Christian Bégin sans censure

On peut dire que les couteaux volaient bas, mardi soir, au Palace de Granby avec la pièce «Pourquoi tu pleures?». Un texte à l’humour grinçant signé Christian Bégin.

Pour se mettre en contexte. La pièce débute dans la cour arrière d’une maison de banlieue. On y voit tous les personnages du passé et du présent qui discutent, sauf Guillame, qui reste silencieux.

Avec un débit défilant à toute allure, on nous dresse le portrait des personnages mis en scène.

On assiste ensuite au retour de l’enfant prodigue. Tous semblent le détester, lui, Guillaume, qui revient d’une année passée en Afrique pour le travail.

Puis, Yvon, le paternel, disparaît pour laisser place à cette horrible réunion de famille qui survient une année plus tard. 

Ce qui se voulait au départ une lecture des dernières volontés du père tourne au cauchemar à l’ouverture de la première enveloppe.

Le défunt lègue à sa famille un peu plus de 5 millions de dollars… qu’ils devront se séparer de façon équitable, selon leurs besoins respectifs. Vous imaginez déjà la suite!

Le père revient à quelques reprises discuter avec Guillaume, et on retourne aussi au fameux soir de son retour. Que s’est-il passé ce soir-là? Tous semblent vouloir cacher ou refouler ce moment qui crée définitivement une tension au sein de la famille. Quel secret cachent-t-ils tous?

Plus la pièce avance, plus on en apprend sur la vie personnelle des personnages. France, l’avocate en manque d’affection qui souhaite conserver sa jeunesse. Roger, un homosexuel coincé, qui n’existe qu’à travers le regard de sa mère. Manon, la sainte de la famille. Une ancienne religieuse défroquée qui ne vit que pour sauver les autres de la misère. Ou est-ce pour se déculpabiliser? La mère, pas mieux que les autres se réfugie dans un déni total de tout ce qui l’entoure. Déviant la conversation chaque fois qu’on s’approche trop de ce qui pourrait s’avérer choquant. 

Ce superbe texte reflète une analogie de la société. Un texte engagé qui s’en prend sans aucune censure aux politiciens, aux stéréotypes et à l’orientation sexuelle. Pour l’apprécier, il faut assurément aimer le sarcasme et les jeux de mots! Un texte intelligent avec de petits bijoux dans les tournures de phrases.

On peut aussi dire que Christian Bégin s’est offert tout un rôle. Un fendant, arrogant sans aucun filtre qui semble pourtant cruellement atteint du syndrome de la vérité.

Et que dire de la performance de Pierre Curzi, dès qu’il ouvre la bouche, on le déteste déjà. Quel personnage abject!

Isabelle Vincent et Christian Bégin forment un duo incroyable. Ce n’est pas la première fois que je les vois jouer ensemble, mais leur aisance et leur complicité est remarquable.

Une grande soirée de théâtre actuel empreinte de sarcasmes, d’intrigues, de drames et voir même de réflexions sociales. Bravo! 

Eli-Ève