Anxiété chez les juifs et les musulmans de Montréal depuis le début de la guerre

MONTRÉAL — Les gestes à caractère haineux visant les juifs et les musulmans à Montréal depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas suscitent de l’anxiété et des questionnements sur l’expression en public de leur identité propre.

Une récente série d’actes antisémites à Montréal a amené Ethan Armand Hotchkiss à revêtir sa kippa lors d’une partie de basket-ball jeudi pour afficher fièrement son identité juive.

C’était «la première fois depuis très longtemps» qu’il portait le couvre-chef religieux, a-t-il déclaré vendredi devant le centre de conditionnement physique situé à côté de l’école primaire Talmud Torah, l’une des deux écoles juives de Montréal visées par des coups de feu en début de semaine.

Mais même si M. Hotchkiss se sent en sécurité en portant le symbole lors d’événements communautaires juifs, il a soutenu qu’il ne le faisait pas régulièrement en public pour éviter des situations potentiellement dangereuses.

«J’essaie juste de ne pas me montrer trop ouvertement, a-t-il expliqué. Je ne porterai pas nécessairement ma kippa tous les jours, pour aller dans le métro ou dans la rue pour faire l’épicerie ou autre, simplement parce que je ne sais pas si je vais peut-être entendre des discours racistes en cours de route.»

Des leaders de la communauté juive de Montréal affirment que ses membres ont peur dans le contexte d’une vague de violence antisémite qui a commencé après l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre, qui a tué environ 1200 personnes, pour la plupart des civils, selon le gouvernement israélien. Les bombardements israéliens en représailles contre la bande de Gaza ont tué plus de 11 000 personnes, ont rapporté des responsables du territoire palestinien.

En plus des coups de feu à l’extérieur des écoles Talmud Torah et Yeshiva Gedola, la police de Montréal enquête sur deux attaques incendiaires survenues dans la nuit de lundi à mardi et qui ont causé des dommages mineurs à une synagogue et à un bureau appartenant au groupe de défense juif Fédération CJA, tous deux à Dollard-des-Ormeaux, sur l’île de Montréal. Aucun blessé n’a été signalé lors des quatre incidents.

«Nous répondons quotidiennement non pas à des dizaines, ni à des centaines, mais à des milliers d’appels à propos de préoccupations concernant la sécurité», a déclaré le président-directeur général de la Fédération CJA, Yair Szlak, lors d’une conférence de presse mardi. Cette crainte a poussé de nombreux membres de la communauté à reconsidérer leurs expositions publiques de symboles religieux, a-t-il ajouté.

«Les gens demandent… devrions-nous pouvoir y aller parce que nous portons une kippa ? Devrions-nous cacher notre étoile de David ? Devrions-nous enlever notre mézouza ? Nous entendons cela en temps réel», a-t-il déclaré. L’étoile de David est souvent portée comme pendentif dans un collier et la mézouza est un coffret décoratif contenant un rouleau de parchemin que les juifs apposent sur les encadrements de portes.

De nombreux signalements

Dans le mois qui a suivi le début de la guerre, le 7 octobre, la police de Montréal a dénombré 41 signalements de crimes haineux visant la communauté juive et 14 signalements de crimes haineux contre des Arabes ou des musulmans.

Stephen Brown, PDG du Conseil national des musulmans canadiens, établi à Montréal, a déclaré que des membres de la communauté musulmane locale ont signalé à son organisation plusieurs cas dans lesquels la police de Montréal n’avait pas pris les plaintes aussi au sérieux que les résidents l’auraient espéré. M. Brown a déclaré que son organisation avait été inondée de signalements faisant état de racisme, de haine et de violence contre les musulmans depuis le 7 octobre.

À Montréal, il a soutenu que ces événements comprenaient des graffitis racistes et de multiples agressions contre des femmes musulmanes, comme des femmes qui se sont fait cracher dessus et au moins trois femmes dont le hijab a été arraché.

Les commentaires de la communauté musulmane ont clairement montré «qu’il s’agit de la pire vague d’islamophobie que la communauté ait connue depuis la période post-11 septembre», a déclaré M. Brown lors d’un entretien téléphonique vendredi. «Les gens ont peur d’exprimer leur identité en ce moment.»

Il a appelé les autorités canadiennes à prendre au sérieux les menaces contre les musulmans et les Arabes, et les élus à veiller à ce que des luttes géopolitiques ne débordent pas au niveau national.

«Les dirigeants du pays doivent être très clairs sur le fait que les conflits qui surviennent dans le reste du monde ne devraient pas avoir d’effet de contagion et éviter un étalement de ce conflit au Canada», a-t-il conclu.

— Avec des informations de l’Associated Press