Brigitte Dahan vue par… Roxane Lussier

Dans cette série, Culture G invite un artiste à visiter une exposition et à commenter les œuvres de son point de vue de créateur. L’artiste multidisciplinaire Roxane Lussier a exploré avec nous l’exposition "Mouvances", signée Brigitte Dahan, à la galerie de la bibliothèque de Bromont.

Le parcours que propose la sculptrice Brigitte Dahan est un voyage entre l’origine de la vie et un futur inspiré d’une science-fiction qui paraît de plus en plus réelle. Ses œuvres de céramique représentent une évolution où l’homme s’éloigne de la nature, accaparé par le virtuel et l’artificiel.

«C’est la transformation du corps et de la nature en relation avec les nouvelles technologies, explique l’artiste de Bromont. On n’a jamais connu autant de changements dans l’histoire que dans les 50 dernières années.»

À ce constat s’ajoute l’éternelle question: «Qu’est-ce qu’on va devenir?» L’artiste joue le jeu et y va de sa piste de réflexion où le cerveau humain est agrémenté de cartes électroniques et où la reproduction des espèces est contrôlée par des robots…

Et si c’était vrai?

«Les nouvelles technologies peuvent être très bonnes pour certaines choses et en même temps très mauvaises. Je ne pourrais jamais me passer de mon ordinateur ou de mon téléphone… mais est-ce qu’un jour ce sont des machines qui vont décider pour nous?», s’interroge l’artiste.

On imagine facilement la sculptrice les mains dans l’argile à angoisser sur l’extinction de la race humaine et l’avènement des robots, mais elle nous assure que ce n’est pas le cas. «Quand je crée, je m’amuse! Je pense plus à des considérations techniques pour m’assurer que je vais avoir le résultat que je veux!»

Et ce médium ajoute une symbolique puissante au sujet. «L’argile, c’est la terre. Tout part de la matière», note notre invitée Roxane Lussier.

Tissus 2 et Genèse

La première station du parcours s’intitule Tissus 2. C’est le début de la vie, les cellules.  Chaque pièce est marquée de traces de fossiles comme une programmation. À la fois embryon de ce qu’elles vont devenir et un encodage génétique du passé.

Suis ensuite le tableau Genèse. Un ensemble de pièces «inspirées de l’automne où tout s’endort», ainsi que du vol léger des oies. Les cellules s’ouvrent et se transforment.

«On dirait des mouchoirs lancés en l’air», fait remarquer Roxane qui a l’habitude de la légèreté, elle qui travaille le textile et enseigne la couture.

Mi-homme mi-bête

Plus loin, de grands personnages témoignent de la dualité entre notre côté humain et notre côté animal. «Il y a toujours une part animale en nous. La raison contre l’instinct», précise Mme Dahan.

On retrouve là aussi le rappel des empreintes de fossiles. On note la couleur d’un vert presque noir. De l’oxyde de manganèse et de l’oxyde de cuivre nous apprend l’artiste. «La touche brillante donne un aspect humide, vivant», glisse Roxane.

Miroir Miroir

L’œuvre Miroir Miroir se veut une critique des réseaux sociaux. De cette façon de socialiser du 21e siècle. Sur fond d’icône de profil web, une série de visages se trouvent rassemblés.

«On voit juste le visage, alors que dans les autres œuvres, on peut voir tout le personnage et en faire le tour. Là, on ne connait rien d’autre d’eux. On voit aussi ceux qui sont dans le groupe et ceux qui n’en font pas partie», relève notre invitée.

«Ils sont tous pareils, mais ils sont persuadés qu’ils sont tous très différents et uniques!», ajoute Brigitte Dahan.

«Ils sont tous seuls. Ils ne se regardent pas. Est-ce que les réseaux sociaux nous rapprochent ou nous isolent?», interroge Roxane Lussier.

On assiste ensuite au point de bascule, où, selon la créativité de Brigitte Dahan, «la vie 2.0» délaisse sa part animale pour embrasser une nouvelle moitié technologique/artificielle. 

«C’est une idée, une piste à suivre… si ça arrive, ce sera la vie! Mais je ne crois pas que les gens pourront être heureux là-dedans», soutient l’artiste.

L’exposition Mouvances, créée par Brigitte Dahan, à la galerie de la bibliothèque de Bromont jusqu’au 22 octobre.

Ugo