Levée de boucliers contre un transfert d’élèves

ÉDUCATION. Bien établis dans leur milieu, des enfants aux besoins particuliers de l’École Saint-Jean, de Granby, pourraient être appelés à fréquenter l’école de L’Étincelle pour la rentrée 2024 à la demande du Centre de services scolaire du Val-des-Cerfs (CSSVDC).  Une réorganisation scolaire qui ne fait aucun sens, estiment des parents concernés par cet éventuel transfert.

« Si vous recevez cette lettre, c’est que votre enfant vivra un changement d’école l’an prochain en lien avec une réorganisation des services éducatifs HDAA (handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage). (…) Dans le but de bien répondre aux besoins des élèves dans chacun des regroupements des classes spécialisées, nous devons procéder à certains changements. Soyez assurés ques nous misons sur la meilleure transition possible », peut-on lire dans la communication transmise aux parents d’une quinzaine d’élèves visés par cette relocalisation, dont le GranbyExpress a obtenu copie.

Pour Carolanne Gaudreau, la lecture de cet écrit reçu à la fin du mois de mars a eu l’effet d’une bombe pour elle et les autres membres de sa famille. De voir son fils, Noah, atteint de trisomie 21, plier bagage encore une fois vers une autre école n’a pas sa raison d’être. Pour le garçon de 7 ans, il s’agirait d’une troisième école en trois ans.

« Je vais aller à la guerre », raconte la mère déterminée à tout faire pour le bien-être de son fils. « Pour nous, un changement d’école, c’est immense. La routine pour Noah, c’est important. Il a besoin de repères », confie la maman.

Pour la résidente de Bromont, un possible transfert viendrait complètement chambarder le train-train quotidien du garçon qui quitte la maison tous les matins vers 7h05. Augmentation du stress et de l’anxiété, difficulté de sommeil, rongeage d’ongles. Un dur passage qu’elle et son conjoint ont vécu durant trois mois lors de la mutation de leur fils de l’École de la Chantignole vers l’École Saint-Jean.

« Je veux aller jusqu’au bout de cette affaire. Ce n’est pas ce que je veux pour mon fils. Pourquoi ne pas leur faire une belle classe », se questionne la mère.

Pour d’autres parents, le mouvement d’élèves proposé par CSSVDC a aussi eu l’effet d’une douche d’eau froide. C’est le cas d’Isabelle Leclair, dont l’enfant de 9 ans a une déficience intellectuelle moyenne (DIM).

« Quand j’ai lu le courriel vide d’indications concernant le changement d’école, j’ai tout de suite écrit à l’enseignante de mon fils pour savoir ce que je pouvais faire pour contester cette décision. C’est à ce moment que tout a déboulé. Nous avons su où s’en iraient les classes. Nous n’avons jamais été consultés pour un tel chamboulement dans la vie de nos enfants et ce qui me met hors de moi, c’est qu’ils (CSSVDC) osent dire qu’ils vont minimiser les impacts », mentionne Mme Leclair. Selon cette dernière, son garçon progresse depuis son arrivée à l’École Saint-Jean. « À son arrivée à l’École Saint-Jean, Danick ne parlait pas. Maintenant, il arrive à faire quelques phrases grâce à la confiance et à la stabilité ainsi qu’avec l’aide de celles qu’il l’aide au quotidien. » 

Une décision administrative insensée

Également mère d’un enfant trisomique et conseillère à l’inclusion scolaire et sociale à la Société québécoise de la déficience intellectuelle et pour le Regroupement Trisomie 21, Lorraine Doucet juge que l’avenue prisée par le CSSVDC dans ce dossier ne tient pas la route en 2024. 

« Les centres de services scolaire eux pensent avoir le coeur à la bonne place. Toutefois lorsqu’on subit leurs bonnes intentions, c’est là que l’on considère que l’enfer est pavé de bonnes intentions. Eux répondent à leurs besoins administratifs. C’est-à-dire de regrouper des classes d’élèves, ça va être plus facile pour tout le monde. Ce sont des élèves avec une déficience intellectuelle, on les met ensemble. Sauf qu’ils vont carrément à l’encontre de la Charte des droits et libertés. Tu ne peux pas déplacer des élèves sous le principe qu’ils ont le même diagnostic, le même handicap », soutient Mme Doucet. 

Par ailleurs, l’enracinement des élèves DIM dans un nouveau milieu scolaire peut s’échelonner sur quelques années, avance la conseillère en inclusion scolaire et sociale qui n’a pas de félicitations à faire aux instances de Val-des-Cerfs.

« Pour le petit Noah, trois écoles en trois ans, c’est quoi la réponse aux besoins de cet enfant? J’ai bien hâte d’entendre la réponse du centre de services scolaire (…). Ce que je trouve plate dans ce dossier-là, c’est qu’on envoie une lettre froide aux parents en leur disant que leur enfant s’en va ailleurs. Pas de rencontre avec la direction d’école, pas d’explications. On passe par la lettre froide pour faire sauter toute la confiance envers le centre de services scolaire et après on leur dit qu’on peut dialoguer. »

Une rencontre entre les parents et la direction du CSSVDC doit avoir lieu en début de semaine. « Nous allons rencontrer les parents et les équipes dans le courant de la semaine (lundi 15 avril). Dans le but de laisser libre cours à ces échanges, nous attendrons de rencontrer la communauté avant d’aller plus loin sur le sujet », indique Audrey Leboeuf, coordonnatrice intérimaire aux communications au CSSVDC.