Des affiches pro-palestiniennes et pro-israéliennes se multiplient à Montréal

MONTRÉAL — À Montréal, des signes de la guerre entre Israël et le Hamas se trouvent un peu partout. Des affiches et des graffitis discordants démontrant leur soutien aux causes israélienne ou palestinienne font désormais partie du paysage urbain : sur les trottoirs, sur les lampadaires et sur les abribus.

La rivalité entre les camps pro-israélien et pro-palestinien se déroule sous la forme d’une compétition visuelle non seulement à Montréal, mais partout en Amérique du Nord, soulevant des questions sur le rôle que jouent ces images dans l’escalade des tensions locales liées à ce conflit qui se déroule outre-mer.

L’intensité de cette rivalité la distingue des autres conflits culturels et politiques de l’histoire récente, selon Aidan McGarry, professeur de politique internationale à l’Université de Loughborough, en Angleterre, qui étudie les éléments visuels des mouvements de manifestations.

Les manifestations suscitent des mouvements de contre-manifestation, a-t-il expliqué dans une entrevue. Souvent, dit-il, ces contre-manifestations se voient par des messages plus discrets ou latents.

«Ce qui est différent cette fois-ci, c’est qu’il y a deux groupes qui rivalisent absolument pour attirer l’attention du public, a-t-il déclaré. Ils veulent le public de leur côté et ils croient tous les deux complètement qu’ils ont raison.»

«La résistance par l’expression»

Solidarité pour les droits de la personne palestiniens (SPHR) McGill est l’une des organisations qui milite pour ce qu’elle appelle «la résistance par l’expression». En plus d’effectuer des manifestations, le groupe étudiant de l’Université McGill a organisé des activités de fabrication de bannières et d’affiches.

John Vogel, organisateur du SPHR McGill, qui a conçu certaines affiches et des graphiques pour les réseaux sociaux du groupe, affirme qu’il déploie des médias visuels pour «garder le contrôle du récit populaire» et contester les discours pro-israéliens. Il attribue à ce travail le mérite d’avoir contribué à générer ce qu’il dit être «un soutien étudiant sans précédent sur le campus» à la cause palestinienne.

«Un travail visuel, accrocheur», a soutenu M. Vogel en entrevue, est «le principal front sur lequel nous pouvons lutter pour un récit qui soutient la libération palestinienne».

Façonner les récits est souvent l’objectif des stratégies de communication des mouvements de manifestation, a indiqué M. McGarry. Les marqueurs visuels peuvent également être un moyen pour les manifestants «d’affirmer leur appartenance» dans les espaces publics et de diffuser des messages de sympathie et de solidarité avec les Israéliens et les Palestiniens, a-t-il ajouté.

Ces symboles peuvent susciter des réactions émotionnelles du public, a déclaré M. McGarry. Des images de victimes ou de destructions, par exemple, «(confrontent) les gens à la réalité de quelque chose qui s’est produit très loin. Et puis, le public se retrouve avec cette forte réaction».

Il est également possible, dit-il, que de telles réponses contribuent à stimuler le type d’animosité qui conduit à la violence.

Montréal a connu une recrudescence d’actes visant les communautés juive et musulmane depuis le déclenchement de la guerre entre Israël et le Hamas, le mois dernier. La police enquête sur plusieurs incidents de coups de feu nocturnes visant des écoles juives, ainsi que sur des engins incendiaires qui ont causé des dommages mineurs à l’extérieur de deux institutions juives. Il n’y a eu aucun blessé lors de ces événements. 

Le Conseil national des musulmans canadiens affirme avoir également reçu des signalements faisant état de graffitis racistes et d’agressions contre des Montréalais musulmans, incluant plusieurs cas lors desquels des agresseurs ont arraché le hijab de femmes.

Les dirigeants des communautés juive et musulmane locales ont décrit une atmosphère de peur et d’anxiété. À Montréal et ailleurs, les images liées à la guerre entre Israël et le Hamas ont parfois suscité de vives réactions et des débats.

Des images des otages

Lorsque 16 stations de métro ont été placardées d’affiches pro-palestiniennes plus tôt cette semaine, indiquant «génocide en Palestine, le Canada complice», le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a d’abord chargé sa brigade des crimes haineux d’enquêter, mais a ensuite transféré l’affaire à l’unité de police qui patrouille dans le métro. 

Jeudi matin, le SPVM a répondu à une manifestation pro-palestinienne qui bloquait la circulation sur le pont Jacques-Cartier. Des images circulant sur les réseaux sociaux montrent des manifestants brandissant de grandes banderoles appelant à une «Palestine libre» et à un cessez-le-feu à Gaza.

Des reportages provenant de plusieurs villes font état de la prolifération – puis du déchiquetage – d’affiches représentant les quelque 240 otages capturés par le Hamas lors de son attaque du 7 octobre contre Israël. Les affiches rouges et blanches sont devenues l’un des signes les plus reconnaissables de la cause israélienne.

Des incidents au cours desquels des individus ont retiré des affiches ont amené les autorités de Hampstead, une petite ville située sur l’île de Montréal, à proposer un règlement qui qualifierait de nuisance le retrait d’enseignes d’une propriété publique et imposerait une amende de 1000 $ pour une première infraction et une amende de 2000 $ pour une récidive.

Yair Szlak, président-directeur général de la Fédération CJA, une association juive de Montréal, a soutenu que le retrait des affiches d’otages équivalait à «l’annulation» d’êtres humains. «La vie juive n’est pas assez importante, a déclaré M. Szlak, en entrevue. Il y a des gens qui déchirent des affiches, ce qui constitue l’acte le plus cruel (de faire disparaître) quelqu’un, ce qui signifie que la vie n’a pas d’importance.»

«Je ne considère pas cela comme un plaidoyer en faveur d’Israël, a-t-il dit, à propos des affiches. C’est ce que j’appellerais un plaidoyer pour l’humanité.»

M. Szlak a affirmé que les récits accusant entièrement Israël de la mort de civils dans la bande de Gaza, sans reconnaître les actions du Hamas, incitent à la violence antisémite.

M. Vogel a indiqué que «l’art ou l’expression pro-Palestiniens ne fait qu’aggraver les tensions dans la mesure où ils obligent les gens à aborder la cause palestinienne dans leur vie quotidienne».

M. McGarry a décrit la compétition entre les manifestations pro-israéliennes et pro-palestiniennes comme «une bataille pour gagner les cœurs et les esprits des différentes couches de la société».

«Habituellement, quand vous avez une manifestation de contestation, c’est d’un côté ou de l’autre. Et ici, vous avez les deux côtés assez forts, a-t-il précisé. Je n’ai jamais vu ça comme ça auparavant.»