Aucun juré sélectionné après le premier jour du procès historique de Donald Trump

NEW YORK — La première journée du procès historique de Donald Trump s’est terminée lundi après des heures de requêtes préalables et un processus de sélection du jury qui a vu des dizaines de jurés potentiels être écartés, après avoir déclaré qu’ils ne pouvaient pas être justes ou impartiaux. 

Le tribunal a ajourné la séance sans qu’aucun candidat ne soit choisi. Le processus, qui implique la sélection de 12 jurés et six suppléants, reprendra mardi.  

Il s’agit du premier procès criminel d’un ancien commandant en chef américain et du premier des quatre actes d’accusation contre M. Trump à se retrouver devant un tribunal. Il est accusé d’avoir acheté le silence d’une actrice pornographique.

La journée a commencé avec les décisions du juge Juan M. Merchan sur diverses requêtes procédurales préalables au procès, alors que M. Trump était assis penché sur son siège et regardait un moniteur juste en face de lui pendant que les preuves étaient présentées.

Le juge a rejeté une demande de la défense visant à se récuser de l’affaire après que les avocats de M. Trump ont déclaré qu’il y avait un conflit d’intérêts. Il a également statué que les procureurs ne pouvaient pas diffuser devant le jury l’enregistrement de l’émission «Access Hollywood» de 2005 dans lequel M. Trump avait été filmé en train de discuter de ses relations sexuelles avec des femmes sans leur permission. 

Toutefois, les procureurs seront autorisés à interroger les témoins sur l’enregistrement, qui a été rendu public au cours des dernières semaines de la campagne de 2016.

Les procureurs ont également demandé lundi à M. Merchan d’imposer une amende de 3000 $ à M. Trump pour des publications sur les réseaux sociaux qui, selon eux, violaient l’ordonnance du juge lui interdisant d’attaquer des témoins. 

La semaine dernière, il a utilisé sa plateforme Truth Social pour qualifier son ancien avocat Michael Cohen et l’actrice de films pour adultes Stormy Daniels de «deux personnes sordides qui, avec leurs mensonges et leurs fausses déclarations, ont coûté cher à notre pays».

«L’accusé a démontré sa volonté de faire fi de l’ordonnance. Il a attaqué des témoins dans cette affaire», a affirmé Christopher Conroy, l’un des procureurs du procès.

L’un des avocats de M. Trump, Todd Blanche, a soutenu que son client ne faisait que répondre aux déclarations des témoins.

«Ce n’est pas comme si le président Trump s’en prenait à des individus. Il répond aux attaques salaces et véhémentes répétées de ces témoins», a-t-il indiqué. 

M. Merchan n’a pas statué sur la demande immédiatement et a plutôt fixé une audience pour la semaine prochaine.

Il a également rejeté la demande des avocats de M. Trump de suspendre le procès le 25 avril pour permettre à l’ancien président d’assister aux débats de la Cour suprême des États-Unis sur sa demande d’immunité présidentielle dans une autre de ses quatre affaires pénales.

M. Blanche a déclaré que la situation de son client méritait un accommodement. «Il n’est pas très fréquent que quelqu’un fasse l’objet de plusieurs inculpations pénales en même temps.»

M. Merchan a déclaré qu’en tant qu’accusé, M. Trump «doit être ici. Il n’est pas obligé d’être à la Cour suprême».

En réponse, M. Trump a levé les yeux au ciel, froncé les sourcils et s’est levé pour partir, alors que la séance s’ajournait. 

Une sélection difficile 

En après-midi, la sélection du jury s’est amorcée. Les premiers membres éventuels ont été convoqués dans la salle d’audience, où les parties doivent décider qui parmi eux pourrait être choisi pour décider du sort juridique de l’ancien et potentiellement futur président américain.

Un homme a été écarté de manière préventive plutôt que d’être forcé à rater éventuellement le mariage de son enfant en juin, après avoir soulevé la question alors qu’il s’apprêtait à répondre au questionnaire du jury.

«Je pense que nous devrions avoir terminé d’ici là, mais je ne peux pas le promettre, lui a annoncé M. Merchan. Vous seul pouvez décider si vous voulez lancer les dés. Mais si vous êtes avec nous, vous le serez jusqu’à la fin.»

Alors que l’homme réfléchissait au conflit potentiel, M. Merchan lui a proposé de le laisser partir.

Plus de la moitié du premier groupe de jurés potentiels a été excusé après avoir déclaré au juge qu’ils ne pouvaient pas être justes et impartiaux. Au moins neuf autres jurés potentiels ont été écartés après avoir levé la main lorsque le magistrat a demandé lesquels ne pouvaient pas accepter pour une autre raison. Les motifs n’ont pas été divulgués.

Il n’est pas rare que des jurés potentiels souhaitent être excusés pour diverses raisons, notamment parce qu’ils ont de forts sentiments à l’égard de l’accusé.

Pour rendre le procès plus efficace, M. Merchan a déclaré qu’il préférerait renvoyer immédiatement les jurés s’ils indiquaient, dès le début, qu’ils ne pouvaient pas être justes et impartiaux. 

Environ 100 autres jurés potentiels attendaient d’être convoqués dans la salle d’audience lundi après-midi. M. Merchan a spécifié qu’un total d’environ 200 jurés étaient présents au palais de justice pour une éventuelle sélection.

Avec la notoriété de M. Trump, le processus de sélection du jury est déjà une tâche presque herculéenne, mais cela risque d’être particulièrement difficile dans la situation actuelle, avec l’élection présidentielle et le lieu du procès, à New York, où M. Trump a grandi et a été catapulté au statut de célébrité avant de remporter la Maison-Blanche.

M. Merchan a écrit que la clé est «de savoir si le candidat juré peut nous assurer qu’il mettra de côté tout sentiment ou préjugé personnel et rendra une décision fondée sur la preuve et la loi».

Quel que soit le résultat, M. Trump est déterminé à tirer profit de la procédure, en présentant son affaire et ses actes d’accusation comme une vaste «militarisation des forces de l’ordre» par les procureurs et les responsables démocrates. Il maintient qu’ils orchestrent de fausses accusations dans l’espoir d’entraver sa candidature à la prochaine élection présidentielle.

Des décennies de poursuites et de procédures juridiques

Il a fustigé les juges et les procureurs pendant des années, une série d’attaques qui s’est poursuivie jusqu’au moment où il est entré au tribunal lundi, lorsqu’il a déclaré : «Il s’agit d’une persécution politique. C’est une persécution comme il n’en a jamais eu jamais auparavant».

M. Trump a plaidé non coupable à 34 chefs d’accusation pour falsification de dossiers commerciaux.

Les accusations portent sur 130 000 $ US de paiements que la société de M. Trump a versés à son avocat de l’époque, Michael Cohen. Il aurait payé cette somme au nom de Donald Trump pour empêcher l’actrice pornographique Stormy Daniels de rendre publiques, un mois avant les élections, ses allégations sur une relation sexuelle avec l’homme d’affaires marié une décennie plus tôt.

Les procureurs affirment que les paiements versés à M. Cohen ont été faussement enregistrés comme frais juridiques afin de dissimuler leur véritable objectif. Les avocats de Donald Trump affirment que les décaissements étaient effectivement des frais juridiques et non une dissimulation.

Après des décennies de poursuites et de procédures juridiques, l’homme d’affaires devenu homme politique fait désormais face à un procès qui pourrait entraîner jusqu’à quatre ans de prison s’il est reconnu coupable, bien qu’une peine sans prison soit également possible. M. Trump devrait également faire appel de toute condamnation.

Ses avocats ont perdu leur tentative d’obtenir le rejet de l’affaire et ont depuis cherché à plusieurs reprises à retarder le procès, provoquant une série d’audiences de dernière minute devant la cour d’appel la semaine dernière.

Ils soutiennent que la composition du jury à Manhattan, majoritairement démocrate, a été entachée par une publicité négative à l’égard de M. Trump et que l’affaire devrait être déplacée ailleurs.

Un juge d’appel a rejeté une demande d’urgence visant à retarder le procès tandis que la demande de changement de lieu est transmise à un groupe de juges d’appel, qui devraient l’examiner dans les semaines à venir.

Les procureurs de Manhattan ont rétorqué qu’une grande partie de la publicité provenait des propres commentaires de M. Trump et que les questions permettraient de déterminer si les jurés potentiels peuvent mettre de côté les idées préconçues qu’ils pourraient avoir. Il n’y a aucune raison, ont déclaré les procureurs, de penser qu’il n’existe pas 12 personnes justes et impartiales parmi les quelque 1,4 million d’adultes vivant à Manhattan.