Encore trop de gaspillage alimentaire aux É.-U.; l’aide de l’EPA demandée

CHICAGO — Plus d’un tiers de la nourriture produite aux États-Unis n’est jamais consommée. Une grande partie finit dans les décharges, où elle génère des tonnes de méthane qui accélèrent le changement climatique. C’est pourquoi plus de 50 fonctionnaires locaux ont signé mardi une lettre appelant l’Agence de protection de l’environnement (EPA) à aider les gouvernements municipaux à réduire le gaspillage alimentaire dans leurs communautés.

La lettre fait suite à deux rapports récents de l’EPA sur l’ampleur du problème du gaspillage alimentaire aux États-Unis et les dommages qui en résultent. 

Les responsables municipaux ont pressé l’agence d’augmenter les subventions et l’aide technique pour des solutions de rechange aux déchets. Ils ont également exhorté l’agence à mettre à jour les normes de mise en décharge des déchets afin d’exiger une meilleure prévention, détection et réduction des émissions de méthane. 

Les scientifiques disposent déjà de la technologie pour y arriver, mais elle peut être difficile à mettre en œuvre puisque les déchets alimentaires se décomposent et commencent à générer rapidement du méthane.

Lutter contre le gaspillage alimentaire est un défi de taille que les États-Unis ont déjà relevé. En 2015, le département américain de l’Agriculture et l’EPA se sont fixé pour objectif de réduire de moitié le gaspillage alimentaire d’ici 2030, mais le pays a fait peu de progrès, a déclaré Claudia Fabiano, qui travaille sur la gestion du gaspillage alimentaire pour l’EPA.

«Nous avons un long chemin à parcourir», a souligné Mme Fabiano.

Les chercheurs affirment que les rapports de l’EPA fournissent des informations indispensables. Un rapport révèle que 58 % des émissions de méthane provenant des décharges sont issues des déchets alimentaires, un problème majeur, car le méthane est responsable d’environ un quart du réchauffement climatique et a un potentiel de réchauffement bien plus élevé que le dioxyde de carbone.

L’ampleur du problème étant clairement définie, certains élus et chercheurs espèrent agir. Mais ils affirment que cela nécessitera non seulement un investissement de ressources, mais également un changement majeur de mentalité de la part du public. Les agriculteurs devront peut-être modifier certaines pratiques, les fabricants devront repenser la façon dont ils emballent et commercialisent leurs produits, et les individus devront trouver des moyens d’éviter le gaspillage de nourriture.

Ainsi, pour la première fois depuis les années 1990, l’EPA a mis à jour son classement des stratégies privilégiées pour la réduction des déchets, allant de la prévention totale du gaspillage alimentaire (en ne les produisant pas ou en ne les achetant pas en premier lieu) au compostage ou à la digestion anaérobie, un processus par lequel les déchets alimentaires peuvent être transformés en biogaz à l’intérieur d’un réacteur. 

Des besoins différents selon les régions

La prévention reste la principale stratégie, mais le nouveau classement inclut plus de nuances comparant les options afin que les communautés puissent décider comment prioriser leurs investissements.

Mais réduire les déchets nécessite un changement psychologique majeur et un changement de mode de vie de la part des individus, quoi qu’il arrive. Les chercheurs affirment que les ménages sont responsables d’au moins 40 % du gaspillage alimentaire aux États-Unis.

C’est un problème plus urgent que jamais, a déclaré Weslynne Ashton, professeure de gestion environnementale et de durabilité à l’Institut de technologie de l’Illinois, qui n’a pas participé aux rapports de l’EPA. Les Américains ont été conditionnés à s’attendre à l’abondance dans les épiceries et dans leurs assiettes, et il est coûteux de retirer toute cette nourriture du cycle de déchets.

«Je pense qu’il est possible de mettre zéro déchet organique dans les décharges, a affirmé Mme Ashton. Mais cela signifie que nous avons besoin d’une infrastructure pour permettre cela à différents endroits des villes et des régions plus rurales. Cela signifie que nous avons besoin d’incitations à la fois pour les ménages et pour les institutions commerciales.»

Le problème étant clairement défini et quantifié, il reste à voir si les communautés et les États recevront une aide ou des conseils supplémentaires de la part du niveau fédéral – et quel changement ils pourront apporter d’une manière ou d’une autre. L’EPA a récemment canalisé une partie de l’argent de Loi sur la réduction de l’inflation vers le soutien au recyclage, ce qui comprenait un financement pour les déchets organiques, mais il s’agit de programmes relativement nouveaux.

Certaines collectivités locales travaillent sur cette question depuis un certain temps. La Californie a commencé à exiger que chaque juridiction fournisse des services de collecte du compost à partir de 2022. 

D’autres n’ont cependant pas autant d’avance. Chicago, par exemple, vient de lancer il y a deux semaines un programme pilote de compostage à l’échelle de la ville, qui a mis en place des points de dépôt gratuits de déchets alimentaires dans toute la ville. Mais les utilisateurs potentiels doivent transporter eux-mêmes leurs restes de nourriture.

La professeure agrégée de planification et de politique urbaines à l’Université de l’Illinois à Chicago, Ning Ai, estime que le rapport pourrait être renforcé par des informations plus spécifiques sur la manière dont différentes communautés peuvent adopter des solutions spécifiques, dans la mesure où la prévention du gaspillage alimentaire peut être différente dans les zones rurales et urbaines ou dans différentes régions du pays. 

Elle a toutefois été impressionnée par le fait que le rapport mettait en évidence les compromis entre les impacts environnementaux touchant l’air, l’eau et la terre, ce qui, selon elle, n’est pas souvent documenté de façon aussi pointue. 

«Ces deux rapports, ainsi que certains des plus anciens, apparaissent clairement comme un coup de pouce à l’élan national en faveur de la réduction des déchets», a déclaré Mme Ai, qui n’a pas participé aux recherches de l’EPA.