Tout est dans le titre

À l’école, on nous apprend l’importance d’un bon titre. Il est fascinant, parfois, de voir l’originalité de certains. Pour la plupart, le simple contact de nos yeux sur un titre accrocheur suffit à nous pousser à ouvrir le livre. C’est ce qui m’a incité à tourner les pages de cet ouvrage: Le léopard ne se déplace pas sans ses tâches, de Bianca Joubert.

Plus près de la prose que du roman, ce texte éclaté nous interpelle surtout à travers ses réflexions, son point le plus fort.

«Mon bonheur était simple, mais dans le bonheur se creuse toujours un coin de pénombre. C’est la loi du clair-obscur.»

On passe d’un tableau à un autre, d’un train à un métro, à un immeuble, car la misère humaine est partout.

L’auteur se fait la voix de l’indifférence, des fantômes qui existent à côté de nous, mais qu’on préfère ignorer.

Cette trame se joue aussi sur un fond de crise identitaire. Où est ma place? Est-elle partout et nulle part à la fois?

D’ailleurs, pour ceux qui ont lu L’énigme du retour de Dany Laferrière, elle a choisi un extrait de ce bouleversant texte pour sa dédicace. Elle n’aurait pas pu mieux choisir!

Le prologue tout aussi provocant que son titre, nous donne rapidement envie de plonger dans ses réflexions pour s’y reconnaître d’une certaine manière.

«Chaque fois qu’une lumière s’allume à la fenêtre d’un immeuble, c’est une vie qui interfère avec la mienne. Qui est-ce? Je ne manque jamais de me le demander… Pour m’empêcher de disparaître, j’ai passé un fil blanc dans le chas d’une aiguille, et j’ai commencé à coudre ma vie à celle des autres, tranquillement.»

À travers ce récit en chassé-croisé, elle se fait porteuse des voix qui l’habitent, des personnages qui ont une histoire à raconter. Car on a tous une histoire à raconter.

Ce qui sort immanquablement à la lecture, c’est la proximité du texte de cette auteure avec son travail de photographe.

On a l’impression de regarder la photographie d’un humain devant une misère évidente. Qui est-il? Quelle est son histoire?

On veut savoir. Soit par empathie, soit par culpabilité ou par mépris du monde dans lequel nous vivons, mais le besoin d’en être témoin transcende tout.

Peu importe ce qui nous pousse à regarder, lire ou écouter ces voix, cela prouve que l’indifférence n’a pas encore tout englouti. Un livre à prendre avec un grain de poésie.

Éli-Ève