Controverse sur le financement de la CAQ: «le dossier est clos», dit Legault

SHERBROOKE, Qc — Plongée dans la controverse concernant son financement, la Coalition avenir Québec (CAQ) va réviser les invitations à ses cocktails.

Le chef caquiste François Legault assure que son parti ne réclame pas des dons aux élus municipaux en échange d’une rencontre avec des ministres, en dépit de ce que pourraient suggérer des messages de ses propres députés. 

La commissaire à l’éthique et à la déontologie de l’Assemblée nationale, Ariane Mignolet, enquête dans un cas et examine un deuxième cas pour déterminer s’il y a matière à enquête, à la demande de Québec solidaire (QS).

«Est-ce que la façon d’écrire certaines invitations doit être revue? Brigitte Legault (la directrice générale du parti) regarde ça (…)», a déclaré M. Legault, jeudi, en conférence de presse au terme d’une réunion de ses députés dans un hôtel de Sherbrooke.

Ainsi, dans un message obtenu mardi par La Presse Canadienne, le député Louis-Charles Thouin a invité une dizaine de maires de sa circonscription de Rousseau à un cocktail pour garnir la caisse électorale à coups de 100 $, en échange de quoi les élus pourraient rencontrer la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, le 8 février à Saint-Jacques. 

Or Élections Québec stipule qu’une contribution à un parti doit être faite «sans compensation ni contrepartie».

«On n’a pas besoin de donner de l’argent à la CAQ quand on est maire pour voir un ministre, a martelé M. Legault. J’ai demandé à Brigitte (Legault) à ce que ce soit encore plus clair.»  

Il a refusé de dire que les controverses entourant les méthodes de financement de ses députés constituaient une «distraction» – une référence au fait qu’il voulait éviter les «distractions» dans son mandat en 2024.    

«Ça ne devrait même pas être un sujet, parce que c’est clair qu’il n’y a pas de volonté à la CAQ d’exiger de l’argent de maires pour rencontrer un ministre», a tranché le premier ministre, en concluant par: «le dossier est clos».

Dans sa demande d’enquête sur M. Thouin adressée à la commissaire à l’éthique, le député Vincent Marissal, de Québec solidaire, a même évoqué un «stratagème de financement» de la CAQ, qui pourrait faire miroiter un entretien avec un ou une ministre en échange d’un don de 100 $.  

Mais M. Legault a affirmé que son parti ne vise pas les élus municipaux dans ses stratégies de financement.

M. Thouin ne s’est toujours pas expliqué sur ses méthodes de financement, malgré nos demandes d’entrevue. 

Il participait au caucus de deux jours de la CAQ, dans un hôtel de Sherbrooke, mais il a été pratiquement invisible.

Il a été aperçu en train d’entrer rapidement à la réunion jeudi matin, mais il n’a pas été revu aux entrées et aux sorties des députés de la salle du caucus.

Dans son message de sollicitation, le député caquiste précisait: «chaque député doit, chaque année, amasser des fonds en vue des prochaines élections, toutefois cette année j’ai décidé de vous proposer une nouvelle formule».

Il disait qu’il veut ainsi «joindre l’utile à l’agréable» en invitant les élus à un «cocktail privé» au coût de 100 $, formule 5 à 7, en présence de Mme Guilbault. 

«Geneviève et moi seront ravis de vous accueillir et de pouvoir échanger avec vous sur divers sujets qui vous préoccupent dont les enjeux de transports routiers et collectifs», écrivait-il.

Rappelons que le ministère des Transports et sa ministre sont en contact constant avec les municipalités sur des enjeux de financement des infrastructures routières, de transport en commun, d’entretien des routes, de nouveaux tronçons, de sécurité, etc.

Rencontrer la ministre peut ainsi permettre à un élu municipal de faire avancer un dossier, mais un élu qui sollicite un rendez-vous avec un ministre ne doit pas avoir à payer pour obtenir sa rencontre.

Élections Québec stipule que le donateur à un parti politique doit attester que sa «contribution a été faite à même ses propres biens, volontairement, sans compensation ni contrepartie, et qu’elle n’a fait ni ne fera l’objet d’un quelconque remboursement».

Le message de sollicitation transmis par M. Thouin contrevient à plusieurs articles du code d’éthique des élus, a estimé mercredi M. Marissal, dans sa demande d’enquête.

«Les maires de sa circonscription qui accepteraient de l’aider dans cette entreprise suite à ses propres sollicitations se trouveraient à lui rendre un service qui mettrait ensuite M. Thouin dans une posture de redevabilité évidente le plaçant dans une situation où son intérêt personnel pourrait influencer son indépendance de jugement dans l’exercice de sa charge», ce qui contreviendrait à un des articles du code, écrit M. Marissal.

Le député de QS se pose ensuite des questions sur l’accès privilégié offert par le député et sur les intérêts en cause.

«En offrant de donner – contre contribution financière qui plus est – aux maires de sa circonscription un accès privilégié à une ministre avec lesquels ils sont susceptibles d’avoir plusieurs intérêts à faire valoir, M. Thouin n’a-t-il pas agi de façon à favoriser les intérêts de ces maires d’une manière abusive?» demande M. Marissal.

Le Parti libéral du Québec a également dénoncé les pratiques de la CAQ en les qualifiant d’inacceptables.

La présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, a même refusé d’endosser les méthodes de son collègue, M. Thouin. 

En mêlée de presse mercredi, celle qui a été procureure en chef de la Commission Charbonneau – qui était chargée d’enquêter sur les allégations de corruption et de collusion –  a refusé de se prononcer sur la légalité des agissements de M. Thouin.

La semaine dernière, Radio-Canada avait révélé une controverse sur le financement de la CAQ qui touchait le député de Chauveau, Sylvain Lévesque.

Une citoyenne qui souhaitait que son député fasse progresser son dossier s’est fait offrir de rencontrer le ministre des Finances, Eric Girard, en échange d’une contribution de 100 $ à la caisse du parti.

La commissaire à l’éthique et à la déontologie de l’Assemblée nationale a annoncé lundi qu’elle entreprenait une enquête sur le cas de M. Lévesque.

Au Québec, les contributions financières aux formations politiques sont encadrées par la loi sur le financement des partis politiques.