Concordia craint les «répercussions financières dévastatrices» de la hausse prévue

MONTRÉAL — L’Université Concordia, à Montréal, met en garde contre des «répercussions financières dévastatrices» si le gouvernement du Québec va de l’avant avec son projet visant à doubler les droits de scolarité pour les nouveaux étudiants hors province l’automne prochain.

Le recteur et vice-chancelier de l’université, Graham Carr, écrivait mardi dans un message à la communauté de Concordia que les nouveaux droits de scolarité pour les futurs étudiants canadiens hors Québec, qui passeraient de 9000 $ à 17 000 $, auront pour effet d’«exclure du marché» l’établissement montréalais.

Selon le recteur Carr, Concordia s’attend à ce que les inscriptions au premier cycle provenant des autres provinces diminueront de 65 à 90 % dès la mise en œuvre de la politique l’automne prochain. 

Cette baisse d’inscriptions entraînerait selon lui une perte de revenus de 8 millions $ lorsque la hausse entrera en vigueur pour les nouveaux étudiants au cours de l’année universitaire 2024-2025. Mais lorsque tous les étudiants de premier cycle seront facturés au nouveau tarif, dans quatre ans, cette baisse des revenus pourrait atteindre 32 millions $ annuellement, estime Concordia.

Le gouvernement de François Legault a annoncé le mois dernier qu’à compter de l’automne 2024, la tarification des droits de scolarité sera modifiée pour les étudiants non québécois qui étudient au premier cycle universitaire et au deuxième cycle professionnel (sans mémoire) dans un établissement anglophone québécois.

Les étudiants canadiens hors Québec paieront l’équivalent de ce que leur formation coûte au gouvernement du Québec, soit 17 000 $ plutôt que 8992 $. Les étudiants étrangers devront débourser quant à eux 20 000 $ pour fréquenter une université anglophone au Québec. 

Par contre, les étudiants canadiens ou étrangers qui sont déjà inscrits, de même que les étudiants à la maîtrise et au doctorat, ne paieront pas plus cher, tout comme ceux de France et de Belgique.

Le gouvernement plaide que la majorité de ces étudiants universitaires quittent le Québec après y avoir étudié en anglais en bénéficiant de tarifs avantageux. 

«Nul doute, les nouvelles politiques du gouvernement auront un énorme effet sur notre situation financière et rétréciront notre effectif étudiant», écrit le recteur Carr. Il ajoute que Concordia procède à une analyse détaillée de ses programmes, mais que quel qu’en soit le résultat définitif, les répercussions à prévoir sur les activités de Concordia «sont vastes et complexes».

Par ailleurs, le projet du gouvernement de facturer aux universités 20 000 $ pour chaque étudiant étranger pourrait infliger un coup supplémentaire de 30 millions $ aux finances de Concordia en quatre ans, a poursuivi M. Carr. Ce manque à gagner entraînerait donc une perte annuelle totale d’environ 62 millions $, soit entre 9 et 10 % du budget actuel de l’établissement montréalais, estime-t-on. 

Les autres universités anglophones du Québec, McGill et Bishop’s, avaient déjà prévenu de conséquences similaires. Le directeur de l’université Bishop’s, Sébastien Lebel-Grenier, déclarait le mois dernier que les nouvelles mesures pourraient grever de près du quart le budget de la petite université des Cantons-de-l’Est.

Malgré les représentations des trois universités auprès du gouvernement Legault, M. Carr a déclaré mercredi que le gouvernement n’avait démontré pour l’instant «aucune ouverture à réévaluer ses actions».

Au ministère de l’Enseignement supérieur, on refusait mercredi matin de commenter la lettre du recteur. Mais le premier ministre Legault a maintenu le cap, lundi, affirmant qu’«il y a 9 % d’anglophones au Québec», mais que «25 % des places dans les universités au Québec» sont dans les trois universités anglophones.

«Actuellement, il y a un déclin du français au Québec, a-t-il dit. Et entre autres, il y a beaucoup d’étudiants anglophones. Donc, l’idée des mesures annoncées, c’était d’arrêter la progression du nombre d’étudiants anglophones au Québec.»

M. Legault s’est dit parfaitement disposé à rencontrer «dans les prochaines semaines» les dirigeants de Bishop’s, Concordia et McGill pour entendre leurs suggestions sur d’autres moyens d’atteindre cet objectif. «Mais pour moi, c’est non négociable, notre gouvernement va renverser le déclin du français au Québec», a ajouté le premier ministre.