Quand les gens vont voir le succès, ils vont avoir le goût d’y participer.»
Parce qu’il sera déjà établi lorsque son projet gagnera en popularité, Jean-François Lessard pourra fournir les outils nécessaires aux autres producteurs en les orientant, notamment, vers le mycélium.
«Quand j’ai réalisé que les champignons pouvaient nous aider sur plusieurs niveaux, j’ai commencé à produire le mycélium de strophaire parce que j’avais accès à de la matière. Pour moi, ç’a été vraiment comme un déclic avec cette espèce-là. Je l’aime beaucoup. C’est une espèce indigène du Québec qui gagne à être connue.»
Redevenir maître chez soi
Le Québec fournit 5 % des champignons qu’il consomme. C’est pourquoi Jean-François Lessard souhaiterait que la province québécoise redevienne «maître chez soi» quand on parle de champignons.
«Je veux qu’on redevienne capables de produire ce qu’on consomme. Ça, c’est la base en fait. C’est pour ça qu’en permettant aux autres agriculteurs de commencer à produire, ça permettrait de diversifier la production.»
Si parfois on a l’impression de voir plusieurs champignons dans la forêt, il peut s’agir du même être vivant. «Il a été démontré que le plus gros être vivant de la planète est un champignon, note l’agriculteur. Il fait des centaines d’acres. Il serait plus grand que Granby au complet. Il permet à tous les êtres vivants de la forêt d’interagir et d’échanger des minéraux et de l’eau avec d’autres espèces végétales. »
Pour Jean-François Lessard, il serait intéressant de pratiquer également la mycoremédiation –procédé de décontamination avec l’utilisation de champignons – puisque «98 % de nos cours d’eau sont extrêmement pollués».
«Avec les forages de mycélium, je pense qu’on pourrait remédier à ça d’une façon vraiment intéressante», estime le principal intéressé, qui rappelle que certaines génétiques de pleurotes peuvent aussi nettoyer des sols contaminés.
Rappelons que les champignons ont aussi une caractéristique antibactérienne qui permet de protéger le code génétique de l’humain.