Itinérance: plus la crise perdure, plus il y a d’intolérance selon le milieu communautaire

ITINÉRANCE. À l’approche du Forum sur l’itinérance organisé par la Ville de Granby, le Groupe actions solutions pauvreté (GASP) et la Corporation de développement communautaire (CDC) de la Haute-Yamaska ont conjugué leurs efforts pour soumettre un document réflexif, mettant en lumière certains aspects moins abordés dans le débat collectif, notamment dans le contexte de la croissance de l’itinérance et des réactions sociales qui y sont associées.

Au cours des derniers mois et années, l’itinérance s’est intensifiée au Québec, entre autres, dans les municipalités rurales. Ce constat, partagé par divers organismes communautaires, souligne que plus la crise perdure, plus la montée de l’intolérance envers les personnes itinérantes s’accentue, suscitant des inquiétudes parmi les intervenants.  » L’itinérance n’est pas un choix, c’est une série d’évènements ou de malchances qui arrivent et qui fait qu’on se rend là. Sinon, à la limite on peut dire que c’est un choix parmi le peu d’options disponibles « , a rappelé Karine Lussier, directrice du GASP.

Parmi les points abordés, l’intervenante et directrice du GASP a aussi mis l’emphase sur la stigmatisation. Les personnes dans l’espace public pourraient ne pas être itinérantes, mais plutôt marginalisées, confrontées à des problèmes de santé, de dépendance, etc., a-t-elle fait savoir. Certains comportements mal perçus pourraient être injustement attribués aux personnes itinérantes, générant une stigmatisation injuste.  » Il ne faut pas mettre tout le monde dans le même bateau, parce que ce ne sont pas les mêmes réalités. Et la manière dont on va traiter ces dynamiques-là va être également différente « , a mentionné Mme Lussier.

Pas dans ma cour

Les deux intervenants questionnent également les réactions sociales face au phénomène de l’itinérance. Alors que la proximité avec les personnes itinérantes peut susciter des peurs et rendre la cohabitation difficile, incitant municipalités, citoyens et entrepreneurs à chercher des moyens d’atténuer les irritants, la montée de l’intolérance entrave, quant à elle, la mise en place de solutions à la crise. L’un des exemples mentionnés par M. Luppens concernait par ailleurs l’évènement de la Nuit des sans-abris, forcé cette année de quitter le centre-ville.  » C’est normal d’avoir une certaine méfiance quand on assiste à un phénomène qu’on ne connaît pas ou à une certaine réalité (…). Mais contrairement à la croyance populaire, il est plus fréquent pour une personne en situation d’itinérance d’être agressée que d’agresser une autre personne « , a mentionné Nicolas Luppens, en se référant à une étude du CREMIS (Le Centre de recherche de Montréal sur les inégalités sociales, les discriminations et les pratiques alternatives de citoyenneté).

Par ailleurs, pour Nicolas Luppens, la méconnaissance de l’itinérance génère des préjugés, conduisant à des réactions négatives et à l’exclusion sociale. Pour illustrer tout ça, le DG de la CDC a notamment fait référence à l’expression « Pas dans ma cour « , qui renvoie aux comportements et aux gestes visant à décourager ou interdire l’accès à un espace ou un secteur donné que ce soit à une personne ou à une forme d’intervention.  » Le syndrome du Pas dans ma cour véhicule un message qui renforce une perception ou des préjugés sur le fait d’avoir peur des personnes itinérantes, ça renforce aussi l’intolérance « , a indiqué le directeur de la CDC.

Parmi les recommandations émises par les deux regroupements, Nicolas Luppens et Karine Lussier ont particulièrement souligné l’importance d’éviter l’utilisation d’un discours empreint de méfiance envers les personnes en situation d’itinérance. Ils ont encouragé à maintenir une attitude empathique envers ceux qui se trouvent dans cette situation difficile. De plus, ils ont parlé de la nécessité d’intensifier les initiatives de sensibilisation à la problématique de l’itinérance, de renforcer le déploiement d’interventions ciblées ou de proximité, et d’avoir un soutien accru aux organismes communautaires.

Forum de l’itinérance

Concernant le forum de l’itinérance, qui regroupera des porte-paroles du milieu communautaire, du réseau de la santé et des services sociaux, de la sécurité publique, de l’habitation, des affaires ainsi que des représentants politiques ce vendredi 24 novembre pour aborder le dossier des personnes en situation de vulnérabilité. Nicolas Luppens et Karine Lussier espèrent tout d’abord constater la réalité de chacun.  » Dans tous les cas, pour la CDC, la grande attente est qu’il y ait un cadre au niveau de l’intervention dans l’itinérance. Un cadre qui puisse guider les actions municipales par la suite dans ce dossier et par rapport à d’autres activités, comme la Nuit des sans-abris « , a indiqué M. Luppens.

 » Au niveau du GASP, on veut entendre ce que les gens ont à dire. Parce qu’il va y avoir des commerçants, Granby Tourisme, et même les hautes directions du CIUSSS, c’est donc important de les entendre pour avoir comment travailler ensemble. On sait que ce n’est pas évident pour les commerçants, alors on veut se mettre à leur place pour connaître leur réalité (…). On travaille chacun de notre côté, mais on sait que c’est la force du nombre qui va faire la différence « , a conclu Mme Lussier.