Venezuela: l’interdiction de la candidature de la cheffe de l’opposition dénoncée

CARACAS, Venezuela — Le gouvernement américain et près de 30 dirigeants conservateurs du monde entier ont condamné samedi la décision du plus haut tribunal du Venezuela de bloquer la candidature présidentielle de la cheffe de l’opposition María Corina Machado.

L’administration Biden est toutefois restée évasive quant à la réimposition de sanctions économiques contre le Venezuela, ce qu’elle a menacé de faire si le gouvernement du président Nicolás Maduro ne parvenait pas à garantir des règles du jeu équitables pour l’élection présidentielle de cette année.

«Les États-Unis sont en train de revoir leur politique de sanctions contre le Venezuela, sur la base de cette évolution et du récent ciblage politique des candidats de l’opposition démocratique et de la société civile», a déclaré le porte-parole du département d’État américain, Matthew Miller, dans un communiqué.

Mme Machado a remporté une primaire présidentielle organisée en octobre par la faction de l’opposition soutenue par les États-Unis. Elle a obtenu plus de 90 % des voix malgré l’annonce du gouvernement vénézuélien lui interdisant de se présenter aux élections pendant 15 ans, quelques jours seulement après son entrée officielle dans la course en juin.

L’ancienne députée et ennemie de longue date du gouvernement a pu participer aux primaires parce que les élections étaient organisées par une commission indépendante des autorités électorales du Venezuela. Mme Machado a insisté tout au long de la campagne sur le fait qu’elle n’avait jamais reçu de notification officielle de l’interdiction et a déclaré que les électeurs, et non les fidèles du parti au pouvoir, étaient les décideurs légitimes de sa candidature.

Le Tribunal suprême de justice du Venezuela a confirmé vendredi l’interdiction, fondée sur des allégations de fraude et de violations fiscales, et accuse Mme Machado de chercher à obtenir les sanctions économiques imposées par les États-Unis au Venezuela.

La décision est survenue plus de trois mois après que M. Maduro et l’opposition soutenue par les États-Unis soient parvenus à un accord pour travailler sur les conditions de base d’élections équitables. Les deux parties ont convenu d’organiser les élections au cours du second semestre de 2024, d’inviter des observateurs électoraux internationaux et de créer un processus permettant aux candidats à la présidentielle de faire appel de leur interdiction.

Cet accord a conduit Washington à assouplir certaines sanctions économiques contre les secteurs pétrolier, gazier et minier du Venezuela.

M. Miller a déclaré que la décision rendue vendredi par le Tribunal suprême de justice du Venezuela «va à l’encontre des engagements pris par Maduro et ses représentants» dans le cadre de l’accord signé en octobre sur l’île caribéenne de la Barbade. Il a soutenu que la procédure d’appel «manquait d’éléments de base, car Machado n’a ni reçu de copie des allégations portées contre elle ni eu la possibilité d’y répondre».

Gerardo Blyde, le négociateur en chef du groupe d’opposition connu sous le nom de Plateforme unitaire, a déclaré samedi que la décision du tribunal violait l’accord de la Barbade. Il a demandé le soutien de la communauté internationale, en particulier des présidents français Emmanuel Macron ; du Brésil, Luis Inácio Lula da Silva, et de la Colombie, Gustavo Petro, qui ont tous soutenu le processus de négociation.

M. Blyde a également exhorté les alliés de M. Maduro à revenir sur la décision du tribunal, arguant qu’elle constitue une «violation de la procédure régulière et du droit à une défense régulière» de Mme Machado, qui n’a jamais eu la possibilité de se défendre.

Mais Hector Rodríguez, gouverneur et membre de la délégation de négociation de M. Maduro, a déclaré aux journalistes que le gouvernement vénézuélien avait respecté les termes de l’accord et prévoyait d’organiser l’élection présidentielle cette année. Il a ajouté que la décision du tribunal appartient au passé aux yeux de sa délégation.

«Ce qui s’est produit à la suite de la demande de l’opposition d’une procédure (d’appel) accélérée basée sur l’accord est déjà une question tranchée au Venezuela, a affirmé M. Rodríguez. Nous n’aurons plus de pluie battante. Ils ne vont pas nous enfermer dans une dynamique permanente qui ne nous permet pas d’avancer.»

Même si le candidat de l’opposition reste incertain, M. Maduro briguera six années supplémentaires au pouvoir. Sa présidence, qui a duré dix ans, a été marquée par une crise politique, sociale et économique. Sous sa direction, des millions de Vénézuéliens sont tombés dans la pauvreté et plus de 7,4 millions ont émigré.

Dans un communiqué samedi, l’organisation non gouvernementale internationale Initiative démocratique d’Espagne et des Amériques, a déclaré que Mme Machado «continue d’être la représentante légitime de l’opposition vénézuélienne et sa candidate à la présidentielle devant la communauté internationale».

La déclaration a été signée par une trentaine de dirigeants mondiaux d’Espagne et d’Amérique latine, dont les anciens présidents Iván Duque de la Colombie, Mauricio Macri d’Argentine, ainsi que Vicente Fox et Felipe Calderón du Mexique.

Les dirigeants ont écrit que les actions du gouvernement de M. Maduro devant le plus haut tribunal du Venezuela, «dont la direction a récemment été confiée à un membre du parti officiel… prouvent son mépris répété pour les éléments essentiels et les composantes fondamentales de la démocratie».