Edem Amegbo, pionnier de l’agriculture africaine dans la région
AGRICULTURE. L’histoire d’Edem Amegbo, entrepreneur agricole au Québec, est celle d’une passion inattendue née dans les champs de son enfance au Togo et qui s’est épanouie dans les vastes terres de la région. Aujourd’hui, à la tête d’Au Jardin d’Edem, il ne se contente pas de cultiver des légumes, mais s’attache à introduire une gamme de produits agricoles africains au cœur du Québec, enrichissant ainsi le patrimoine agricole local d’une diversité végétale peu commune.
Arrivé au Canada en 2002 à l’âge de 20 ans pour des études en électronique industrielle, ce Québécois d’adoption, installé à Granby, a finalement succombé à l’appel de la terre, le reconduisant vers les joies simples, mais profondes du jardinage, héritées de son père. En 2015, après plusieurs années à cultiver son jardin personnel et à travailler sur une ferme locale, Edem Amegbo a fondé Au Jardin d’Edem, sa propre ferme maraîchère à East Farnham.
Ce qui a commencé comme un modeste jardin de légumes traditionnels a rapidement évolué vers une spécialisation unique au Québec: la culture de légumes africains. «Je me suis lancé dans l’aventure à cause de mon amour pour la nature, les légumes et pour participer à nourrir ma communauté. Avec le temps, j’ai vu des compatriotes africains qui ont commencé à venir me voir et me demander pourquoi je ne faisais pas pousser des légumes de chez nous », raconte M. Amegbo.
Face à une demande croissante de la part de ses compatriotes et d’autres clients curieux, Edem a commencé à intégrer des légumes africains tels que le gombo (okra), la corète potagère, l’épinard africain, et l’oseille verte. «Au début, nous faisions des tests, surtout pour moi-même et quelques amis, mais cela a attiré d’autres clients et le plan d’affaires a rapidement évolué », explique l’agriculteur de 40 ans.
Au fil des ans, le Togolais a dû adapter ses méthodes de culture aux défis climatiques du -Québec. L’introduction de serres a permis une saison de croissance prolongée, essentielle pour les légumes africains plus sensibles au froid. «Ce qui arrivait, c’est que souvent on commençait la saison trop tôt, et les légumes africains sont un peu plus frileux que ceux d’ici. Maintenant, on est plus patient et les plante seulement fin mai début juin, où il y a moins de gel».
«Les légumes-fruits comme le gombo ou l’aubergine sont un peu plus compliqués à produire, vu que cela prend du temps pour arriver au fruit. On le fait quand même, parce que la demande est là, mais on ne peut pas assurer une très grosse production parce que cela prend trop de place et on n’est jamais sûr d’avoir une bonne récolte», ajoute le producteur maraicher.
Au-delà de la ferme
Edem Amegbo ne s’arrête pas à la culture des légumes. Il a également exploré la transformation des produits africains pour mieux les faire connaître au grand public québécois. Les maraichers d’Au Jardin d’Edem produisent désormais des sauces, des jus, et d’autres produits dérivés qui sont devenus populaires lors de marchés locaux et d’événements culturels.
L’un de ces événements, le festival OSEZAFRIK, a gagné en popularité et attire chaque année une foule désireuse de découvrir les saveurs et la culture africaine sur le sol de la ferme. Le prochain festival aura lieu l’automne prochain.
Finalement, Edem Amegbo voit son travail comme un pont entre les cultures et une opportunité de valoriser ses racines tout en contribuant à la société québécoise. Finaliste au gala de reconnaissance des entrepreneurs noirs 2024, il souligne l’importance de cette plateforme pour évaluer son impact et encourager d’autres entrepreneurs issus de la diversité. «J’ai l’impression que les vannes sont ouvertes, c’est à nous de prendre la place. On a souvent l’impression que c’est compliqué parce qu’on vient d’ailleurs, mais c’est juste qu’on ne connaît pas les rouages du système».
«Une fois qu’on s’informe auprès des bonnes personnes, ce sont les mêmes procédures que pour tout le monde. Faut prendre sa place et y aller», conclut Edem Amegbo.