Une saison à oublier pour les producteurs agricoles locaux

AGRICULTURE. Cette année, les caprices météorologiques ont mis à l’épreuve la résilience et l’ingéniosité des producteurs agricoles pour maintenir leurs récoltes et leurs exploitations à flot. De la pluie excessive aux gelées tardives, en passant par les maladies fongiques, les agriculteurs sont confrontés à une série d’obstacles qui affectent leurs rendements et leur rentabilité.

Au-delà des conditions difficiles actuelles, le début de la saison a été un moment pénible pour plusieurs agriculteurs et producteurs fruitiers qui ont vu leurs cultures dévastées par le gel tardif du mois de mai. « Nous avons eu un gel au moment de la floraison des pommiers aux environs du mois de mai. Tous nos arbres fruitiers ont subi des dégâts, notamment les prunes et les cerises. Nous n’avons aucun de ces fruits cette année à cause du gel », a indiqué Marc-André Pelletier, producteur propriétaire du Verger Champêtre à Granby.

Cette année, les températures sont descendues bien en dessous des niveaux habituels de 0 et -1 degré que les producteurs anticipent lors de ces mêmes périodes, pour atteindre des valeurs persistantes de -5 degrés. « Ce genre de gel survient normalement une fois tous les 5 à 6 ans, mais le gel de cette année a été d’une nature exceptionnelle. Des producteurs plus expérimentés m’ont confié qu’ils n’avaient jamais vu une telle situation en 25 ans », a ajouté M. Pelletier.

En conséquence, le producteur du Verger Champêtre se retrouve aujourd’hui avec une récolte, certes amoindrie, mais dont les fruits ne sont pas « parfaits ». « La majorité de la récolte a été endommagée. Il y a quand même des pommes, mais certains produits sont plus déformés ou plus petits », a précisé le producteur granbyen.

Chez la Fruitière des Cantons à Shefford, les bleuets abondent dans les champs et dans le petit kiosque de la ferme, mais Isabelle Hauver et son équipe ont aussi connu un départ de saison plus compliqué, notamment avec une culture de fraises affectée par des conditions difficiles. « De notre côté, le seul hic était en début d’année avec la récolte des fraises. Nous avons eu pas mal de pertes. Durant les premières semaines, on a dû jeter 70 % des fruits qu’on cueillait, à cause de l’abondance de l’eau, de l’humidité et de la chaleur », a expliqué Mme Hauver.

Après le printemps, le mauvais temps

Du côté de la Ferme Lakitamatata, située entre Shefford et Granby, la saison n’a pas été de tout repos. Kelly Lussier, propriétaire de la place, a fait face à des défis similaires en raison des excès d’eau. Ses cultures ont souffert de maladies fongiques (champignons) et de la saturation du sol, entraînant des pertes importantes. « Les plants sont trop jaunes, il y a de la maladie fongique, et tous les semis que l’on plante meurent. J’ai de la difficulté à faire pousser de la laitue, de l’échalote, et presque tout est en retard », a-t-elle confié.

« On essaie de remettre du fumier de poule, mais cela lessive les engrais, et les plantes deviennent jaunes. Si c’était une canicule, on aurait simplement augmenté l’irrigation, cela aurait été gérable. Mais avec trop d’eau, il n’y a pas grand-chose à faire », a soupiré Kelly Lussier.

Pour d’autres producteurs, en plus de privilégier les serres, la diversification semble également être une voie envisagée. « Nous allons plutôt nous orienter vers une culture diversifiée. Nous ne voulons pas nous contenter uniquement de pommes, de cerises et de poires, mais diversifier nos cultures tout au long de l’année pour avoir une plus grande production. Ainsi, lorsque ce genre d’événement marquant se produit, nous ne dépendrons pas seulement de quelques types de cultures, mais de plusieurs », a fait savoir Marc-André Pelletier, du Verger Champêtre.

Baisse d’achalandage notée

Outre les défis climatiques, la plupart des producteurs notent également une importante baisse d’achalandage dans leurs fermes, ainsi que dans les abonnements de paniers de légumes. « Certaines personnes considèrent les produits de la ferme comme un luxe, mais ce n’est pas du tout le cas. Les épiceries vendent leurs légumes plus chers que les miens, alors que les miens sont locaux et bio », a mentionné Kelly Lussier de la Ferme Lakitamatata.

Cette baisse d’achalandage est également fortement ressentie du côté de l’argouseraie Quenebro à Roxton Pond, où les producteurs d’argousiers redoublent d’efforts pour attirer une nouvelle clientèle. « La fin du printemps et le début de l’été ont été très médiocres. Comparé à l’année passée, il y a eu des semaines où les ventes ont baissé de 50 % », a confié Véronique Hegara, copropriétaire de la ferme.

« Oui, nous ressentons la baisse d’achalandage. Je pense qu’il y a plusieurs facteurs en jeu, notamment la météo défavorable pour le tourisme agricole, ainsi que la hausse continue du coût de la vie. Les gens coupent dans leurs dépenses liées à ce type de sorties. Il est plus facile de faire des coupes dans ces domaines que dans l’épicerie », a souligné M. Pelletier, du Verger Champêtre.

Alors que les producteurs locaux ont plus que jamais besoin que la population se tourne vers eux pour les encourager, l’Union des producteurs agricoles exhorte le gouvernement à agir rapidement afin de minimiser les impacts néfastes. « Les productrices et producteurs demandent la mise en place de mesures d’urgence afin d’obtenir davantage de soutien, plus particulièrement pour les entreprises affectées et dont la continuité des activités est incertaine », a indiqué récemment la présidente de l’Association des producteurs maraîchers du Québec, Catherine Lefebvre.

Une aide gouvernementale serait certes la bienvenue, mais une sensibilisation est également à faire auprès de la population, d’après certains producteurs. « Mon plus grand souhait est que la population prenne conscience du fait que les fruits et légumes ne seront pas toujours parfaits et impeccables. Il faut que la population soit sensibilisée à notre réalité et comprenne que même s’il y a une petite tache sur un fruit ou un légume, le produit reste quand même bon et local », a conclu M. Pelletier.