«À votre gang, vous pouvez changer le Québec»_le maire Bruno Marchand

SOCIÉTÉ. Le danger de ces rencontres au sommet et de ces tables de concertations est de voir les plans d’action issus de ces réflexions se retrouver sur les tablettes. Or, vendredi dernier, la centaine de participants au premier Forum sur l’itinérance présenté par la Ville de Granby sont sortis galvanisés à l’idée de contribuer à la mise en place de solutions pour mieux soutenir les personnes en situation de vulnérabilité qui dorment à la belle étoile bien malgré eux. Un premier geste significatif qui doit mener à l’élaboration d’une stratégie d’intervention et d’un plan d’action dans les prochains mois, a confirmé la mairesse Julie Bourdon au terme de la journée d’échanges.

L’itinérance n’est pas une banalité à Granby comme l’ont démontré des intervenants du milieu venus présenter le portrait du phénomène qui touche la communauté de 70 000 résidents. Selon le plus récent dénombrement des sans-abri réalisé à l’échelle de la province, l’itinérance visible a grimpé de 51 % en Estrie (Sherbrooke, Granby, Cowansville) entre 2018 et 2022. Sur le territoire de Granby, environ une soixantaine d’individus vivraient dans la rue en permanence. Concernant l’itinérance invisible (ou cachée), elle serait de deux à trois fois plus importante par rapport à l’itinérance visible, a laissé entendre la conseillère au développement social à la Ville de Granby, Marie-Ève Théberge.

Des données suffisamment préoccupantes pour la mairesse Julie Bourdon qui a invité les participants au forum à mettre l’épaule à la roue afin de lutter collectivement contre l’itinérance. «Il est temps qu’on en parle de façon constructive (…). Ce qu’on veut, c’est de trouver des solutions innovantes localement. Est-ce acceptable que des gens dorment dehors», a exprimé la première magistrate.

Venu expressément à Granby pour prêter une oreille attentive aux enjeux de l’itinérance vus par les gens du milieu, le PDG du CIUSSS de l’Estrie-CHUS, le Dr Stéphane Tremblay, a soutenu vouloir voir son organisation s’investir davantage dans ce dossier. «On est conscient qu’on a des pas à faire. Le travail avec les partenaires de la Ville de Granby ne fait que commencer.»

L’itinérance vue par Bruno Marchand

La lutte à l’itinérance passe par l’union des forces d’une communauté. C’est le message qu’a exposé le maire de Québec, Bruno Marchand, de passage à Granby pour présenter et partager sa vision sur les moyens à prendre pour aider les sans-abri collectivement.

«Derrière chaque feu, il y a un homme, une femme qui met un pied à terre (…). Il est peut-être temps qu’on arrête de chercher des solutions seules», a mentionné l’élu.

En mars dernier, le maire de Québec a fait le voyage vers la Finlande pour s’inspirer de ce pays scandinave qui s’active pour trouver à toit à sa population itinérante. Une stratégie qui porte ses fruits puisque les Finlandais voient le nombre d’itinérants passer de 18 000 en 1987 à 4000 en 2021, a-t-il raconté en rappelant que leur objectif est d’atteindre le zéro itinérant en 2027. Selon Bruno Marchand, ce modèle social d’intervention peut prendre forme à Granby avec la mobilisation de l’ensemble des acteurs.

«À votre gang, vous pouvez changer le Québec (…). Vous avez les ingrédients pour faire école au Québec», a énoncé le maire Marchand.

Pour y arriver, la communauté granbyenne devra se mettre en mouvement et accepter de se tromper, a-t-il confié à l’auditoire. 

Du côté de Québec, huit organismes se sont notamment unis pour lancer le projet Porte-clés qui propose un logement aux individus sans domicile fixe. Après quatre ans, 87 % des personnes soutenues par l’initiative ont réussi à garder leur logement.

Un exercice plus que satisfaisant

Rencontrée à sa sortie du forum, la mairesse Julie Bourdon s’est dite enchantée par les échanges et les discussions tenues tout au cours de la journée de vendredi dernier.

«J’avais des attentes et elles ont été répondues. L’objectif, c’était qu’on arrive avec un discours commun et qu’on ait une volonté à travailler tous ensemble (…)», a indiqué la mairesse.

Présente au forum, la directrice du Groupe actions solutions pauvreté (GASP), Karine Lussier, estime que l’événement organisé par la Ville marque une avancée significative dans la lutte contre l’itinérance à Granby. « Je suis ravie et agréablement surprise par la diversité des participants présents. La présence de plusieurs représentants de différentes directions du CIUSSS, que l’on ne rencontre pas fréquemment, rend les échanges d’autant plus intéressants. La participation active des commerçants est également un grand avantage pour nous. Ils étaient vraiment à l’écoute », a mentionné Mme Lussier.

« En tant que GASP, notre souhait est que les participants au forum prennent des engagements concrets. Nous encourageons chacun à s’engager dans la mise en œuvre d’actions spécifiques au cours de l’année. Participer à un forum est une étape, mais la véritable valeur réside dans l’engagement envers des actions tangibles », a conclu l’intervenante. 

Les premiers jalons du plan d’action en itinérance à Granby devraient être posés dans les prochains mois avec la participation de divers partenaires du milieu. Le tout sera présenté à l’été 2024.

Itinérance: quelques pistes de solutions proposées

→­La mise sur pied d’une ressource d’hébergement de 50 lits à bas seuil ouvert à l’année ;

→L’implantation d’un centre de désintoxication local ;

→L’arrimage des services d’aide ;

→Ateliers de sensibilisation sur l’itinérance dans les milieux scolaires ;

→L’optimisation des communications entre les organismes communautaires ;

→­La création de logements inclusifs et supervisés.