S’alimenter autrement
AGRICULTURE. Dans un monde où la conscientisation environnementale et le désir de consommer de manière plus responsable sont en pleine expansion, les jardins collectifs émergent comme des oasis de durabilité et de communauté au milieu des villes bétonnées. Parmi ces initiatives, le jardin de la Ferme Héritage Miner (FHM), ou encore celui de Donna Kane, se distinguent par leur impact, chacun à leur échelle.
Au cœur de cette tendance, le jardin collectif à la FHM se démarque notamment par sa philosophie d’entraide et de partage. Contrairement aux jardins communautaires, où chaque jardinier est responsable de sa parcelle individuelle, ici, les récoltes sont partagées entre tous les participants du groupe.
Depuis son inauguration, ce jardin est de plus en plus populaire au sein de la communauté. «On a un bon noyau de jardiniers bénévoles qui reviennent chaque année, mais on essaie d’avoir une mixité avec de nouveaux jardiniers. On vise à avoir un éventail de jardiniers de tout âge, que ce soient des familles ou des personnes retraitées», a mentionné Valérie Brodeur, directrice générale de Vie culturelle et communautaire de Granby, organisme mandaté pour s’occuper de ce jardin.
Avec une quarantaine de bénévoles dévoués, le jardin collectif de la Ferme Héritage Miner produit une abondance de légumes, des courges aux gousses d’ail, qui sont ensuite partagées équitablement parmi les participants. Pour beaucoup, la motivation va bien au-delà des récoltes; c’est l’aspect communautaire, social et éducatif qui attire et fidélise les jardiniers année après année. «C’est sûr qu’il y a les récoltes, ce qu’on garde et qu’on mange. Mais il y a également tout l’aspect de la vie communautaire. Pour eux, ils sont dans un groupe où ils se retrouvent, et il y a beaucoup de partages qui se font», a affirmé Mme Brodeur.
«Il y a aussi tout le volet de l’apprentissage. Certains participent à nos jardins durant une année ou deux pour s’outiller et partent ensuite avec leur propre potager», a-t-elle relevé.
Au-delà de la terre, un retour aux sources
Donna Kane, résidente de Granby et nouvellement retraitée du domaine de la santé, fait partie de ces personnes qui se sont outillées au jardin collectif de la Ferme Héritage Miner. Elle met désormais à profit ses connaissances et sa terre, située sur la rue Saint-Jude Nord, à une dizaine de personnes pour créer un espace de partage et d’apprentissage au sein de sa communauté.
Chez -Donna, jardiner devient une expérience guérissante et rassembleuse. Elle privilégie l’enseignement et la connexion avec la nature, adoptant une approche biodynamique basée sur le cycle lunaire. Cette année, elle a même aménagé un coin spécialement dédié aux enfants, favorisant ainsi la transmission intergénérationnelle des savoirs.
«C’est une suggestion d’une des jardinières, et j’ai beaucoup aimé. L’objectif est la transmission de savoir entre l’adulte et l’enfant, c’est vraiment un coin d’apprentissage. C’est important pour moi qu’il y ait cet espace de transmission de savoir, il y a beaucoup d’enfants qui ne savent pas d’où vient leur nourriture», a-t-elle fait savoir.
Pour les jardiniers de Donna, ces jardins représentent bien plus que des espaces de culture. Ils sont des sanctuaires où l’on renoue avec ses racines et où l’on se reconnecte avec la terre. Pour certains, comme le souligne Donna, cela représente un retour aux sources, une façon de se rappeler d’où vient leur nourriture et de perpétuer les traditions familiales.
«Un de mes jardiniers demeure au -centre-ville de -Granby, et pour lui, venir ici c’est comme un retour aux sources. C’est un sanctuaire pour lui, parce qu’il a été élevé à la campagne et il voulait retrouver cet espace. Il y a une autre personne que lorsqu’elle vient ici, c’est une façon pour elle de se reconnecter à ses racines, parce que toutes les femmes de sa famille étaient de grandes jardinières », a indiqué la jardinière.
Et les paniers bio ?
Alors que les jardins collectifs fleurissent, une autre alternative alimentaire, soit les paniers de légumes bio, ou encore l’Agriculture soutenue par la communauté (ASC), semble connaître des temps un peu plus difficiles, avec un taux d’abonnement qui va à la baisse chez plusieurs producteurs.
Dans le domaine de l’agriculture soutenue par la communauté (paniers de légumes), Valérie Houde, de la ferme La Canopée à Sainte-Cécile-de-Milton, apporte une touche d’innovation, en offrant une plus grande flexibilité aux clients dans le choix de leurs produits. «Les gens s’abonnent pour un certain montant qui couvre 22 semaines de livraisons. Et ensuite, durant la saison, les clients ont la possibilité de choisir eux-mêmes les produits qu’ils trouvent dans leur panier», a expliqué la copropriétaire de la Ferme la Canopée.
Pour Valérie, cette approche vise à éviter le gaspillage alimentaire tout en permettant aux clients de découvrir de nouveaux produits selon leurs préférences. «Nous avons constaté qu’il n’y avait pas assez de flexibilité dans les paniers bio traditionnels et on trouve souvent des légumes que les gens ne veulent pas nécessairement cuisiner. Je ne voulais pas forcer les gens à acheter, je veux qu’ils découvrent par eux-mêmes», a confié Mme Houde.
Défaire les préjugés
Bien que l’ASC offre de nombreux avantages, les producteurs comme -Valérie doivent également faire face à certains défis. Malgré l’attrait de la fraîcheur des produits et la diversité offerte, les abonnements de paniers légumes ne connaissent pas toujours une augmentation significative. Des préjugés persistants, tels que la perception de coûts plus élevés ou le manque de choix, peuvent freiner l’adhésion des nouveaux clients.
«Les gens croient que c’est cher. Pourtant, je regarde souvent le prix des épiciers et j’ai des produits qui sont souvent moins chers, voire égaux. »
«Moi, je ne monte pas mes prix dans la saison, ma production est établie d’avance et lorsqu’il y a des surplus, on baisse les prix pour écouler les produits. Les gens ont tendance à penser que c’est plus cher dans les marchés, mais ce n’est pas le cas», a souligné Valerie Houde.
Pourtant, la productrice souligne les nombreux avantages économiques et sociaux de l’ASC. En soutenant les producteurs locaux, les clients contribuent à l’économie locale tout en tissant des liens importants avec leur communauté. De plus, l’achat anticipé de paniers permet aux producteurs de planifier leur saison et d’éviter les contraintes financières liées à l’achat de fournitures agricoles. «C’est de gros montants qu’on dépense, et lorsque les gens nous soutiennent avec les paniers, ça nous permet de ne pas nous retrouver dans la marge de crédit.»
Malgré ces défis, Valérie Houde reste convaincue que l’ASC représente l’avenir de l’agriculture. Avec un soutien gouvernemental adéquat et une sensibilisation accrue du public, cette approche pourrait offrir de nombreux avantages tant pour les producteurs que pour les consommateurs. «Présentement, on n’a pas du tout de soutien de la part du gouvernement, et si les citoyens veulent nous aider, l’ASC c’est le meilleur moyen et le meilleur soutien qu’on peut avoir», a conclu la productrice maraîchère de Sainte-Cécile-de-Milton.