Betty Bonifassi explore la génétique de la musique

MUSIQUE. Elle voulait devenir chercheuse et étudier la génétique. Heureusement pour nous, la musique l’a fait passer du labo au studio. Cette quête scientifique demeure tout de même bien présente et c’est ce qui guide les recherches de Betty Bonifassi dans son projet Lomax.

«Moi, j’avais des ambitions scientifiques. J’ai fait deux ans de fac en médecine, mais je n’avais pas les notes. Je voulais faire de la recherche en génétique. C’est pour ça que j’ai une vision de chercheuse», raconte-t-elle.

Une anecdote de parcours qui éclaire toute la démarche du projet Lomax. La famille Lomax, menée par le père John, a fort probablement sauvé le patrimoine musical oral de l’Amérique noire.

Ces collectionneurs ont conservé des textes, des musiques et des enregistrements uniques de centaines de pièces traditionnelles chantées par les esclaves nègres dans les champs et les usines.

«Ces chansons-là ont 200 ans. C’est toute la tradition africaine qu’on a mise dans un rythme 4/4, mais avec le soul et la rondeur africaine. C’est ça le blues!», explique la musicienne qui voit son travail comme un hommage à la dignité et au génie de ces ouvriers.

«Ma conclusion, c’est que toute la musique populaire d’aujourd’hui vient de la musique noire. Le racisme est impossible! Je veux montrer par A+B que ces chants-là sont immortels», ajoute-t-elle en entrevue téléphonique.

Ces chants incarnent la résilience par l’art vocal. Mais au-delà du besoin humain d’exprimer la douleur, il y a du pur génie artistique.

«Avec mes années de recherche, je peux dire que c’est la forme de musique la plus riche qu’on a jamais entendue. Et je suis fan de Stravinsky, alors je sais de quoi je parle! Je crois personnellement qu’ils ont créé une forme de résilience absolue et de soulagement de la douleur. Ils ont eu l’intelligence de ne pas répondre à la violence et à long terme, ils ont gagné», croit la chanteuse et musicienne.

Chanter le bonheur

L’instinct humain de chanter lorsqu’on est réduit à l’esclavage et forcé de travailler sous la douleur et dans des conditions misérables démontre la puissance du geste.

«Chanter, c’est un cadeau qui nous est donné pour mettre notre corps en vibration et créer un état de bonheur», soutient Betty Bonifassi.

«Je voudrais vraiment faire des recherches là-dessus. Je suis persuadée que chanter permet de libérer des hormones qui permettent d’atténuer la douleur et de rendre plus heureux», suggère-t-elle.

«Quand on chante, l’amour est encore plus généreux que d’habitude. Les gens bien créent le bien, ils ne créent pas le mal.»

Histoire de colocs…

Si la jeune Béatrice rêvait de médecine et de science, elle rêvait aussi de danse, mais étrangement… pas de chanter. La révélation est venue beaucoup plus tard.

Cette voix de phonographe si singulière, elle l’a découverte grâce à une amie. «Je l’ai découvert parce que ma coloc m’a dit que je chantais bien. On était dans une soirée et elle est allée voir le DJ pour qu’il me demande sur scène. J’ai chanté Teardrops de Womack & Womack. Je me souviens d’avoir vécu un buzz mémorable. Ma coloc m’a dit que je devrais continuer…»

Pour la suite, elle n’a fait que suivre son intuition artistique. «Quand je vois que les gens réagissent, j’y vais. Je fonce», résume-t-elle simplement. C’est pour ça qu’on l’a d’abord connue par la chanson thème du film Les Triplettes de Belleville, qu’elle a bifurqué vers l’électro-rock avec Beast et qu’on la vue jouer Piaf sur scène…

Tout ça avant de plonger dans l’histoire afro-américaine qui a produit les albums Betty Bonifassi et Lomax. Un troisième tome devrait d’ailleurs être enregistré en Nouvelle-Orléans pour en faire un triptyque. «Comme un opéra en trois actes», précise-t-elle.

«Mes parents écoutaient beaucoup de soul. Ma musique première, c’est le R&B des années ’60, le rock, le roots. Ç’a forgé ce que je fais aujourd’hui.»

Betty Bonifassi présente Lomax, ce samedi 26 novembre, à 20h, à la Maison de la culture de Waterloo.