L’histoire de Granby comme inspiration pour un projet d’art

ARTS. Le 3e Imperial invite la population à venir assister à l’étape finale du projet Baratter les sols pierreux de l’artiste prolifique Anouk Verviers, au jardin collectif de la Ferme Héritage Miner, ce samedi 20 août à 14 h. L’artiste procèdera à la mise en feu d’un four en argile et présentera une performance unique pour clore ce projet à saveur locale qui s’est étalé sur deux ans. 

Lorsqu’elle est arrivée à Granby avec un pot de fèves légué par sa grand-mère, Anouk Verviers s’est tout de suite intéressée à l’histoire locale et aux anciennes pratiques collectives régionales. Des rencontres et des échanges lui ont permis de tisser des liens avec des gens de différents milieux pour échanger sur des expériences qui relèvent de la mise en commun de ressources et sur la notion de collectif. « Ma grand-mère m’a raconté qu’à l’époque, elle amenait ce pot à la boulangerie et c’est le boulanger qui faisait cuire les fèves de tout le village. Quand j’en ai discuté avec les gens de la région et que j’ai fait des recherches, j’ai découvert qu’une pratique similaire se faisait à Granby : la fabrique du beurre artisanal », a expliqué la jeune artiste qui complète actuellement une maitrise en Arts à Londres.

Au 20e siècle, les femmes québécoises avaient le monopole du beurre. Elles le fabriquaient et en faisaient le commerce, ce qui leur conférait une certaine autonomie financière. Mais l’industrialisation et la mécanisation du secteur ont achevé de faire perdre ce savoir-faire. « Les femmes ont perdu le contrôle du beurre, comme on a perdu les pots à bean, ces deux symboles m’intéressaient beaucoup une fois mis en relation », a confié l’artiste multidisciplinaire. « Ce projet m’a permis de réfléchir sur la façon dont on organise les choses en collectivité et comment on peut être dépossédé par un système qu’on ne contrôle pas. »

La jeune femme est arrivée à Granby à la suite de l’invitation du 3e Imperial, un centre d’artiste bien connu dans la région. « J’ai accès au réseau artistique à Londres et en Europe aussi, mais à chaque fois je constate à quel point on est chanceux d’avoir des centres d’artistes au Québec. C’est précieux parce que ce sont des espaces où on peut expérimenter et créer des œuvres de tout genre (…). C’est un soutien précieux qui me pousse à continuer dans cette voie. »

« Pour moi Granby est une ville exceptionnelle, parce qu’elle a un environnement urbain, mais qui possède une histoire industrielle et rurale. C’est particulièrement intéressant pour réfléchir sur les effets du système économique sur la vie des gens. Il y a eu un grand contraste ou il y’avait beaucoup d’activités industrielles, mais il subsistait en même temps des pratiques rurales en matière de sécurité alimentaire. C’était donc très riche de ce point de vue. »

Une artiste à la rencontre la communauté

 « Susciter les conversations », tel est le mantra de la jeune artiste. Les témoignages qu’elle a recueillis pendant son séjour avec le 3e Imperial proviennent d’individus actifs dans plusieurs milieux différents comme les manifestations et le militantisme politique, les cuisines collectives, les jardins communautaires et la vie en commune. « C’était important d’avoir un espace pour parler des difficultés entourant cette notion de collectivité, des projets du genre non aboutis, etc. Le collectif est toujours dépeint comme quelque chose de beau et de facile, parce que ça engendre de l’espoir. C’était donc une manière de rassembler des gens pour en parler, s’entraider et réfléchir de façon différente. »

C’est ce samedi 20 août que le projet de la jeune femme s’achèvera. Pour l’occasion, l’artiste invite les citoyennes et les citoyens de la région à la rejoindre au jardin collectif de la Ferme Héritage Miner à Granby pour allumer le four et assister à une cuisson collective symbolique. En plus de se partager les fèves au lard, les participants auront l’occasion d’assister à une performance artistique unique de l’artiste. « C’est une façon pour moi de synthétiser l’expérience, et c’est quelque chose que je veux offrir aux gens qui ont participé au projet. Au-delà de ça, c’est juste le fun d’être ensemble dans ce magnifique jardin », a déclaré Anouk Verviers.

Pour l’artiste en arts visuels, l’art actuel doit réfléchir sur son rapport à la population en général. « Ça m’intéresse beaucoup, parce que j’ai grandi dans un milieu où il n’avait pas d’art. On parle beaucoup de médiation artistique au Québec, dans le sens d’aller vers les gens et leur expliquer. Moi je suis moins dans une logique d’explication. Nous n’avons pas besoin de tenir la main aux gens pour leur expliquer l’art, si on fait quelque chose qui est ancré dans la communauté, alors pour eux ça aura nécessairement de la valeur. »