Un retour en force des Hells à Granby?

Une trentaine de policiers de l’Escouade régionale mixte (ERM)-drogue ont démantelé un réseau de trafic de cocaïne relié aux Hells Angels de Sherbrooke et aux Nomads de l’Ontario, la semaine dernière, à Granby. Malgré les efforts et les multiples opérations policières menées au cours des dernières années, cette présence du crime organisé à Granby n’étonne pas l’ex-directeur du Service de police de Granby, Richard Dufresne.

Retraité depuis mars 2008, Richard Dufresne, qui continue de suivre avec intérêt les activités policières, s’avoue à demi surpris de la frappe menée la semaine dernière par l’ERM-drogue. D’une part, la situation géographique favorable de Granby inciterait les motards à créer des ramifications dans la région. «Granby est une ville centre, une ville importante. Elle est située à mi-chemin entre Montréal et Sherbrooke. Les gens ont de l’intérêt en matière de stupéfiants. La police est donc très aguets.»

Il se dit toutefois étonné de voir que la relève est toujours prête à prendre le flambeau. «Je suis surpris de voir qu’ils se relèvent tout le temps. C’est comme un phénix, ils se relèvent de leur cendre», lance M. Dufresne.

L’appât du gain aurait un rôle à jouer dans ces multiples renaissances. «Aussitôt qu’il y a une organisation qui est mise à terre dans une ville «X», il y a toujours des gens pour prendre la relève. C’est de l’argent vite fait, bien fait, avec un certain risque d’être arrêté un jour. À Granby, on a une excellente organisation policière. Il y a des gestes concrets qui sont entrepris. Il y a des opérations qui sont faites, ça ne prend pas cinq ans, ni dix ans avant qu’un ménage soit fait, et ça semble être le cas récemment.»

Un nettoyage en profondeur

À la fin des années 1990, les motards tentaient de s’implanter à Granby. «Ils voulaient développer un club à Granby relié aux Hells de Sherbrooke. Ils ont travaillé très fort pour l’implanter.» Au dire de l’ex-policier, ledit développement touchait les ramifications du contrôle de la vente de stupéfiants et le contrôle de la vente dans les établissements hôteliers. Des points de vente étaient également en train de se développer dans des logements du centre-ville.

L’ex-chef de police a aussi travaillé à l’adoption d’un règlement municipal «anti-bunker» à Granby. «Les Hells et les clubs de motard criminalisés étaient en train de s’implanter et érigeaient des forteresses. On a fait adopter ce règlement pour éviter que ce type de structure fortifiée s’établisse sur notre territoire», explique-t-il. Les Hells avaient toutefois un pied à terre non loin de Granby. «Une bâtisse et un terrain avaient été achetés sur la route 112 vers Shefford. C’est l’un des endroits où on a fait des frappes policières mis à part celles qu’on a faites à Granby.»

«Je dirais sans crainte qu’on a fait un nettoyage à ce moment-là. En 2001, sans aucune prétention de ma part, on a mis à terre le réseau pour un bon bout de temps. Évidemment, ce sont des gens qui se restructurent rapidement. On en a la preuve, ça continue pas juste à Granby, mais ailleurs aussi.»

À cette époque, les interventions menées par le Service de police de Granby ont eu lieu à la veille de Printemps 2001, cette vaste opération qui a affaibli les Hells Angels tout en éliminant les Nomads et les Rockers de Montréal. «On a ébranlé la structure des Hells, mais ils se sont relevés en 2002, 2003 et 2004.» Lors de leur restructuration, les motards criminalisés ont modifié leur façon de faire. «Ils se montraient moins, étaient plus discrets, mais ne s’empêchaient pas de faire des affaires. Ils s’ajustent tout le temps! Il ne faut pas que l’ERM cesse parce qu’ils vont perdre leur trace», prévient l’ex-policier.

En marge de l’opération policière de mercredi dernier, la Sûreté du Québec, responsable de la coordination policière en lien avec la lutte contre le crime organisé, a été questionnée sur l’actuelle présence des motards dans la région de Granby. La SQ a toutefois refusé la demande d’entrevue du GranbyExpress.com. «Les éléments de réponse à vos questions font partie de la preuve du dossier qui sera présenté durant les procès», a indiqué le lieutenant Guy Lapointe.

Une importante frappe policière

Les policiers de l’ERM ont frappé à quatre endroits à Granby, soit sur les rues Elgin, Lord, York et Victoria, le 20 février dernier. Quatre voitures ont été perquisitionnées et trois ont été saisies comme biens infractionnels. Les policiers ont saisi environ 50 grammes de cocaïne, 1000$ en argent canadien, environ 100 comprimés de méthamphétamines, des cellulaires et une vingtaine de comprimés de ce qui pourrait être un dérivé de morphine.

Le réseau ciblé sévissait dans la région de Granby. «L’enquête tend à démontrer que ce réseau-là, de quatre hommes et de trois femmes, avait des ramifications avec les Hells Angels de Sherbrooke ainsi qu’avec un chapitre criminalisé de l’Ontario, les Nomads. On considère ce groupe comme étant très bien organisé», ajoute Bruno Beaulieu, porte-parole de l’ERM.

Cinq personnes, trois hommes et deux femmes, de 31 à 51 ans, ont été arrêtées. L’un des acteurs clés, Daniel Gauthier, 51 ans, a comparu mercredi dernier au palais de justice de Granby. Il a fait face à deux accusations de trafic de cocaïne, de possession de stupéfiants à des fins de trafic et de bris de probation. Les autres suspects comparaîtront ultérieurement. Un sixième membre de ce réseau, un Granbyen de 33 ans, a été arrêté au cours des derniers jours. «Il s’est rapporté lui-même aux policiers», précise Aurélie Guindon, porte-parole de l’ERM. Une femme est toujours recherchée par les policiers. L’enquête, qui a débuté il y a trois mois, a été enclenchée grâce à de l’information provenant du public.