De Larochellière, Morisset, Désilets: la bande des «6»
FICG. Il y a 10 ans, 20 ans, 30 ans, ils remportaient les grands honneurs du plus prestigieux concours de chanson francophone. Quel souvenir en ont-ils gardé? Luc De Larochellière, Christian Morisset et Alexandre Désilets racontent leur Festival international de la chanson de Granby.
Luc De Larochellière: 1986
Il avait 20 ans, habitait le sous-sol de la maison familial et n’avait jamais joué avec des musiciens professionnels. En fait, sauf l’année précédente, lorsqu’il avait été finaliste pour la première fois au FICG.
En 1986, il rafle tout. «Ça marque le début de ma carrière. Si je me souviens bien, c’était en octobre», se rappelle-t-il.
L’auteur-compositeur-interprète présente à Granby Amère America et Le trac du lendemain. Des chansons qu’il interprète encore aujourd’hui. Son couronnement lui procure une attention médiatique qui n’a rien à voir avec celle d’aujourd’hui.
«La réalité était complètement différente. Aujourd’hui, le gagnant obtient un gros prix en argent et un entrefilet dans le journal. Avant, on recevait peut-être 2 500$, mais on était dans tous les journaux et tous les magazines. Il y avait aussi plusieurs émissions de télévision avec des performances musicales. On avait une visibilité extraordinaire», raconte celui qui a alors rencontré son premier producteur Réjean Rancourt des disques Trafic.
On connaît la suite, Luc De Larochellière connaît un succès instantané avec les albums Amère America (1988) et Sauvez mon âme (1990) qui vont marquer l’histoire de la chanson québécoise.
Au début des années 2000, il revient à Granby pour transmettre sa passion du métier. D’abord à l’École nationale de la chanson, puis avec le FICG. Il offre des ateliers d’écriture, fait de la mise en scène et assure la direction artistique des spectacles.
S’il dit avoir beaucoup appris en participant au festival, c’est plutôt en tant que formateur qu’il dit avoir le plus appris. «On apprend beaucoup à regarder les autres travailler», note-t-il. Des artistes comme Damien Robitaille, Pierre Lapointe et Alexandre Désilets ont notamment participé à ses ateliers.
En 30 ans de carrière, Luc De Larochellière a publié sept albums solos, deux compilations, un album en duo avec Andrea Lindsay et un collectif avec Sept jours en mai. En octobre prochain, il lancera un nouvel album original.
Christian Morisset: 1996
Il y a 20 ans, c’était au tour de Christian Morisset de goûter aux joies du triomphe. «J’avais 26 ans et j’étais le plus jeune des finalistes», se souvient-il. Pourtant, l’auteur-compositeur-interprète en était à sa quatrième participation!
«Les deux premières années, je n’avais pas été choisi. Je dormais dans mon Volks et je me payais le festival. On me permettait de participer aux ateliers de formation et après le show on allait au bar Ailleurs. On allait jouer là», partage le musicien.
À l’époque, sa victoire lui a valu une bourse de quelques milliers de dollars, une montre et un appareil photo… Avec la gagnante du volet interprète, il s’installe à Montréal pour tenter sa chance. Une année de vache maigre, alors qu’ils sont sans ressources.
«Dans mon cas, je pense que je n’étais pas nécessairement prêt», analyse-t-il aujourd’hui. Son attachement pour Granby se transforme ensuite en histoire d’amour alors qu’il revient s’installer dans la région, fonde sa famille et vit de sa passion depuis.
Il a fait la tournée des écoles pour parler du festival, de son métier et de la musique. Il a contribué à de nombreux projets communautaires artistiques. Il s’est même impliqué dans les balbutiements de l’École nationale de la chanson et auprès du festival pour aider au projet Jamais trop tôt.
Depuis quelques années, il possède son propre studio Mikkorason où il travaille à la réalisation d’albums. Vingt ans après avoir gagné Granby, Christian Morisset pourrait enfin publier un premier album à son nom. Il avait fait paraître un EP en 1995, avant de remporter le festival. La suite se fait toujours attendre.
«Je n’ai pas arrêté de faire de la chanson… je ne suis juste pas devenu une star.»
Alexandre Désilets: 2006
Déjà 10 ans depuis qu’il a fait frissonner le Palace avec son interprétation magistrale de la pièce J’échoue. «C’est vrai que ça passe vite. Comme disait Dédé: La vie c’est court, mais c’est long des petits bouttes…»
Deux ans après son sacre, il lance le magnifique album Escalader l’ivresse (2008). Suivront La Garde (2010), Fancy Ghetto (2014) et le tout récent Windigo (2016). Chaque fois, il étonne par sa capacité à se réinventer et à explorer.
«J’ai toujours fait les choses dans le but de bien les faire. Je n’ai jamais fait les choses pour plaire. Le but est de bien m’entourer et d’apprendre de mes collaborateurs», explique celui qui a remporté Granby à 31 ans.
Tout de suite après le festival, il se retrouve avec le réalisateur Jean Massicotte. «Il m’a repêché et il m’a pris sous son aile. Il m’a appris dès le début à bien faire les choses», raconte Alexandre Désilets.
Pourtant, on a bien failli ne jamais le voir à Granby. Encouragé par un ami à écrire en français (il écrivait au départ en anglais) et à tenter sa chance dans les concours, Désilets a fait la tournée en commençant par Ma Première Place des arts, puis Petite-Vallée.
«Les deux fois, j’avais fait la finale et j’en avais ras le bol des concours. Y a bien du monde qui rentre dans ta bulle et j’étais tanné de me faire rentrer dedans, confie-t-il 10 ans plus tard. Quelques semaines avant le festival, je ne voulais pas aller à Granby.»
Il s’est laissé convaincre par l’occasion d’apprendre son métier. «Je me suis dit, pourquoi je ne me servirais pas de Granby pour monter mon show?», se rappelle le musicien qui s’est nourri de l’expertise des techniciens d’éclairage, de son et du directeur artistique… Luc De Larochellière!
Il se souvient de ses performances comme de moments marquants. «Je faisais tout jusqu’au bout. Je savais que je déplaçais de l’air, mais j’y allais comme si je préparais mon spectacle devant 1 000 personnes. C’était mon éclairage, mon house band. Si tu ne prends pas ton pied et que tu ne penses qu’au concours, c’est un gros bad trip. L’enjeu est trop gros.»