Grande soirée de théâtre à l’école des Saints-Anges

CRITIQUE. Ce matin en sirotant mon café, je repense à ma soirée de jeudi avec enthousiasme. En arrivant au Palace pour la pièce Thérèse et Pierrette à l’école des Saints-Anges, quelle surprise de constater que je dois tourner en rond pour trouver une place de stationnement! La salle est comble, il ne reste que quelques places dans les dernières rangées. Que de bonheur!

C’est certain qu’avec du Michel Tremblay, comment ne pas charmer son public! L’adaptation du roman, par Serge Denoncourt, est tout ce qu’il y a de plus réussi. Un roman contient beaucoup d’information difficile à transposer en dialogue. Denoncourt s’est donc servi de diverses techniques pour nous expliquer le fil de l’histoire.

D’abord, il utilise l’aparté pour présenter ses personnages. Les comédiennes nous racontent qui elles sont ce qui aide grandement à faire avancer le texte. Durant les dialogues, l’écran devient un décor de bureau, de classe ou de maison, mais il sert aussi de support visuel. Denoncourt y insert des extraits de texte cités par les actrices, ce qui renforce l’idée du roman avant la pièce.

On nous donne aussi des explications pertinentes sur ce qu’est la Fête Dieu ou un reposoir… Car si la moyenne d’âge dans la salle nous a donné droit à des spectateurs qui fredonnent les chants d’église, il est clair qu’un auditoire plus jeune n’aurait aucune idée de ce qu’est un reposoir!

C’est d’ailleurs ce qui fait la beauté de cette pièce, elle s’adresse aux 7 à 77 ans. L’histoire, bien qu’elle se déroule dans une école catholique aux heures de la Grande Noirceur, tourne surtout autour du trio d’amies "Thérèse pis Pierrette".

Des thèmes tels que l’exclusion, le rejet, la sexualité, la pauvreté et la condition féminine en font une œuvre intemporelle. Le tout soutenu par une mise en scène audacieuse et un décor minimaliste et versatile qui ajoute une touche plus contemporaine.

Et que dire du jeu des comédiennes! Isabelle Drainville qui éclate de colère devant la mère Benoite des Anges qui veut son "deux piasses pour l’estudiante" est définitivement la scène dont tout le monde va se rappeler. La foule applaudit… deux fois!

Muriel Dutil, avec son ton sec, joue si naturellement les personnages en colère, c’est remarquable. On admire l’actrice d’expérience. 

Marianne Dansereau, en Thérèse, me rappelle la jeune Denise Filliatrault par son attitude, son ton, son hystérie. Car le personnage de Thérèse est survolté.

Marie-Ève Milot qui incarne Pierrette sert Thérèse, exactement comme on s’y attend. On constate l’aisance entre les quatre filles sur scène (avec Lucienne et Simone) et surtout on y croit. Bien que le trio soit profondément méchant avec Lucienne, elles sont chacune à leur manière attachante. 

Josée Beaulieu qui incarne sœur Pied-Botte… Wow! Je me croyais, là, dans cet univers de Tremblay où l’on plonge lorsqu’on lit ses romans. Son parler, sa gestuelle et ses mimiques, tout était comme dans ma tête.

Lynda Johnson et Manon Lussier, par leur douceur, viennent nuancer ou apaiser les tensions qui entourent les préparations de la Fête Dieu.

Seule légère déception de cette soirée, Albertine. C’est un personnage extrêmement difficile à jouer. Ça fait longtemps, qu’elle rumine sa déception de ses enfants, de sa vie. Elle est aigrie, sombre et surtout méchante. Elle n’était pas assez remplie de cette colère. On aurait voulu des dents serrées, de la hargne, une profonde mélancolie. Son personnage semblait une faible image de la vraie Albertine. 

Somme toute, ce fut une soirée de GRAND théâtre, où le public captivé a ri, écouté et surtout où il était présent au rendez-vous!

Je vous invite donc fortement  à  voir Le Tartuffe, le 6 décembre. Une mise en scène avant-gardiste, où le texte de Molière a été transposé dans un contexte du Québec de la Grande Noirceur. Un autre grand moment à ne pas manquer.

Éli-Ève