Un retour en classe compliqué pour les commerçants et les restaurateurs

AFFAIRES. La pénurie de main-d’œuvre a fait couler beaucoup d’encre et a suscité (et le fait encore !) bien des débats. Et pour cause, la quasi-totalité du secteur commercial est touchée et la situation ne risque pas de s’améliorer avec le retour des élèves sur les bancs d’école.

À bout. Voici les deux mots qui résument la situation de Martin Gagnon, chef et copropriétaire de l’Attelier Archibald. Après les deux ans de pandémie et ses conséquences encore désastreuses sur les restaurateurs, c’est maintenant le manque de main-d’œuvre, encore plus criant depuis la rentrée des classes, qui met les nerfs des commerçants et des restaurateurs à vif.

«Les deux ans de pandémie ont tiré beaucoup de jus, c’était plus dur que jamais de se revirer de bord et je voyais mon staff partir un à un pour changer de milieu ou se réorienter (…). Les dépenses ont augmenté, en plus on doit payer les employés davantage pour les garder. Mais vu qu’on ne veut pas trop augmenter la facture du client, on se ramasse à travailler plus et à absorber les conséquences», a expliqué M. Gagnon, qui est également propriétaire du restaurant La Boissonerie.

Même son de cloche du côté de la Chambre de commerce et industrie de la Haute-Yamaska, où la directrice générale, Roxanne -Gagné, nous explique que bien des commerçants sont désemparés face à cette situation. «Il y en a beaucoup qui se demandent ce qu’ils vont faire. En restauration, on m’a expliqué clairement que des étudiants qui faisaient trois quarts de travail veulent maintenant en faire juste un, et que ça, c’était dans le meilleur des mondes. Parce qu’il y’en a plusieurs aussi qui sortent de la région pour retourner aux études», a déclaré Mme Gagné.

Établi à Granby depuis 13 ans avec l’Attelier Archibald, c’est néanmoins la première fois que Martin Gagnon doit fermer les midis pour aller donner un coup de main à la Boissonerie. Le changement d’horaire est une des quelques solutions envisagées par plusieurs restaurateurs et commerçants pour subsister. «Ce n’est pas une option négligeable. L’entrepreneur reste un humain à la base et il ne faut pas l’oublier. On sent qu’il y a une certaine fatigue morale et physique et qu’ils n’arrivent pas à répondre aux nombreux besoins», confie Roxanne Gagné.

«Il y a un sondage qui va être fait en collaboration avec Tourisme Cantons-de-l’Est pour évaluer les différents impacts dans le secteur touristique (…). Mais, concernant le retour des étudiants, on parle souvent de bris de service, des horaires réduits et des réorganisations à l’interne, ça rajoute également une pression sur les équipes en place», explique -Hélène Plante, codirectrice générale de Commerce Tourisme Granby Région.

Les solutions

La situation étant de plus en plus intenable, les gestionnaires sont obligés de redoubler d’efforts pour attirer et garder leurs employés. C’est le cas de Martin Gagnon, qui a fait appel à une agence spécialisée pour faire venir des travailleurs de l’étranger. « J’ai commencé mes démarches il y a trois mois parce que j’ai constaté que les CV ne rentraient pas. J’ai déjà un bon bout du processus qui est fait, donc d’ici quatre à six mois, j’aurais plus de mains pour m’aider (…). On avait des projets d’expansion, mais on a préféré attendre d’avoir de la main-d’œuvre de l’extérieur. On est sur le stop, on attend que ça pour continuer à grandir et fournir la demande », relate le propriétaire, qui explique que souvent, c’est au niveau de l’immigration que ça bloque.

Bien qu’ils soient démunis face à la situation, les membres de Chambre de commerce et Commerce Tourisme Granby Région ne ménagent pas leurs efforts pour tenter de trouver des solutions face à cette situation compliquée. «Il y a beaucoup d’organismes qui travaillent dans la région pour pallier ce problème, on a des subventions pour aller chercher des stagiaires, on travaille aussi au niveau de l’immigration pour chercher des employés», explique la directrice générale de la Chambre de commerce.

Du côté de Commerce Tourisme Granby Région, l’organisme travaille principalement à promouvoir la plateforme Granby-Profitez ! qui permet aux employeurs de la région d’afficher des offres d’emplois gratuitement. L’organisme s’assure aussi de partager à ces membres des bonnes pratiques à mettre en place, ou des exemples inspirants. «Nous avons aussi développé l’année passée des capsules de formation pour les entreprises et partenaires touristiques pour justement aider les gestionnaires surchargés. Ces capsules sont pensées pour être intemporelles et ludiques, pour que ça devienne une référence pour les employés dans le tourisme», souligne Mme Plante.

«Ils font un super beau travail pour nous aider et pour remplir nos restos», déclare M. Gagnon sur les efforts de ces divers organismes. «Malheureusement pour ce qui est du manque de main-d’œuvre, il n’y a personne qui peut changer ça. Ce n’est pas facile la restauration, et les temps changent. Les jeunes veulent vivre et profiter de leur été, ce n’est plus la même réalité.»

«On vit un gros changement, c’est un bout dur à vivre, mais je ne m’inquiète pas que ça va finir par revenir. Quand j’y pense, je suis découragé, mais quand je regarde vers le futur, je deviens optimiste. Je me dis que ça ne pourra pas rester de même tout le temps», conclut M. Gagnon.