COVID-19: la thérapie entre quatre murs d’Alexandre
SOCIÉTÉ. Travailler sur soi-même pour fuir les démons de son passé, bâtir de nouvelles fondations pour espérer une vie meilleure à sa sortie d’une thérapie. Depuis cinq mois, Alexandre (*) met les bouchées doubles dans l’espoir de voir la lumière au bout du tunnel. Un cheminement parsemé de remises en question quelque peu chamboulé dernièrement par le coronavirus. Portrait d’un ex-toxicomane confronté au COVID-19 entre quatre murs.
À 26 ans, Alexandre en a vu d’autres. Les hauts et les bas de la toxicomanie, il les connaît très bien. Après avoir touché le fond du baril, le voilà maintenant au Centre l’Envolée, de Shefford, où depuis cinq mois il s’efforce à se construire une nouvelle identité. Si tout va pour le mieux, les portes de la vie extérieure lui seront ouvertes vers le 5 mai prochain. Le hic? La pandémie du coronavirus qui frappe de plein fouet pourrait quelque peu changer ses plans. Qu’à cela ne tienne. Tout va pour le mieux assure le principal intéressé.
«Le confinement se passe très bien. On est en sécurité ici. Je trouve ça beaucoup mieux que d’être dehors (…)» «Les mesures de sécurité sont très bien appliquées par le centre, entre autres, avec les coupures de sorties. Ça empêche toute contamination dans le centre et je trouve ça très professionnel de la part des intervenants d’avoir mis ça en place pour ne pas que ça se propage partout», explique le jeune homme.
Vivre dans un milieu contrôlé en pleine pandémie n’a rien d’une partie de plaisir pour les résidents de l’Envolée. Mais pour Alexandre, qui traîne un passé judiciarisé, sa maison des derniers mois lui convient beaucoup mieux qu’une cellule en milieu carcéral.
«Si je n’étais pas ici, je serais en prison parce que je suis sous la responsabilité des libérations conditionnelles. Je serais en dedans avec les autres cas (de COVID-19) et je vais t’avouer que ça me stresserait.»
Alors que le Québec mène une lutte sans merci contre un rival invisible, Alexandre poursuit son parcours de réhabilitation.
Entre deux appels (autorisés par le centre), Alexandre garde le cap sur ses projets futurs lui qui envisage d’embrasser la carrière de signaleur routier lorsqu’il retrouvera sa liberté hors des murs.
«Je n’ai jamais autant travaillé sur moi qu’actuellement. Mon moral est super bon et je me sens bien. Le virus, c’est un autre obstacle dans ma vie et ça l’est aussi pour d’autres personnes. Mais il faut le surmonter et se dire qu’il y a d’autres beaux moments à venir.»
Baisse des activités
Interdiction des visites, allègements des activités thérapeutiques, ajout de matériel informatique (ordinateur, webcam), soupers commandités. Au Centre l’Envolée, le «au jour le jour» se passe relativement bien aux dires de son directeur général, Nicolas Bédard.
«Le deux tiers des appels qu’on reçoit habituellement, on ne les reçoit plus. Même chose en provenance des tribunaux qui tournent au ralenti. Et c’est pas mal partout pareil dans les centres même que plusieurs petits établissements ont fermé leurs portes», explique le directeur de l’Envolée.
À la ressource de traitement de Shefford, les 118 chambres étaient toutes occupées au début de la COVID-19. La semaine dernière, on dénombrait une dizaine de places libres.
«Il y a aussi probablement moins de substances sur le marché noir dans la rue en raison du confinement et de la logistique aux douanes. Les bars sont fermés, il n’y a pas de rassemblements (…). L’ensemble de ces facteurs fait en sorte que les besoins d’offrir des lits en dépendance sont en baisse.»
Pas plus d’appels, mais…
En période de crise majeure, les ressources d’aide psychologique deviennent, dans certains cas, des bouées de sauvetage pour ces personnes qui les sollicitent. Au Centre de prévention du suicide de la Haute-Yamaska (CPSHY), la vague d’appels de détresse n’a pas encore déferlé sur la région, mais l’organisme est prêt à toutes éventualités.
«La ligne d’intervention (450 375-4252) est toujours ouverte, 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Nous avons aussi pris l’initiative d’augmenter nos contacts avec les gens qu’on connaissait déjà ou qu’on suivait moins dernièrement. On les a relancés et c’est important dans ses temps d’incertitude d’aller au-devant», mentionne la directrice générale du CPSHY, Esther Laframboise.
«Il y a des journées où l’on a beaucoup d’appels et il y a des journées où il y en a moins. Mais ce qui nous inquiète, c’est que les gens ne prennent pas souvent l’initiative d’appeler pour eux ou pour un proche. Le défi en ce moment, c’est de pouvoir utiliser les proches au tour de la personne qui vit des idées suicidaires et des problématiques», renchérit Mme Laframboise.
*: Le nom de famille de notre interlocuteur n’a pas été mentionné afin de protéger son identité.